Lune sanglante, James Ellroy

 

Lune sanglante, le premier des trois volets de la «trilogie Hopkins», constitue un bon et palpitant jalon de l’oeuvre de James Ellroy, auteur incontournable du roman noir de chez noir. Ranci de la première à la dernière ligne, dégageant des miasmes de mort, de transcendance et de sensualité, ce texte rude et cru publié il y a une vingtaine d’année emporte le lecteur dans les recoins les plus sordides de l’âme humaine.

 

Le personnage principal de ce torrent d’hémoglobine est le sergent Lloyd Hopkins, un flic obsédé par la quête d’un idéal: traquer et débusquer les criminels et les psychopathes de la pire espèce. Dépressif, violent, agissant le plus souvent en marge de la légalité, le sergent cherche le clash avec le mal dans sa plus écœurante incarnation. Violé dans sa prime enfance, alors qu’il croyait encore à l’innocence du genre humain, Hopkins n’a de cesse de lutter contre la perfidie et le vice qui gangrènent Los Angeles, où il officie. Il sacrifiera carrière et famille au nom de cet absolu.

 

Dans Lune sanglante, l’adversaire d’Hopkins est un serial killer, poète autoproclamé, qui «œuvre» depuis plus de vingt ans. L’homme cherche, à travers ses crimes, à se purifier d’un acte traumatisant dont il a été victime au lycée: un viol par deux condisciples désaxés. Lors de chaque anniversaire de l’agression, il prend la vie d’une femme frêle et pure. Méticuleux, il observe ses proies durant des semaines, puis les exécute avec cruauté. L’impunité dure des années, aucun policier du LAPD n’ayant réussi à faire le lien entre les crimes. Mais un jour, le tueur féru de poésie croise sur sa route le sergent Hopkins. Si les deux hommes se ressemblent en ce sens qu’une agression sexuelle constitue le tragique tournant de leur existence, une différence de taille les sépare dans leur rapport aux femmes: l’un les tue pour les protéger d’une société immorale et malsaine, l’autre leur voue un culte sans limite. Le duel final entre les deux hommes clôt un ouvrage bestial, qui vaut surtout pour sa haute exigence littéraire et les hallucinantes contradictions de la personnalité d’Hopkins. Les événements de l’intrigue ne s’enchaînent par contre pas toujours de la façon la plus crédible qui soit…

 

 

Florent Cosandey, 5 avril 2007