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Retour à Sweetboro - Jeffrey Lent
par Catherine Nohales

Retour à Sweetboro
10/18 - 2003



Il est des personnages qui jamais ne nous quittent, le livre terminé. Ceux de Retour à Sweetborode Jeffrey Lent m'accompagnent encore, fidèles et obstinés.
Leah, Jamie et Foster demeurent et c'est là l'une des très grandes réussites de cette belle saga.

Tout commence par l'enfouissement dans la terre d'objets singuliers, résidus secrets d'une histoire fébrile, dramatique entre l'homme et son passé, un passé agité, douloureux; qui ressurgit, qui connaît sans cesse des soubresauts, et se rappelle à l'homme dans la violence et la douleur.

L'enterrement a lieu de nuit sous le regard curieux,  intrigué d'un petit garçon incapable de quitter son père.
Cet incipit s'achève pour laisser place à son grand-père, Norman Pelham, jeune homme recruté comme soldat lors du conflit qui opposa le Nord des Etats-Unis au Sud ségrégationniste.
Quelques pages à peine sur la guerre civile. Il ne s'agit pas ici de s'atteler à la narration minutieuse, pointilleuse du conflit mais de poser les cadres de la tragique saga.
Norman, gravement blessé, rencontre Leah, belle esclave noire qui a fui la fureur de son maître. Un couple naît, sous le regard désapprobateur et humilié de la mère de Norman. Leah s'impose, vive et déterminée, personnage central de cette première partie qui lui est tout entière consacrée. Cependant, ce bonheur provisoire, né dans les décombres d'une guerre fratricide, ne peut pleinement s'épanouir. Leah est rongée par son passé d'esclave, plus encore par l'absence de nouvelles de ceux qu'elle a laissés dans sa fuite.
Elle s'en retourne donc au pays mais lorsqu'elle revient, elle si forte, si puissante finit par mettre fin à ses jours.

Mélo? Oui. Mais jamais de complaisance dans ce roman dont les personnages sont forts et denses, remarquables d'épaisseur. Rien d'insipide dans cette tragédie qui fait montre d'une grande pudeur et construite rigoureusement. Aucun flot d'un romanesque outrancier qui nuirait à l'histoire.   Mon coeur a palpité plus vite lorsque Leah se pend, nous laissant, ainsi que les siens, dans la consternation.
Nous quittons progressivement la famille Pelham et c'est ce que j'ai aimé dans cette oeuvre: les silences, l'absence que l'on questionne et qui n'apportent pas de réponse. Leah s'en va emportant avec elle son secret, elle si farouche. Où se trouve donc la crevasse qui l'a vaincue?

Son fils Jamie prend le relais. Il devient le deuxième personnage principal de l'histoire, lui aussi attachant et bouleversant par sa douleur. Il rencontre sa femme ainsi que la contrebande d'alcool. Espoirs, trahisons se succèdent mais sur un mode mineur, sans fracas retentissant. Jamie se perd dans la vente d'alcool mais il s'est perdu à l'âge de 5 ans, lorsque sa mère Leah s'est donné la mort. Nous le suivons, lui et sa femme. Norman n'est plus, tout comme ses soeurs. Que sont-ils devenus? C'est là la grande force du romancier que de laisser des vies en suspend afin, peut-être, de mieux les retrouver. Peut-être...

Jamie  meurt sous les coups de ses ennemis car il est devenu bien trop encombrant. Quelle fin! s'exclame l'incorrigible lectrice romanesque que je suis. Quelle fin! pathétique et misérable, comme un chien. Mais pouvait-il en être autrement?

Foster son fils découvrira la vérité, celle que sa grand-mère a tue dans la mort, que son père a tue dans les lettres cachées de ses soeurs dont nous avions perdu toute trace.
Il accomplit le voyage à Sweetboro et rencontre un vieillard chenu et misérable dans sa haine et sa solitude: Alexandre Mebane, le bourreau de Leah jusqu'à la fin de sa vie. Foster, après avoir retrouvé ses tantes, les soeurs de Jamie, "bien vieilles au demeurant", part en quête de la vérité, soixante ans après la mort de sa grand-mère.
Vérité haïssable mais qu'il entendra avant de partir enfin vers un ailleurs, un renouveau.

Quelle belle histoire! Triste et réaliste, pudique et émouvante. Rien de flamboyant et c'est ce qui m'a plu. Des personnages vivants et qui le demeurent, longtemps après que le livre fut refermé.



Catherine Nohales
10/2003

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