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La déposition - Gilles Perel
par Jean-Paul Gavard-Perret

Exigence Littérature; le goût de la lecture, l'exigence de l'écriture

Stock, Paris 162 pages 13,80 Euros

Père, parâtre, maquereau, quelque chose (le tout), puis plus rien, juste le silence, le trou noir pas même mes adieux, le trou d'où personne n'a jamais été, d'où le plus vieux des deux amants (le Docteur Vincent Esquoril) n'aura jamais tiré celui qui aurait pu être son fils (Bruno Barreuil). Alors les traces juste les traces d'un amour fou et de ses malentendus (prendre la jouissance pour l'absolu), la fracture des corps pour que l'un à l'autre en fasse sortir sans doute le murmure d'une voix ancienne, en un brame amoureux sans pouvoir dire si cet amour est vraiment de l'amour ou juste cette peur de ce perdre au nom d'une chienne loi vénérée car en dépit de la brûlure pare le présent ce qui ne va pas c'est toujours le passé. D'où cette traque à travers les surfaces, et les peaux, vers la première image, savoir, savoir comment c'était avant - transferts, rattachements. Lyeurs de perles, mangeur d'ocre pour vider la tête en s'épuisant le sexe, le petit Jésus (se signant après mais ne faisant jamais une croix dessus). Alors une voix parle dans les guillemets, une voix parle dans les mots de l'autre la perte, parâtre, voix maquerelle - payant parfois le prix fort pour le faire - se perdre et s'oublier. Le plus jeune sait sais que c'est là que ça insiste encore, brave petite père - mais Lyeur ne se déplace plus, n'a même jamais bougé. Maintenant c'est le soir du langage et la fin des adieux. Quelque chose se retire - mais ça remonte encore en ses noms, entre deux vi(d)es, entre deux rides. Ne reste que les trace - souffrance fait se dissoudre les corps, personne pour entendre et l'éponger : silence que silence, terre, terre, argile imaginée, de longtemps ou jamais. Lyeur dans l'épuisement ouvert depuis l'absence, retirant les pierres et gardant la mousson et tel qu'il fut laissé - nu de grège se penchant pour le faire. Echo, blanche d'appel, silence moite. Maintenant se défaire. Ronces, ronces. Le rouge, le sommeil, le langage de Gilles Pérel comme des notes éparses, serrées - retenu prisonnier là où je gisais avec le coeur du moins ce qu'il en reste le corps, le corps, le corps - bien plus que chez Genêt, bien plus que dans ses livres qui du couple homo ne retiennent que l'écume et la provocation (cf. « Rendez-vous à minuit à l'hôtel de la nuit » de E. Villain ou « Try » de D. Cooper). A l'inverse dans « la Déposition » juste les contours et le vide qui appellent le plein avant que la loi comme une fourche caudine tombe sur le faux assassin. Il y a un resserrement , une étendue "scénique", une envie qui ne pouvait même plus s'envisager - alors imaginer une dernier fois le père. Il n'y a plus que mèches. Que d'eux. L'un pour avant, l'autre pour après. Le vide plus que la chair, l'idée plus que l'objet, l'encombré, l'enjambé de l'un-en-plus jamais né en Lui puis effacé. Vague du vague absolu, l'inconsolable certitude d'une obscurité. Sera ainsi la dernière image : l'inflexion des strates, le détour des filets de quartz. L'esquisse d'un geste au sein même de l'immobilité. Quelques lichens épars comme autant de forêts. il y a ce gouffre du végétal dans le corps quand ta main vient le toucher et qu'elle entre par les interstices. Il y a le trou qui déborde, qui fait le chaos que grossit ce roman d'une force rare. Entre le feu et la cendre le saut et l'immobilisation. Il y a ce jouir blanc, cette douleur. Matière dolorosa et dans les hiatus quelque chose du sang. On glisse, on se relève entre les creux et les pleins . Une trace, un désert. C'est là, ça retient et peu importe ce qui se cache derrière : si dur était le temps, si tranchante la caresse de l'autre, le père, le perdu, le persévère, à ce point on n'est plus séparé d'une vérité première on est dedans. L'aridité entraîne au plus profond du temps. La dureté du fer, la tendresse des ors. Reste cette danse, cette carrière à ciel ouvert, les rares mouvements du corps. Dans la perte un secret partagé. La nuit soudain, l'image qui étrangle, le noir qui erre dedans lorsque les artères se nouent en un point de silence. N'est donc pas le récit, n'est pas la rencontre : reste le nom branlant, branlé et sueur jusque dans l'escalier et la sale berceuse qui emporte vers la nuit sans sommeil. Parâtre pour le punir et l'exciter. N'est donc pas le récit. Est plus que la rencontre, mieux que la nuit d'amour. Tomber ainsi, l'¦il aveugle (bandé) et pour ne plus bouger. Traces éphémères de l'invisible cachette. Traverser la frontière, apprendre à renverser le bassin amniotique chargée de terre et de bébé. Affaissement et remontée - transparence opaque des interstices, la crue d'anis étoilé. Cela achever le dess(e)in. Traces, zones, silence. Quand le corps ne bouge plus il sort ses couteaux. La main passe et repasse pour voir où ça lâche. On soulève la peau, on arrache les traces pour contempler à cru l'échec inévitable, bref ce qu'il en est de l'amour : hétéro ou gay la fiction nous rappelle que, tout compte fait, le résultat est sans doute le même.

J-P Gavard-Peret

le 05/03/2002

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