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Sur parole - Jacques Derrida
par Frédérique R.

Sur Parole

L'Aube, 1999

 

" L'absence d'horizon fait peur,

mais c'est peut-être la condition pour que quelque chose d'inouï arrive. "

(p. 50)

  

Après une série de questions-réponses touchant à la biographie de l'auteur, et aux principes généraux de la philosophie, Derrida traite rapidement ici des questions concernant L'Hospitalité, La Phénoménologie, Le Marxisme, Le Mensonge en politique, La Justice et le pardon. Avant de nous intéresser à ses propos concernant la littérature, je vous donnerai moi aussi rapidement un avant-goût de ce qu'il nous dit du mensonge et du pardon, qui m'a semblé essentiel, simple et surtout bien dit.

Derrida explique que l'incapacité de mentir tourne au cauchemar, la possibilité de mentir devant exister pour permettre la sincérité. Quant au pardon... On sait que Derrida enseigne depuis 1998 à l'E.H.S.S. et qu'il a pris pour thème de son séminaire le pardon et le parjure. Attaché à penser les problèmes de l'impunité et de l'attitude sociale face au crime et notamment face au crime contre l'humanité, il explique ici pourquoi le pardon n'est envisageable que s'il y a de l'impardonnable : " C'est justement au moment où le pardon paraît impossible que sa possibilité pure apparaît comme telle. " (p.141)

Cette alliance des contraires est symptomatique de la pensée de Derrida, et l'on ne sera pas étonné qu'au sujet de la responsabilité de l'écrivain, engagé dans son discours, il tienne les propos suivants :

J'insiste en général sur la possibilité de " tout dire " comme droit reconnu en principe à la littérature, pour marquer non pas l'irresponsabilité de l'écrivain, de quiconque signe de la littérature, mais son hyper-responsabilité, c'est-à-dire le fait que sa responsabilité ne répond pas devant les instances déjà constituées.

Pour Derrida, la littérature est une institution et elle est par là même une force, indissociable du principe démocratique, c'est-à-dire de la liberté de parler, de dire ou de ne pas dire ce qu'on veut dire.(p. 24) La littérature est un espace clos, c'est l'espace clos, le seul, où la parole est folle et irresponsable, où elle peut être dite sans qu'elle n'engage rien d'autre qu'elle même. Le sujet qui émet un discours, qui veut communiquer, lui, croit savoir quelle est son intention. Mais que celle-ci lui échappe, et le dépasse, qu'elle entre dans le monde littéraire, et elle devient toute autre, elle devient littérature, elle s'émancipe et dès lors anéantit tout rapport de propriété. Du coup, la responsabilité de l'énonciateur apparaît désuète. Il n'existe plus. En devenant littérature, son discours se détourne de lui, et s'apprête à être ouvert par un autre, puis fermé, puis...

Au fond, ce n'est pas moi qui signe, dès que c'est lancé sur le marché littéraire, ça ne vient plus de moi, ça ne s'adresse pas à toi, la trace m'échappe, elle tombe dans le monde, elle est disponible pour un tiers, et c'est à cette condition qu'elle devient littérature, et c'est cette littérature qui pervertit mon rapport à toi. Le sujet qui signe ces envois ne cache pas cette inquiétude. (p.26)

On comprend que le véritable travail d'écriture, que la véritable façon d'écrire soit sans sujet aucun, qu'elle nécessite un don total et surtout un anéantissement du sujet. Seuls l'incommunicable et l'informulable, seuls la non décision et la non ordonnance permette d'atteindre parfois cette chose incroyable. Ecrire. Mais me direz-vous, comment faire ? Comment partir sans sujet ? Avec quoi ?

Le désir.

J'hésite à me servir maintenant de ce mot d'indécidable parce qu'on l'a trop souvent interprété, de façon ridicule, comme paralysée, hésitation, neutralisation, de façon négative. Pour moi l'indécidable est la condition de la décision, de l'événement, et (...) il est évident que si je savais et pouvais décider d'avance que l'autre est bien l'autre identifiable, accessible au mouvement de mon désir, s'il n'y avait pas toujours le risque que l'autre ne soit pas là, que je me trompe d'adresse, que mon désir n'arrive pas à destination, que le mouvement d'amour que je destine à l'autre s'égare ou ne rencontre pas de réponse, s'il n'y avait pas ce risque-là d'indécidabilité, il n'y aurait pas de désir. (p.53)

 

Frédérique R.

22/08/2002

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