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Olivier Larronde
par Florence Trocmé

Olivier Larronde

Œuvres poétiques complètes, 1 vol.
L'ivraie en ordre, 1 vol.

Le Promeneur 2002

En ces temps où le feu rampant des concentrations à tout va lèche les fondements fragiles des maisons d'édition, il est réconfortant de voir l'une d'elle accomplir un si beau travail éditorial. Le courage, le soin, la recherche de qualité se conjuguent ici pour faire œuvre utile au vrai sens de l'expression : léguer quelque chose d'un patrimoine littéraire qui pourrait bien, autrement, se perdre : l'œuvre d'un étrange poète, "météore au ciel de la poésie". Il s'appelait Olivier Larronde, il est né en 1927 à la Ciotat et il devait mourir en 1965, à l'âge de 38 ans, miné par les crises d'épilepsie, l'opium qui était son seul soulagement et l'alcool. Le Promeneur propose aujourd'hui deux superbes recueils : Œuvres poétiques complètes d'une part, L'ivraie en ordre d'autre part.

Les Œuvres poétiques complètes regroupent les trois grands recueils publiés par Larronde : Les barricades mystérieuses, Rien voilà l'ordre (dont le titre est un anagramme du nom du poète !), l'Arbre à lettres. Le premier de ces trois livres est paru alors que Larronde n'avait que 19 ans et il devait susciter l'intérêt immédiat de Genet, Cocteau, Leiris et Queneau.

Travail éditorial de premier plan donc avec une préface de Jacques Roubaud, remarquable. Il fallait quelqu'un de son érudition pour rendre compte de l'importance et de l'originalité de cette œuvre méconnue, "royalement moderne" selon l'expression de Mandiargues, et pour la situer si magistralement dans la poésie de notre siècle. C'est que l'œuvre est difficile, jouant sans cesse de la "superposition, de l'entrelacement, l'entassement des sens multiples" avec tout un travail sur la forme souvent "classique" avec notamment de nombreux sonnets et des quatrains. (Roubaud en profite pour dresser un saisissant état des lieux de la forme sonnet au XXe siècle). La langue de Larronde est superbe et s'organise selon une syntaxe souvent désarticulée, témoin d'une grande violence de l'expression et reflet d'une appréhension du monde complexe, soumise à de puissantes tensions.

Dans une toute autre veine, Jean-Pierre Lacloche qui a vécu jusqu'à la fin auprès d'Olivier Larronde dresse un portrait du poète en une "vie brève" qui donne un aperçu poignant d'une existence aussi intense que radicale : "Je me dispute avec le soir fragile et casse [casse comme une vitre et j'ai plusieurs cadavres."

?Le travail éditorial va jusqu'à son terme logique avec l'édition simultanée du livre L'ivraie en ordre qui regroupe les textes inédits. Datés pour la plupart des dernières années, 1958 à 1965, alors qu'Olivier Larronde n'écrit plus que par intermittences, jetant notes et poèmes sur des bouts de papier ou des marges de livres. "Membra disjecta" recueillis là encore par Jean Pierre Lacloche et accompagnés de documents intéressants, nombreuses photos de parmi lesquelles celle, très surprenante, où l'on voit la petite guenon adorée d'Olivier Larronde "pleurer" sur sa photo après sa mort, reproductions de lettres-dessins de Cocteau, etc.

Une belle stèle pour Olivier Larronde qui repose au cimetière de Samoreau, à côté de la tombe de Mallarmé.

 

Florence Trocmé

Le 27/05/2002

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