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Le futur immédiat - Dominique Rolin
par Alice Granger

Editions Gallimard.


La vie amoureuse de Dominique Rolin avec Jim rime, dans ce roman notamment, avec l'impératif de l'écriture. L'impératif de cette écriture d'une expérience ancienne, immémoriale, matricielle, sensorielle, corporelle, qui est au coeur de cet amour, a partie liée avec la mort, la séparation originaire aussi bien que celle qui se profile sournoisement au crépuscule de la vie. La mémoire des corps, des sens, sait, avec tant de finesse et d'harmonie, retrouver l'écriture sensuelle et spirituelle des choses perdues et inoubliables qui fonctionnent comme unité de mesure, de valeur. C'est la même chose, pour Dominique et Jim. Ensemble et séparément, dans une indépendance harmonieuse et silencieuse, ils vivent avec leur corps dedans une restitution scripturale de l'expérience matricielle. A deux, ils savent entendre, question d'oreille, la petite musique fossile qui s'amplifie dans la fête qu'aujourd'hui offre dans ces miracles illuminés appelés futur immédiat.

Dominique, dès le début de sa vie amoureuse avec Jim, s'est sans aucun doute sentie, avec sa mémoire-corps, fille de ce fils si doué pour reconnaître là où il se trouve la restitution de ce dedans qui n'est perdu que pour être retrouvé. Vierge mère, pour dire-écrire leur dénominateur commun, cet intérieur matriciel, cette unité du corps et des sens, que Dominique résume si parfaitement par trois mots, vin, musique, sommeil.

Cet amour est très inhabituel, cette sexualité aussi, dérangeante car histoire de mer, d'océan, eau du Nord et eau du Sud, ensemble et séparés ils flottent leur amour matriciel que leurs voyages réguliers à Venise mettent en images.

L'écriture, parce qu'il y a aussi la perte. La séparation. Amour à la fois si paisible et harmonieux, fête du vin, de la musique, et bien sûr du sommeil, Temps si immensément joyeux par tous les sens, si incroyablement apaisant, et si violent par ce savoir du déracinement originaire et imminent comme les coups de vents destructeurs. C'est l'extrême fragilité de ces instants miraculeux offerts par le futur immédiat qui leur donne une si grande puissance festive, et les fait revenir comme des vagues.

Jim m'a tout donné, écrit Dominique Rolin. Il lui a donné ces retrouvailles avec le commencement matriciel, cet art de vivre au-dedans des choses par le miracle d'une personne. Dominique est pour Jim un dedans qui s'écrit par le vin, la musique, le sommeil, là où il est emporté vers le grand large de l'océan. Alors, Dominique aussi, en symbiose et séparée pourtant, peut se laisser emporter au large de sa mer à elle. Leurs deux expériences originaires sont différentes, il ne s'agit pas d'un mélange. En un sens, ils sont quittes, tous les deux. Ils se sont acquittés au rythme de quarante ans d'amour comme unité de mesure pour les amours à vivre l'un envers l'autre d'une sorte de devoir d'inscription. Ainsi la mère paradigmatique peut reposer en paix, vivante elle reste comme unité de mesure parfaitement inscrite et opérationnelle. Jim va et vient entre cette unité de mesure si vivante, si incarnée dans son corps et ses sens, et ses autres amours qui ne peuvent se déployer et s'écrire que dans cette confrontation rythmique avec l'amour de référence. Jim est incroyablement fidèle. Fidèle à cet amour originaire, matriciel. Vin, musique, sommeil. Et il enseigne à quoi rester fidèle pour l'aventure de la vie.

 

Alice Granger-Guitard

le 29/01/2002

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