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Pour une pensée du Lieu
jeudi 25 janvier 2007 par Sébastien Robert

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Quand l’herbe frâiche et la feuille paraîssent,
quand la fleur s’épanouit au verger et le rossignol
haut et clair élève sa voix et lance son chant,
j’ai joie par lui et par la fleur.

Guillaume de Ventadour

L’âme humaine en tant qu’âme n’a pas grand chose. Ce qu’elle garde vraiment est simple, le tissu dont elle se couvre est à sa mesure, et cela sans grosses coutures et sans faux plis. L’existence, sa création et ses oeuvres, ne livrent à l’âme que de la nourriture. Ainsi elle digère et n’y revient pas. Du moins, elle ne revient jamais au même. Pour celui qui a la richesse comme pour celui qui n’a rien, l’existence est toujours un appel à la nouveauté : la vie est transformation.

Mais il y a une permanence, quelque chose qui ne change pas et auquel l’âme s’attache. Chacun d’entre nous est en un sens un monde parce qu’il a son monde, auquel il revient et qui correspond au visage de son intériorité. Une femme qui se maquille change d’aspect, mais c’est toujours le même visage qu’elle farde. Pour chaque homme, il en est ainsi. Ce même visage, c’est celui de l’âme, et il identifie à ce visage un réel dans lequel il va pouvoir se reflèter. L’homme peut choisir entre trois miroirs : l’autre homme, l’objet fabriqué ou la nature. Les plus prétentieux, les plus fous, se serviront de Dieu comme d’un miroir ; mais ces hommes-là ne vivent pas, ils rêvent.

L’autre homme est inconséquent comme l’objet : il reste alors la nature. Faire correspondre les traits de son âme avec ceux d’un homme ou d’un objet, c’est remettre la possibilité de la joie dans la contingence absolue, c’est la risquer au profit d’une perte dont, souvent, peu se remettent.

La campagne, les vallons et les champs sont les meilleurs référants de l’âme, par-delà la vie et la mort. Ces vallons peuvent se recouvrir de maisons, la campagne pourra être ravagée, il y aura toujours le Lieu. L’homme qui ne s’attache à rien ressent la tristesse parce qu’il est pris dans le cercle vicieux du désir. Alors il ne s’attache pas parce qu’il n’a pas encore trouvé, vu ou voulu voir ; il a décidé son malheur. L’âme humaine possède un Lieu que souvent, au seuil de sa mort, elle regrette de ne pas avoir trouvé.

"La donnée au moment même où elle s’offre d’abord à nous n’est pas pauvre et misérable, comme on le dit souvent. Elle possède une abondance et une épaisseur concrète que nous ne parvenons jamais à embrasser ni à épuiser." (Lavelle, Manuel de méthodologie dialectique, Prop. XXIV)

Il s’agit pour nous de faire une pensée du Lieu, de l’Endroit, de l’esprit dans la donnée, du Là.

C’est toujours à partir d’un Lieu que l’on pense. On pourra toujours convoquer les sciences humaines pour exliquer la manifestation de la pensée d’un auteur, on ne comprendra vraiment jamais pourquoi Bachelard restait attaché à sa petite pièce parisienne, Blondel à Aix-en-Provence et Bernanos à Pellevoisin. La pensée, si fluide et fuyante soit-elle, si universelle qu’elle puisse être, reste une pensée de l’Endroit où la source de l’Être se manifeste à elle de manière plus intense, et où l’esprit capte le mieux la lumière.

Au croisement de l’acte reflexif et du Lieu, il se produit un miracle toujours renaissant : un type de pensée. Le Lieu inspire, oriente, et canalise la reflexion : il lui donne une teneur qui n’appartient qu’à elle. Il suffit juste pour l’âme d’y revenir pour se retrouver elle-même. Là, adéquate, la pensée pourra se faire, c’est-à-dire oeuvrer pour elle et pour les autres.

L’âme humaine n’a pas grand chose. Elle doit avoir un Endroit où se reflèter, qui se moque d’elle mais dont elle ne se moque pas. C’est dans l’indifférence de la nature que l’âme demeure la plus simple, la plus authentique, et par-là même la plus puissante. Elle trouve en ce Là l’assurance d’un foyer sans jugement et parfaitement pur.

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