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La mort d’Adonis - Catherine Rosset
par Alice Granger

Bienvenue dans Adobe GoLive Editions Nicolas Philippe et Manuscrit.com


Style très classique de ce " pol'art " de Catherine Rosset, dans lequel la maîtrise littéraire s'apparente à la peinture. A chaque instant de la narration, les descriptions ont la précision d'un peintre, celle de Poussin par exemple, qui a justement peint " La mort d'Adonis ". Quelqu'un d'invisible voit en permanence le tableau parfait en train de se peindre, en maîtrise les détails totalement.

En apparence, c'est en effet un polar. Le proviseur d'un lycée très coté de l'est parisien a été assassiné dans son bureau, une nuit, et le tableau de son corps dénudé retrouvé sans vie ressemble étonnamment au tableau de Poussin cité ci-dessus. Mort, il semble éternellement endormi, saigné d'un coup de couteau qui a sectionné l'artère fémorale. Qui l'a tué ? Sa femme jalouse, une de ses nombreuses maîtresses, un collègue, ou bien cette mystérieuse femme qui compta dans sa vie infiniment plus que toutes les autres ?

En réalité, une femme-araignée a endormi pour toujours et à jamais son Adonis dans sa toile, son tableau, son écriture. A jamais, il n'y a qu'elle, et personne d'autre. La femme jalouse, d'un coup de couteau meurtrier, tranche elle-même le lien conjugal qui ne lia que superciellement les deux époux. Le proviseur était un homme toujours en train de sortir du tableau de ses amours, aussi bien avec sa femme qu'avec ses maîtresses. Catherine Rosset excelle à peindre le tableau d'où cet homme sort sans cesse. Pour arriver à ce tableau où il s'est endormi pour toujours, dans le giron-nature où Adonis se love foetalement, repris vampiriquement, ombiliquement, par l'unique femme qui compte, par l'amour total.

L'idylle amoureuse entre le commissaire de police et la femme en bleu, qui s'avère être la mystérieuse femme recherchée, à la fois professeur de lettres et passionnée de peinture exactement comme l'auteur de ce livre, réitère en direct l'amour total entre le proviseur et la femme en bleu. On imagine le commissaire littéralement vampirisé par cet amour-là, par cette femme-là, par cette jouissance totale, au point que plus aucune autre femme ne pourra rivaliser avec celle qui s'est éloignée. Lui aussi saigné à l'artère fémorale. Pas d'autre femme que moi semble se dire avec une jouissance folle la professeur de lettres en disparaissant elle-aussi du tableau, tel un idéal qui a tout maîtrisé à la perfection. Jouissance si totale avec elle, décrite avec une maîtrise parfaite, que plus aucune autre femme ne peut exister, elle les a éliminées. Aucune n'a compté, pour le proviseur, ni son épouse, ni ses nombreuses maîtresses, tombées les unes après les autres dans la confrontation meurtrière avec l'unique, la possessive totalitaire, la vampire, la mante religieuse, celle à rejoindre à jamais.

La véritable héroïne de ce " pol'art " est cette professeur de français, la femme en bleu, qui s'aime implosivement. Ce roman est un peu plus qu'un exercice littéraire classiquement parfait. Il en dit surtout long sur un certain fantasme... L'amour sans reste qui y est décrit, l'amour total, c'est aussi une castration. Pauvre commissaire... L'unique qu'il vient de si totalement connaître ne rêve que d'une chose, c'est que " ça " reste pour toujours endormi, que " ça " ne puisse plus se lever. Drôle de polar !

Alice Granger-Guitard

12/02/2002

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