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L’amant de Saturne - Hélène Rioz-Perez
par Alice Granger

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Editions Mutine.


L'écriture poétique est dans ce livre exploitée pour faire surgir le message du père que la fille a à entendre pour être quitte de la folie.
Cet amour d'avant, passion initiée par le père, est une reconnexion ombilicale par laquelle la fille se jette à corps perdu dans l'utérus de la mère.
Mais le départ définitif du père, c'est la coupure de cette folle reconnexion matricielle, qui se tourne en attente éternelle, en peur du tout et rien, en voyage dans le tout infini où les amants sont occasions de reconnexions brèves, le sexe étant d'autant plus section, sexion, qu'il est union totale désagrégée.
Tout et rien qui est encore tout. Anorexie. Enfermement. Temps de l'enfance où la folie est frôlée. Avant et après qui doit rester avant, à tout prix. Après comme avant. Avant, l'amour totalisant du père qui réalise l'inceste avec la mère matricielle. Après, après le départ du père, quand rien continue tout, l'Amant, les amants réintroduisent au tout, mais la réussite de cette connexion ombilicale est remplie de doutes, de terreurs.
Voyage initiatique dans les pays du tout qui est rien, de ce rien qui est partie du tout indéfiniment, déjà pressenti par les fugues de la petite fille. Pour différer le face à face avec la vérité, celle relative à la séparation irrémédiable.
Histoire de mère et fille, que le père a rendu possible de mettre en mots par sa présence et ensuite par son absence. Le départ définitif du père est très important: Il peut ainsi dire à sa fille qu'elle n'est pas folle. Sa folle, passionnelle histoire, peut se dire, s'écrire. S'écrire poétiquement.
L'écrire, n'est-ce pas travail de deuil, n'est-ce pas travail de réception du message du père qui s'est mis en tiers non exclu dans la relation duelle-symbiotique de la mère et de la fille?
Deuil de quoi, en effet?
Malgré les apparences, il ne s'agit pas d'histoire incestueuse avec le père. La faute, l'abjection, ce qui est à vomir, ce n'est pas ça. L'amour d'avant, dont la métaphore incarnée passe par le père, c'est l'état matriciel. L'opium qui se répand. La mère veut sa fille folle, elle désire la garder en elle, la mettre dans le tout par le père, dans cet ailleurs qu'elle désire follement elle-même, parce que sa fille est l'alibi par lequel elle-même peut régresser, se laisser emporter par les flots amniotiques ( voir le récit qui raconte la mère en train de se noyer et le père qui la sauve, la sauve de quoi? De la régression? )
Symbiose à vomir, amour et haine, entre la fille et la mère. A la fois intolérable, horriblement aliénant, et follement désiré, charnellement désiré.
La faute, la souillure incestueuse, c'est là qu'il faut la chercher. Dans le fait que la fille, comme le lui dit son père juste avant de mourir, est l'alibi, l'ailleurs, l'avant incarnée de sa mère, le bateau qu'elle peut prendre pour tenter follement de réaccoster à la rive d'avant. Comme l'écrit Hélène Rios-Perez, la culpabilité, énorme, existe bien avant la faute, l'épisode incestueux réel ou bien rêvé avec le père. Que cette scène incestueuse ait eu lieu ou pas, de toute façon elle ne fait qu'entériner quelque chose de beaucoup plus réellement incestueux et qui regarde la mère et la fille, qui regarde une commune folie de matriciel.
Mais le passage à l'acte du père ( ou du grand-père, car à certains moments on ne sait plus ), fantasmatique ou réel, a permis à ce père d'entendre la vérité, celle entre mère et fille, et de s'y opposer en tiers que son départ rend impossible à exclure. La brèche qu'il ouvre rend impossible à la fille de ne pas l'entendre dans son geste de non complicité, même si elle va mettre du temps à comprendre. Le père ne voulait pas être fou, il ne voulait pas être complice de cette folie, il s'est affirmé comme tiers irréductible, une absence dérangeant absolument le couple mère-fille en symbiose.
Par-delà l'attente, en vain, autre chose est pressenti par la fille, autre chose ne ressemblant pas du tout à avant. Un monde symbolique. Offert-ouvert par le père, par sa non complicité. Qui libère sa fille de l'enfermement matriciel. Tu n'es pas folle. C'est ta mère qui t'a voulue folle. Mais toi, je te le dis, tu n'es pas folle. Parce que je n'ai pas été complice.
Travail de deuil que cette écriture poétique. Travail de séparation matricielle.
C'est autre chose maintenant.
Le père est mort. Départ entendu comme définitif.
L'Amant aussi.
L'aliénant désir de "Dormir au creux d'un amour fou,
Immobile et reine", comme un foetus, se défait.
Reste autre chose. Et la nuit s'est refermée sur l'avant. Cette nuit-là est vraiment close.

Alice Granger 

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