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Fleurs de chine - Wei-Wei
par Alice Granger

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Editions de l'aube.


On pourrait dire que ce qui s'impose à travers tous ces magnifiques récits faits à Ketmie la voyageuse par dix femmes chinoises aux noms de fleurs ou de fruits, Chrysanthème, Gardénia, Pivoine, Pêche Parfumée, Orchidée, Lotus etc…, c'est le Dragon, dont la légende raconte que descendent les Chinois.


Prodige mystérieux, responsable aussi bien des pluies bénéfiques que des sécheresses désastreuses et des inondations terribles, à la fois si violemment destructeur et si fabuleusement porteur de promesses et de vie, voici ce Dragon qui se profile dans la Chine d'avant la Révolution, à travers les violences et les générosités de la nature chinoise, pas facile par exemple sur les plateaux de lœss où tout est jaune et où la sécheresse peut être terrible, dans la décision d'un père demandant à sa fille de se pendre parce qu'elle a fauté avec un jeune homme, dans le fabuleux espoir qui habite les soldats de l'armée rouge pendant la Grande Marche, dans le vent de destruction qui court dans les emprisonnements, les délations, les camps de rééducation, la faim lors des exils, dans les rudesses de la nature affrontées sans pitié, fleuves à traverser, montagnes neigeuses à gravir, marais qui risquent à chaque pas d'engloutir, dans la mort qui emporte lors de la Grande Marche des soldats par centaines qui s'écroulent d'épuisement, tombent dans les ravins, et surtout, après Tian'Anmen, la transformation totale, la perte de tout repère, et la fièvre insensée qui s'empare des Chinois qui s'engagent dans la nouvelle économie de marché, la Bourse, ne croient plus qu'à l'argent qui permet de s'offrir tout le confort, l'électroménager, dans le scandaleux pouvoir des nouveaux riches, dans la prolifération de la prostitution, des arnaques de toutes sortes.
Ce Dragon dans l'extrême violence des hauts et des bas qui, semble-t-il depuis toujours, fait sentir aux Chinois que rien n'est stable à jamais, que tout peut être détruit, mais aussi que tout revient.
De très belles histoires d'amour, celle de Chrysanthème et de Bambou, par exemple, au fil de leur engagement dans l'armée rouge, qui résiste à la Grande Marche, à la guerre de résistance contre les Japonais, à la guerre de libération contre les troupes de Tchangkaishek, à la prison. Celle de Pêche Parfumée et de Linyan.
Face aux formidables remous destructeurs du changement et de l'entrée dans la nouvelle économie, avec tant d'entreprises d'Etat qui licencient, des réussites splendides, telle celle de Lotus, qui fait fortune en élevant des scorpions, qui sont très recherchés dans les restaurants et pour leurs vertus protectrices, une sorte de traitement du mal par le mal.
Des histoires qui racontent les conséquences désastreuses de la politique de l'enfant unique, du garçon, décidée par le planning familial, qui aboutit à des enfants volés ou vendus, à des suicides, à des avortements lucratifs pour le gynécologue qui les pratique, et bientôt à une pénurie de filles.

Donc, aussi bien dans la Chine traditionnelle affrontant les rudesses de la nature, que dans la Chine d'aujourd'hui qui a perdu ses repères et ne croit plus qu'au dieu argent, la même impression de violence, de hauts et de bas, d'instabilité, de perte et de retrouvailles, bref encore et toujours le symbole du Dragon, celui que Lotus lâche dans le ciel à la fin de ce superbe livre, et qui provoque un tremblement de ciel.
Livre qui raconte finalement les incessantes manifestations de cette puissance de renouvellement à la fois terrible et prodigieuse, symbolisée par le Dragon, que la Chine de toujours semble connaître bien mieux que d'autres civilisations. Puissance de rupture et de retrouvailles. De grands chamboulements pour que d'autres choses arrivent, les mêmes ou des choses radicalement différentes, tels la Bourse, la nouvelle économie de marché, les immeubles modernes, les nouveaux quartiers qui poussent comme des champignons. Cela peut sembler en effet effrayant, mais cette capacité des Chinois à laisser le grand vent de destruction souffler sur leurs traditions, leur culture, leur philosophie, à une vitesse déconcertante, ne se ressentirait-elle pas de leur familiarité avec ce Dragon dont ils descendent, avec cette puissance qui détruit mais aussi apporte ?

Alice Granger 

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