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Un Français libre - Jacques d’Arribehaude
par penvins

A propos du Journal de Jacques d’Arribehaude

Un Français libre 1960-1968

L’Age d’Homme.

Voir ici l'index des personnages publics cités établi par Philippe Billé

 

 

Il y a chez Jacques d’Arribehaude un prodigieux besoin de vivre qui tranche singulièrement avec la littérature de ce temps. Rien de mortifère, ni de nostalgique, ni d’irréel, ni de théorique dans cette œuvre et en même temps ce trop plein de vie se heurte au désir d’une impossible stabilité. A traduire par instinct de vie/instinct de mort, qui sait ? En tous cas la logique du vivant – plus précisément de l’humain – est bien là. De ce point de vue la parenté de Jacques d’Arribehaude avec Céline est évidente, en outre il est comme lui épris de liberté et insensible aux fastes du monde.

 

Ce qui me frappe en avançant dans la lecture de ce Journal amoureux et en le mettant en parallèle avec les romans parus dans la même  période, tant ceux de Jacques d’Arribehaude que ceux d’autres auteurs, c’est cet effort surhumain pour échapper à une impasse. Quand tant d’écrivains s’enfonçaient dans des voies littéraires sans issue, tournant résolument le dos à la vie réelle, lui et quelques rares autres avec lui, cherchaient les moyens de dire ce qui était devenu inaudible : l’homme. Quand certains écrivains tentaient de nous conduire sur des chemins  balisés, de donner à leurs mises en scène une apparence littéraire, que d’autres se laissaient aller à la nostalgie, lui, tout en essayant de prolonger l’illusion romanesque cherchait une manière de dire la vie, l’impasse dans laquelle il se trouvait embarqué.

 

Rien à voir avec un désastre blanchotien, la vie la plus primordiale est bien présente chez d’Arribehaude, rien à voir non plus avec une recomposition telle que Sollers l’a pratiquée dans Femmes, même si bien sûr ce Journal amoureux est écrit – remarquablement écrit. Ce qui est à l’œuvre ici c’est véritablement l’exigence, la nécessité vitale, pas de faux semblant, Jacques d’Arribehaude vous met en prise directe avec l’essentiel : l’homme et ses paradoxes : D’un côté le besoin de liberté - le refus de toute aliénation – et de l’autre, le besoin de construire… une œuvre bien sûr mais surtout plus prosaïquement, un foyer. Le ressort  de ce journal, c’est bien ça, la tension ne vient pas de l’intrigue comme dans un roman, elle vient de cette quête de l’amour, de ce besoin irrépressible de trouver une compagne qui bien sûr devient pathétique parce qu’insoutenable, toujours reporté à plus tard en même temps que le succès littéraire se dérobe, que l’auteur s’enfonce dans une impasse, celle d’une forme qui ne retient plus le lecteur et encore moins l’éditeur, le roman.

 

Paradoxe littéraire s’il en est, au moment où le romanesque tombe en désuétude Jacques d’Arribehaude ne peut vivre sans. Piégé ! Et c’est là son tour de force, sa nécessité à lui le pousse à s’engager dans une voie à contre-courant, non que l’intime ne soit pas finalement devenu à la mode mais il ne s’agit pas tout à fait de cela, d’Arribehaude ce n’est ni Catherine Miller, ni Christine Angot, il ne s’agit pas simplement de dire, mais d’emporter le lecteur dans un ressenti, consciemment et inconsciemment il y a mise en scène, la vie est jouée jusqu’au bout, le texte est théâtralisé, mis en musique pour faire vibrer, mettre en résonance.

 

Alors à la lecture de cette œuvre on se demande comment on avait pu oublier l’humain à ce point et ce contrairement à ce que l’on nous chante aujourd’hui,  ne raconte-t-on pas en ville [les mêmes qui se plaignent que les écrivains d’aujourd’hui se regardent trop le nombril] que l’humanisme aurait fait faillite. N’en croyez rien ! Bien sûr l’homme s’est trompé, gravement même mais c’est justement parce que c’est l’homme. Abandonner cette vérité première, sous ce prétexte fallacieux c’est assurément prolonger l’ère des totalitarismes, Jacques d’Arribehaude en humaniste s’est défié tout de suite du communisme et du nazisme mais il n’a pas oublié de souligner la grossièreté et l’omniprésence de la propagande américaine pour un monde entièrement voué à l’argent.

 

Quel bonheur pourtant de voir un homme se débattre avec ses contradictions, quel bonheur de le voir jaloux de sa liberté rechercher désespérément un cœur qui s’attache à lui. Longue quête d’un rêve entrevu pour la première fois en Afrique avec Mado quand il avait trouvé quelqu’un avec qui partager une sexualité sans complications.

 

L’Afrique on commence à dire aujourd’hui que c’est elle qui va nous sauver, vous verrez que dans quelques années ce sera devenu un lieu commun, d’Arribehaude comme Jean Rouch, comme Michel Leiris, comme Christian Dedet  le savent depuis longtemps, ils sont allés y chercher ce que nous avons perdu. Ils ont commencé ce travail de récupération de  l’humanisme que l’on croyait mort après le désastre de 40 et toutes les idéologies réductrices qui se sont engouffrées dans l’espace laissé vacant par la honte des vaincus. Mais l’arrogance des vainqueurs, leur mépris sans cesse réaffirmé de la vie au profit des idées finira bien par se heurter à la dure réalité de la condition humaine et ce jour-là qui n’est peut-être pas si loin, le journal de Jacques d’Arribehaude nous rappellera que tout ne fut peut-être pas si simple que veulent  bien nous le faire croire les idéologues. N’attendez pas lisez-le aujourd’hui sans à priori et faites le connaître.

 

Réaction se confond tout simplement pour moi avec résistance, et de toutes mes forces. Résistant, donc réactionnaire, mais bien sûr, et plutôt mille fois qu’une. Dissident j’étais, dissident je reste.

 

écrit Jacques d’Arribehaude en plein dans la tourmente de mai 68 après avoir noté que seul Pasolini ose dire : Je vous hais jeunes gens parce que vous ressemblez à vos papas et que comme eux vous finirez notaires ! Allez, un peu de fair play et d’humour !  lisez Jacques d’Arribehaude c’est parce qu’il pense librement qu’il est important de le lire.

 

 

Penvins

5/03/2004

 

 

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