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Le rapport Lugano - Susan George
par Alice Granger

Alice GRANGER-GUITARD Editions Fayard.


Comment faire pour arrêter des gens que rien n'arrête, ces Maîtres de l'Univers affamés de profits immédiats, ../dossierpdf/susangeorge.pdfibéral mondial?
La métaphore du cancer court dans tout le livre. Ainsi que celle de foetus voulant monstrueusement et éternellement rester dans leur système matriciel très juteux qu'est ce capitalisme ( c'est-à-dire le fait d'accumuler des richesses, d'épargner, et donc de tout entreprendre dans ce sens-là, et qui n'est pas quelque chose de naturel de même que la grossesse ne l'est pas, mais est l'invention collective la plus remarquable ) se nourrissant du marché dont la croissance se dissocie de l'idée de bien-être pour un nombre le plus grand possible d'individus sur la planète( mais toujours beaucoup moins important que ceux qui en sont exclus).
Ces Maîtres de l'Univers nourris aux profits effrénés qu'ils obtiennent d'un marché entièrement libéré soumis à la concurrence sauvage, bien protégés dans une matrice capitaliste qui doit impérativement sélectionner ceux qu'elle nourrit pour ne pas être une matrice invincible responsable d'une augmentation de la population mondiale mettant en péril le petit nombre de privilégiés par toutes sortes de danger, sont les 20°/° des habitants de la planète à représenter pour l'ensemble de l'humanité le désir fou de rester dans un milieu matriciel où tout baigne pour eux. Comme l'écrit Susan George, quand chacun de nous sera-t-il affligé de vivre dans le confort sans apporter de réconfort aux affligés, compte tenu de la menace que ces affligés, que ces exclus constituent par leur révolte de pauvres contre les riches, et compte tenu de la menace écologique très grave que l'économie de marché ultra-libérale fait peser sur la nature et ses ressources ? En d'autres termes, quelle est la responsabilité de chacun de nous dans la tolérance infinie d'un système capitaliste ultra-libéral qui continuerait d'ignorer qu'il est un système à croissance infinie ( telles les cellules embryonnaires et cancéreuses ) dans un système fini ( telles les ressources de la planète, et telle la structure matricielle qui ne peut pas s'agrandir outre-mesure ni se laisser envahir sans en mourir )?
Une logique embryonnaire et foetale, qui doit un jour prendre fin par la séparation qu'est la naissance, mais qui devient une logique cancéreuse et métastasique, une logique d'envahissement mortel, lorsqu'elle fait comme si cet état de bien-être flottant n'avait pas de fin. Curieusement, la course aux profits immédiats par les nantis, qui exploitent les bénéfices du capital, de la spéculation boursière plutôt que les bénéfices du travail pour lesquels on aurait besoin de la main-d'oeuvre maintenant désoeuvrée, met en péril la planète de la même manière que la croissance non contrôlée de la population, que les ressources alimentaires ne pourront dans un délai très court plus nourrir.
Il y a dans ce livre l'idée qu'il faut que chacun des habitants de la planète se sente personnellement concerné, pour sa vie-même et la qualité de cette vie, par le fait qu'il coopère à une oeuvre commune internationale pour à la fois arrêter les gens que rien n'arrête ( et chacun n'est-il pas concerné par son goût du confort immédiat, par le fait qu'il s'est laissé conquérir par les images de la logique de marché, et donc qu'il est complice indifférent des victimes qu'elle fait ) et pour arrêter la croissance exponentielle de la population planétaire que cette planète n'aura pas les moyens matériels de nourrir.
Chacun de nous, ce nous qui fait partie d'une démocratie internationale, est invité par ce livre à faire sienne cette ligne de conduite du stratège chinois Sun Tzu selon laquelle il ne faut pas faire ce que l'on aimerait le mieux faire, mais faire ce que nos ennemis aimeraient le moins que nous fassions. Ne pas faire ce que nous aimerions le plus faire, à savoir ne nous soucier que de notre confort immédiat, nos profits personnels, mais développer notre intolérance (comme cette intolérance spéciale qui préside à la mise au monde du bébé par un processus de rejet) envers ce qui se présente comme notre ennemi ( même si nous sommes complices de sa façon de vivre en étant conquis par ses images où la culture de marché, spécifiquement occidentale, culture dominante,envahit la planète) parce qu'à long ou moyen terme il menace toute poursuite de vie, il est suicidaire. N'est-ce pas, en fin de compte, vis-à-vis