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Cosmétique de l’ennemi - Amélie Nothomb
par Alice Granger

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Editions Albin Michel.


Ce roman d'Amélie Nothomb, qui semble être le récit d'un crime parfait perpétré comme un suicide, se lit en réalité comme le roman de la fantaisie sexuelle de la narratrice.


Les héros de ce roman semblent être Jérôme Angust, bloqué dans un aéroport par le retard de son avion, et Textor Texel, le personnage dans lequel il s'est dédoublé et qui représente la pensée qui l'assaille sans recours possible, pensée qui est l'arme de la culpabilité qui ne lui permet plus d'oublier qu'il a tué sa femme.
Tout est dans le mot " cosmétique ", dont l'auteur nous rappelle le sens premier c'est-à-dire la science de l'ordre universel, la morale suprême qui dirige le monde. Le sens premier du mot " cosmétique " et le sens relatif aux soins de beauté se mêlent dans ce roman.
Car la véritable héroïne de ce roman est la femme qui est violée et tuée par amour, femme qui aime les cimetières et les arbres magnifiques qui y poussent nourris par les morts. C'est celle dont on apprend le prénom à la fin du livre, Isabelle. Elle est cette beauté totale qui ordonne autour d'elle le monde, si irrésistible qu'elle pousse l'élu, Jérôme Angust, à la pénétrer envers et contre tout, pour toujours et à jamais, en la détruisant par cette pénétration totale qui lui reconnaît et attribue l'unique beauté, le côté cimetière de la chose ne faisant que souligner que la jouissance est mortelle, sans aucun reste pour que la vie se poursuive. La fantaisie sexuelle de la narratrice est celle d'une jouissance toute, donc mortelle. Fantaisie d'être la femme capable de susciter cela, femme dont la fascination ne permet pas de se détourner de la précipitation explosive contre et dans elle comme le viol, le couteau, la culpabilité, le mur.
La narratrice imagine la pensée qui fait jouir l'homme élu, l'explosion de sa tête contre un mur à l'aéroport étant une représentation de son orgasme, comme un boomerang où le fait de l'avoir fait jouir à mort, sans reste (le viol et le couteau dans le ventre étant des représentations phalliques la faisant jouir totalement et à jamais éventrée par celui qui la reconnaît toute) c'est comme l'avoir tuée. Alors, c'est sa disparition qui produit la pensée invasive et la sensation de culpabilité, sensation de ne pas pouvoir être libéré d'une telle beauté fascinante, d'une telle cosmétique, ou bien de ne pouvoir s'en libérer qu'en s'éclatant la tête, c'est-à-dire qu'en laissant le tissu (Textor) de la pensée d'elle mortellement jouie envahie éventrée prendre possession du cerveau comme une toile d'araignée. Le fantasme de la narratrice est celui d'envahir comme un tissage fou le cerveau de l'élu, envahissement paroxystique et épileptique de la pensée totalement moralisante d'elle beauté totale. Textor, c'est elle, l'écrivain, textuellement elle, Texel. Son texte à elle capable de le faire sauter. Crime parfait. La pensée d'elle finit par court-circuiter tous les neurones, par les déborder, Textor Texel, la toile d'araignée textuelle le prend au piège tandis que la jouissance mortelle s'approche, l'araignée inocule son venin, les circuits dans la tête explosent.
Cosmétique, autre nom d'Isabelle. Beauté totale, unique, jouissance mortelle, cimetière et beaux arbres, l'ordre moral universel assujetti à elle, vie des élus à se laisser envahir par l'intrusion de la pensée d'elle, de son texte araignée, de son venin, de son épilepsie meurtrière, la culpabilité étant la sensation de l'augmentation de plus en plus mortelle de la tension, de l'emprise par l'araignée, le crime par cette invasion se confondant avec le suicide en laissant péter les plombs des circuits des neurones totalement colonisés.
Textor Texel, encore plus que le double assassin du mari explosé d'amour pour sa femme totale dont le lendemain de jouissance est le cimetière et ses beaux arbres, est Isabelle, s'imaginant capable de coloniser jusqu'à l'explosion le psychisme de son mari.

Voici donc comment un roman semble raconter la singularité des pensées érotiques d'une femme pendant l'acte sexuel. Pour elle la jouissance est sans reste, la perspective est le cimetière, et cette jouissance-là organise l'ordre universel en l'ancrant dans la supposée beauté totale, cosmétique.


Alice Granger

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