Dans Lhomme en arme, Horacio Castellanos Moya se glisse dans la peau dune machine à dégommer ses congénères, Juan Alberto Garcia, dit Robocop. Cet ex-sergent d'un corps délite des forces paramilitaires salvadoriennes se retrouve complètement désemparé par la fin de la guerre civile qui ravagea son pays durant plus de huit ans. Comment se reconvertir lorsque que le meurtre et la violence ont été des raisons de vivre? Combattant jusqu'au bout des ongles, cet "homme en arme" ne peut aspirer à la paix fragile qui s'installe, lui qui ne sait que haïr, obéir aveuglément, tuer et éviter dêtre tué.
Démobilisé et démoralisé, Robocop se montre tout dabord actif dans le vol et le trafic de voitures. Mais le naturel revient au galop: il reprend du service au sein de forces clandestines qui, sous couvert de lutte contre les «terroristes» (terme qui englobe généralement lensemble des forces de gauche), gèrent les lucratifs commerces illicites. Paradoxe de la paix: les adversaires dhier - communistes et oligarchie foncière - ne sont plus désormais mus que par la même soif de pouvoir et dargent. Dans un climat où la violence et la trahison sont la règle, ils se servent d'hommes de main, qu'ils n'hésitent pas à éliminer lorsque les basses uvres sont accomplies. Robocop est lincarnation même du pion manipulé par des mafieux haut placés et sans scrupules. Brillant guerrier mais piètre stratège, l'ex-combattant des forces de la réaction évolue dans un univers dont les enjeux lui échappent. Il ny survit que grâce à sa maîtrise des techniques de combat et à ses qualités physiques hors du commun. Partout où il passe, au Salvador ou ailleurs, il laisse la trace de sa signature sanglante. Il tue sans foi ni loi, des ex-guérilleros surtout, mais aussi une femme devant ses enfants ou son amante, quil soupçonne de collusion avec lennemi. Finalement, son errance macabre sera stoppée par les services secrets américains, qui parviennent à le neutraliser. Trop heureux de pouvoir bénéficier des qualités martiales de cette brute sans cur, l'administration américaines décide de l'enrôler dans la lutte contre les narcotrafiquants. Pour ce légionnaire des temps modernes, peu importe la cause. Limportant étant de pouvoir continuer à ressentir l'adrénaline et l'ivresse du meurtre.
Dans ce roman nauséeux, Horacio Castellanos Moya dépeint de façon crue la déchéance dune société laminée par la guerre et les injustices. Une société dans laquelle la violence a pu sexercer en toute impunité durant les années de plomb. Et qui produit à la chaîne des tueurs assoiffés de sang, pour qui la vie ne vaut rien.
Florent Cosandey, 12 juin 2006