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Crisalide del silenzio - Ruth Cárdenas
par Alice Granger

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Crisalide del silenzio, Ruth Cárdenas, Editions Inti, Florence.
Cantos de Invierno, Ruth Cárdenas, Editions Inti, 1996, Florence.
Habla Francisco, Ruth Cárdenas, Editions Inti 1996, Florence.


Ruth Cárdenas, poétesse bolivienne née le 5 mars 1952, est descendue des Andes pour venir épouser, en 1993, dans le Vieux Monde, un lettré humaniste florentin qui a depuis toujours fait le pari d'une continuité de la Renaissance dans notre temps planétaire, Vittorio Vettori, né le 24 décembre 1920.

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Couple incroyable, oxymore de la vieillesse et de l'impétueuse, enflammée, cruelle jeunesse, magnifique crépuscule et envol des goélands dans le ciel, " palio " de Sienne et " condor indio " des Incas.

Couple qui est littérature. Leur vie est littérature. Celle qui s'envole vers le haut du ciel du Vieux Monde et celui qui s'incline vers l'humus dans une seconde jeunesse rouge coucher de soleil. Un échange dont les deux pôles ne sont pas identiques. D'une part nuit-mort-douleur vers la lumière pour la poétesse bolivienne en train de déployer une magnifique activité littéraire et d'autre part l'humaniste florentin en train de vivre ce que Pietà veut dire, mystère de l'amour et mystère de la mort unis comme la graine et le germe.

C'est par ces épousailles que l'oeuvre remarquable de Ruth Cárdenas prend tout son sens (on peut dire la même chose pour Vittorio Vettori). Le refoulé Inca s'incarne en elle, comme douleur, comme puissance, comme violence, comme menace qui gronde tel le Sud qui, dans le futur, ne se laissera pas éternellement exploiter et sous-culturiser par le Nord, et qui a besoin d'un mur de surdité, d'une barrière différant sans fin la naissance, comme autrefois il avait besoin de la structure dictatoriale et catholique représentée par la grand-mère, pour augmenter à l'excès sa vitalité par opposition, en embuscade-gestation dans la nuit de l'enfance et de l'adolescence refoulées, son enfer dantesque à elle.

La rencontre de Ruth Cárdenas et de l'humaniste Vittorio Vettori réitère, mais tout à fait autrement, d'une manière non pas dictatoriale mais étrusque, oxymorique (il y a en Vittorio Vettori le goût bizarre des Etrusques pour faire un beau crépuscule face au peuple du Capitole capable de se les incorporer culturellement et avec ambiguïté), la présence de la grand-mère qui apportait avec elle la culture catholique et la colonisation hispanique sur les Incas.

Ruth Cárdenas, avec sa vie comme littérature, une Inca venue des Andes, comme un retour du refoulé (mais cette Inca incarne aussi les enfants du Sud refoulés par la mondialisation économique et aussi la question femme par rapport aux hommes, leur rapport différent à la culture, à la parole, à la langue, au langage), affronte avec violence telle un Dragon, avec l'intolérance d'un foetus à terme qui pour naître a besoin de rejeter immunitairement un placenta humanitairement bienveillant et du bon côté des choses (Comme Vittorio Vettori le lettré par rapport à la poétesse bolivienne) la façon dont Vittorio Vettori vit son oeuvre, cette littérature comme vie. Il se plie d'autant mieux à cette attaque vive qu'elle lui donne en échange une deuxième jeunesse, un crépuscule incroyablement beau, infini, qui fait qu'il ne craint pas la mort.

Lorsque Ruth Cárdenas écrit, dans son poème Appello (dans Cristalide del silenzio), " Amami con la certezza / dell'ascia sul legno vivo " (" Aime- moi avec la certitude / de la hache sur le bois vivant "), il faut entendre cela dans toute sa violence, qui est violence sexuelle aussi, et vérité.

En échange, elle lui donne :

Poème Magico accordo, " Mi riconosco... ma di più nella tua ombra densa / che sfrenata si dilaga in ogni spazio / alla ricerca d'una forma / per prolungare la propria esistenza " (" Je me reconnais... beaucoup plus dans ton ombre dense / qui effrénée s'étend dans chaque espace / à la recherche d'une forme / pour prolonger sa propre existence ").

Leur amour porte la marque de Sienne, la ville où Ruth Cárdenas est arrivée pour la première fois en Italie, ville de Sainte Catherine. Ruth Cárdenas a en commun avec Sainte Catherine le goût on pourrait dire dans le sang pour les oxymores. De même que Sainte Catherine aimait mettre en contraste l'arbre mort et l'arbre de vie, le chien et le loup, l'image d'un Christ dévoré, Ruth Cárdenas, dans ses poèmes comme dans sa vie, aime associer le cri et le silence, la douleur et l'amour, la hache dans le bois vivant. Et puis, de même que Sainte Catherine avait une idée spéciale de la " famiglia ", Ruth Cárdenas déploie toute son oeuvre pour " dare alla luce " (si belle expression italienne pour dire " mettre au monde " et qui est infiniment plus significative que de dire de son oeuvre qu'elle est maïeutique) les enfants boliviens (elle est l'une de ses enfants).

Par la publication des magnifiques poèmes de ces enfants boliviens dont elle fut l'enseignante dans les années soixante-dix (Cantos de Invierno) et de leurs contes (Habla Francisco), c'est aussi sa parole refoulée de petite fille qui fait retour, victorieuse de la colonisation (le prénom de Vittorio Vettori est aussi très symbolique !).

Donnant à la lumière et à la parole ces enfants boliviens dont elle fait partie, sur la voie d'une sorte de guerre privée amoureuse menée à la hache (poème), elle la donne aussi aux autres enfants (elle a une intense activité littéraire avec les enfants en Italie, les amenant à une lecture de Dante par exemple, ou par le théâtre).

D'autre part, comme sa vie comme littérature n'est pas seulement une militance en faveur du Sud mais concerne aussi les femmes, elle oeuvre aussi, toujours avec la même vitalité oxymorique, dans ce domaine-là.

Ruth Cárdenas est une très forte personnalité, dont s'inspirer pour nos propres guerres privées...

Alice Granger

 

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