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Silence au belvédère - Christophe Stolowicki
par Jean-Paul Gavard-Perret

Exigence Littérature; le goût de la lecture, l'exigence de l'écriture

SILENCE AU BELVEDERE
Christophe Stolowicki, L'oxydable de la langue, Collection "traces", Passages d'Encres, Romainville, 15 euros.

Ecrire ne sauve rien, pourtant il suffit de quelques textes, de quelques poèmes pour faire le bilan ou tout au moins le point sur une vie, sur sa trajectoire. Non écrire ne sauve rien, condamne, mais il arrive que par oxydation (de la langue - et cette précision est capitale) la littérature torde le coup à la vision platonicienne des "choses". Que tout passe par la langue est en effet ici important : il ne s'agira pas à coups d'évènements, de vignettes ou d'images de se rincer l'oeil. Juste le regard d'un homme sur des femmes, de femmes sur cet homme. Il n'y a d'une certaine façon dans cette caverne de la vie que le corps rien que le corps mais désassemblé. Reste sa part maudite et les larmes d'Éros Le corps n'induit plus un appel à une sorte d'éternité mais à une fragilité, à quelque chose d'éphémère, à l'absence où il va se figer.

Alors sous le réel, il existe non rien mais le rien. L'article à toute son importance il indique Le Lieu "quelque chose à incommuniquer communique enfin" (Deleuze). Ni abstraction, ni métaphore, mais porte dérobée qui plonge au fond de l'impasse du rapport de l'être à son propre corps et au corps de l'autre. C'est pourquoi en quelques coupes, incisions - qui sous-entendent on ne sait combien de ratures - Christophe Stolowicki, démontent sa trajectoire. Et il suffit - par exemple - de neuf vers pour synthétiser ce qui échappe toujours à la pure fiction de l'auto-analyse :

"échangé un baiser
vieux de miel
mère et fils
l'arme à gauche

non s'entre-tuent
mais d'imperceptible écart
de rafales
l'une après l'autre ployés

jonchent la mémoire".

On comprendra en un tel passage combien le jeu du masculin et du féminin, du singulier et du pluriel prend tout son poids et prouvent que tout se jouent dans la langue (ni maternelle, ni maternante mais "bicéphale" ), à travers elle.

Au fil du temps le travail de Stolowicki prend ainsi sa juste dimension. D'élagages en effacements il prouve encore cette quête de l'essentiel par ce qui tient presque de l'extinction et que souligne son éditrice Chrsitiane Tricoit : "quand d'autres tirent à la ligne, C. S. fait court". Surgi ainsi de la langue par où tout passe, infuse. Le livre permet en conséquence de culbuter hors du corps de rêve dans l'espoir de l'incruster dans la chair, lui restituer une vérité foncière. De poème en poème une implosion a lieu elle ne referme pas l'être seulement sur son manque : elle dévoile les stigmates où s'échoue le désir. Ici le fantasme vient buter. Pour une autre histoire. Plus réelle - plus tragique peut-être ou tout simplement plus dérisoire - issue de l'endroit où

"à la source éparse de mes racines

s'iirigue l'étincelante épine".


J-P Gavard-Perret
11/2002

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