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La bibliothèque de Warburg - Jacques Roubaud
par Florence Trocmé

Jacques Roubaud

Seuil 2002

C'est une bien singulière aventure que poursuit Jacques Roubaud au fil de volumes qu'il égrène environ tous les deux ans ; des volumes qui constituent une sorte d'autobiographie bien qu'en général il s'en défende. L'auteur, qui se définit non pas comme écrivain, mais comme compositeur de mathématiques et de poésie, construit ainsi son édifice sur les ruines de ce qui fut un Projet avec un grand P, au fond un livre, une essence de livre peut-être, où précisément la mathématique et la poésie auraient eu une place déterminante. Or ce Projet élaboré pendant près de vingt ans s'est un jour effondré de lui-même, sur lui-même en une seule nuit, Roubaud en parle magnifiquement dans cette "branche" alias tome V de son entreprise de réflexion sur ce qui lui est arrivé. Il y a aussi dans la vie de Roubaud une expérience-clé qui est au fond comme une sorte de trou noir qui avale tout ce qui l'approche de trop près, événement à propos duquel Roubaud est toujours d'une extrême réserve et d'une extrême pudeur, même s'il a tenté de la dire en poésie, c'est la disparition de sa femme.

Roubaud part donc en quête, par la mémoire, de l'histoire de son Projet et cela le conduit au fil des livres appelés "branches" (successivement Le Grand Incendie de Londres, La Boucle, Mathématique : et Poésie : puis aujourd'hui La Bibliothèque de Warburg) à une reconstruction partielle de son passé qui est aussi une magistrale interrogation sur la mémoire et à sa manière une recherche du temps perdu. Bien qu'il pratique en virtuose l'incise, la variante, la bifurcation, l'ensemble est extrêmement cohérent et le lecteur suit Roubaud dans diverses grandes affaires de sa vie : les mathématiques, la poésie (Roubaud est un est plus fins connaisseurs de certaines formes poétiques bien précises comme le tanka japonais ou le sonnet dont il a publié une magnifique anthologie sous le titre Soleil du Soleil en Poésie/Gallimard), le tout mêlé à des faits très triviaux de sa vie quotidienne : la marche, le bain, le café tiédasse et les retrouvailles à cinq heures du matin avec l'ordinateur. Mais aussi comme dans ce recueil à un voyage le long du Mississipi de la source à l'embouchure ou bien encore à un long a-parte sur le fameux Oulipo, Ouvroir de Littérature Potentielle fondé par Queneau, dont Jacques Roubaud est un membre émérite. Je parlais du tanka, cette forme poétique japonaise : ici Roubaud lui consacre un superbe chapitre intitulé " le Sentiment des choses " où il évoque sa découverte de cet art et la façon dont il l'a transcrit dans un recueil intitulé Mono no aware.

Une pierre de plus ajoutée à l'édifice de l'œuvre protéiforme de Jacques Roubaud qui pourrait bien être un des écrivains les plus marquants et importants de notre époque.

Florence Trocmé

27/05/2002

 

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