d'une part archaïque de nous-mêmes participant à la logique de marché ultralibérale, et motivant peut-être le désir de bébé ( désir affectif chez les nantis prenant peut-être racine dans un désir d'être comme eux, et désirs que ceux-ci soutiennent matériellement leurs parents chez les pauvres ), que nous devons être intolérants? Ne devons-nous pas admettre la mort non pas affectant, décimant tous ces exclus qui ne servent à rien et qui sont une menace de déstabilisation et d'attaques pour les nantis, mais affectant notre désir monstrueux comme une tumeur maligne de vivre comme un foetus dans une matrice? Mort à cette vie-là, monstrueusement présentée par les nantis du système capitaliste et son économie de marché ultra-libérale. Pour vivre autrement. Une vie autre, encore à inventer. Une vie autre qui n'aurait plus à s'éterniser sur la nécessité des victimes.
Le rapport Lugano analyse et propose au contraire les moyens pour que les nantis de la mondialisation se protègent des menaces diverses engendrées par une façon de vivre qu'ils veulent perpétuer sans fin, sans arrêt. Les menaces sont écologiques, matérielles par diminution des ressources ne les affectant pas directement mais faisant des affamés des dangers pour eux, pour l'Occident, des menaces malthusiennes. Comment faire, se demandent les gagnants, pour que les perdants ne se retournent pas contre nous? Comment faire pour que les menaces écologiques inhérentes à notre mode de vie deviennent des armes contre le Sud, contre les pauvres qui y habitent, contre tous ceux dont nous n'avons pas besoin et dont une matrice invincible, en continuant à les reproduire, constitue un danger pour la main invisible qui s'occupe mondialement de notre marché juteux? La matrice du marché et de ses profits ne doit être que pour nous, qui devons être en nombre le plus grand possible, et pour les pauvres, les exclus, il faut une matrice empoisonnante, de telle manière que ces gens superflus soient responsables eux-mêmes du mal qui les décime, et nous nous restons non coupables. Les chevaliers de l'Apocalypse de Jean vont nous aider à nous débarrasser d'eux sans que personne ne puisse nous désigner comme coupables. D'abord la conquête. Les images de notre culture occidentale de marché envahissant tous les pays, en particuliers ceux du Sud pauvre, où les plus riches d'entre ces pauvres vont accaparer, pour leur bien-être à l'image du nôtre, les aides humanitaires. Puis, deuxième cavalier, celui de la guerre. Favoriser le repli identitaire et ses luttes, pour fragmenter les populations, sabrer la solidarité contre l'injustice que notre système produit, et faire de telle sorte que les clans et tribus se fassent la guerre, par exemple pour les ressources locales, et pendant ce temps-là ils ne seront jamais conscients que nous accaparons les richesses et ils ne se retourneront pas contre nous. Troisième cavalier: la famine. Par l'appauvrissement des terres, par la dégradation des climats entraînant des catastrophes de l'agriculture, par la raréfaction et la pollution de l'eau, par la logique de marché pour l'exportation des céréales qui affame la population des pays pauvres privée de ces céréales, les pays solvables comme la Chine les accaparant pour eux. Quatrième cavalier: la peste. Les maladies décimant les populations pauvres:tabagisme, affections respiratoires dues à la pollution, tuberculose, sida, apparition de super-microbes résistant à tous les antibiotiques. La limitation des naissances par l'avortement, la contraception, ou bien la diminution de l'espérance de vie. Tout cela chez les exclus. Et chez les nantis, presque toujours au Nord, se savoir en danger par la révolte des pauvres, et se prémunir contre eux par des mercenaires privés, ce qui constituerait d'ailleurs un débouché pour nos jeunes marginaux sans qualification.
Le rapport Lugano, s'il donnait lieu à la mise en place du système préventif qu'il préconise pour la perpétuation indéfinie du bien-être croissant d'une poignée occidentale ( de préférence ) de nantis, ferait apparaître des super-foetus en train de baigner dans leurs profits et obnubilés par le fait qu'ils doivent mettre à mort ou empêcher de vivre, voire d'être conçus, le grand nombre d'humains qui ne leur servent à rien. Nous voici à des années-lumière de la Déclaration universelle des droits de l'homme, et les organisations humanitaires ne sont plus qu'un rideau de fumée pour cacher le cynisme des bénéficiaires du capitalisme ultra-libéral.

Alice Granger 

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