Le Dahlia Noir, James Ellroy

 

Le 15 janvier 1947, le corps d'une jeune femme est retrouvé sauvagement mutilé dans un terrain vague de Los Angeles. Agée de vingt-deux ans, Elizabeth «Betty» Short, surnommée le «Dahlia Noir» en raison de son attirance obsessionnelle pour cette couleur, a souffert le martyre avant de succomber. Devenu un véritable mythe, le meurtre de cette femme naïve, qui rêvait de devenir une star de cinéma, ne sera jamais résolu.

 

Remis au goût du jour par un récent film de Brian De Palma, ce fait-divers sanglant de l’après-guerre a inspiré de nombreux auteurs. A commencer par James Ellroy, qui signa, avec Le Dahlia Noir, le roman le plus excessif sur cette affaire. Dans ce pavé d’une rare noirceur, il décrit l’enquête menée par deux flics ex-boxeurs, qui se feront littéralement ronger par ce meurtre sordide.

 

Le Dahlia Noir constitue une plongée macabre dans les tréfonds du Los Angeles des années 1940-1950. Aucun détail du visage glauque de la citée n’échappe à la minutieuse et obsessionnelle description d’Ellroy: la corruption, les luttes d'influence, la violence d’une pègre sans scrupule, le racisme, les déviances sexuelles les plus hard, des personnages véreux et immoraux... Cette réalité éclabousse sans ménagement le lecteur, qui reste marqué longtemps par cet éprouvant voyage dans les bas-fonds de l’âme humaine.

 

Plus qu'une affaire, Le Dahlia Noir est, dans le cas présent, un prétexte. Le dessein de James Ellroy n’est finalement pas de percer le mystère du meurtre de la jeune femme, même s’il prend un malin plaisir à brouiller les pistes et à livrer au voyeurisme du lecteur un abject coupable. Cet ouvrage constitue avant tout pour lui une manière d’exorciser le souvenir du meurtre de sa propre mère qui eut lieu dix ans après celui de Betty Short, alors qu’il était encore enfant. Ellroy y dévoile des sentiments à l’égard de sa génitrice qui flirtent avec le fétichisme et les désirs incestueux.

 

Dans ce roman, les mots sont durs, les phrases sèches et sans fioritures. Le lecteur devient, comme les enquêteurs de l’affaire, irrésistiblement ensorcelé par les cheveux noirs de jais du Dahlia Noir. Il ne peut résister à son attrait malsain. Délibérément pervers, ce concentré de turpitudes humaines est tout à la fois un chef d'oeuvre de littérature noire, un acte égoïste, une sorte de catharsis d’une puissance inégalée et un adieu intense et émouvant à une mère.

 

Florent Cosandey, 7 janvier 2007