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Page blanche, terre d’exil

Patrice NGANANG, La promesse des fleurs, Paris, L’Harmattan, 1997

mardi 31 mai 2005 par ntchoufen

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Page blanche, terre d’exil

Octobre 1997, dans son premier roman qui paraît aux éditions L’Harmattan, Alain Patrice Nganang, jeune écrivain camerounais de la diaspora établit un bilan tout aussi pessimiste sur l’état de ce que certains analystes animés de préoccupations suspectes conçoivent désormais comme des "républiquettes sous perfusion, sans passé, sans avenir, vénales et clochardes" .

La promesse des fleurs est un roman intimiste qui conjugue utilement et artistement deux ruses du récit : l’incapacité ou l’inaptitude à l’écriture, tranquillement conjurée à travers la production -au sens du processus- du texte ; puis, à travers cette non-histoire dans l’histoire, ce mensonge-à-soi-même/rêve impossible en manière de bégaiement qui fait courir traîtreusement l’histoire du roman jusqu’à la fin.

Devenu adulte après un séjour en prison, un jeune Camerounais qui a naguère échoué à écrire l’histoire de la femme rêvée trouve enfin ses mots pour raconter la pénible histoire de ce que furent son quartier, médina yaoundéenne rasée par les autorités et transformée en forêt urbaine, sa vie, sa famille, ses amis et voisins, etc. Avant de reprendre une partie de dames, plat de résistance de l’oisiveté des temps passés avec le dernier des Mohicans du sous-quartier devenu fou en tenue d’Adam, il se rappelle qu’à la place de cette forêt grouillait la vie de quelques grappes de damnés de la terre désormais déguerpis. L’histoire est aussi et surtout celle d’un secret : l’amour incestueux jamais consommé du narrateur pour sa sœur et ancienne "co-chambrière", pour utiliser un camerounisme de campus universitaire.

Dans ce roman de l’échec qui vient compléter une production comprenant un conte primé en 1987, Histoire d’un enfant quatr’ zyeux et un recueil de poèmes sur la noire misère des bas-fonds, Élobi publié en 1995 aux Éditions Saint-Germain-des-Prés, Alain Patrice Nganang nous propose une saisie en trois dimensions de la vie dans cette espèce de quart monde à l’échelle d’une capitale africaine qu’on nomme dans la langue du cru dont l’auteur use volontiers, "sous-quartier". C’est dans ce sous-quartier yaoundéen sans nom cadastral officiel, royaume de l’habitat spontané et des superstitions que se situe l’action du roman qui décrit au total un rêve (la production d’un texte publiable), un mensonge (l’amour incestueux né dans la promiscuité d’une chambre commune entre le "zéhéros" -l’antihéros de Sassine n’est pas loin- et sa sœur, amour sans cesse déréalisé à travers l’obsession de l’écriture d’un personnage fantasmé en lieu et place de cette sœur interdite) et, la misère.

Saucissonné en une kyrielle de chapitres qui sont autant de micro-récits dédiés aux plis marquants du tissu de l’existence de Soumi’ nga (c’est le petit nom du narrateur) le premier roman de Nganang révèle autre chose que le malaise d’un adolescent frustré : celui d’une jeunesse désabusée, celui de parents déçus, bref, d’individus en échec constant ... La promesse des fleurs, récit avatar d’un échec à écrire, et placé sous le patronage de Sony Labou Tansi et Bertolt Brecht est l’histoire d’une non-vie qui brutalise les petites gens lorsqu’elle ne leur vole pas leur vie de chien qui est attente, espoir et rêve.
Le spectacle d’une jeunesse qui voit ses vertes années se flétrir en une récolte de déceptions une fois l’âge adulte venu est dans la simple arithmétique de la structure et dans le titre du roman : la première partie intitulée "les fleurs" compte 19 chapitres ; la deuxième, "les fruits" comporte 11 chapitres ; la dernière partie, "les pépins" n’en compte qu’un seul. Cette mathématique de l’échec explique à son tour le titre du roman. En refermant ce livre nonchalant, faussement naïf, chargé de pudeur mal contenue et de poésie bourgeonnante, tiqueté de perles, (relecture passée à l’as ?) et hanté par une pénible diglossie qui impose une certaine opacité de maints passages aux non locuteurs de medùmba, la langue des Bangangté des hauts plateaux de l’Ouest Cameroun, il faut croire que si le grain ne meurt...

MFABOUM



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