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La mauvaise rencontre - P Grimbert
dimanche 15 novembre 2009 par Mariane Perruche

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Après le succès de Un Secret, Philippe Grimbert nous offre une histoire d’amitié qui tourne mal. Sur quoi reposent les amitiés les plus fortes ? Peut-être sur un malentendu. Les psychanalystes semblent s’intéresser à l’amitié après l’avoir injustement délaissée.

Les hasards de la publication – ou ceux d’une bonne rencontre – ont mis à quelques mois près deux psychanalystes sur le chemin d’un même pays lointain, le Monomatapa. En janvier 2009, J.-B. Pontalis a fait paraître un ouvrage dans lequel il rêvait à sa manière sur l’amitié, Le Songe de Monomatapa (Gallimard). Derrière ce titre énigmatique se cache la fable de La Fontaine « Les deux Amis » : « Deux vrais amis vivaient au Monomatapa/ L’un ne possédait rien qui n’appartînt à l’autre ». Suit le récit de cette amitié : si l’un va jusqu’à proposer toute sa fortune à l’autre, le second fait plus. Ayant rêvé que son ami était dans l’embarras, il se rend chez lui en pleine nuit pour lui venir en aide, montrant ainsi que les êtres qui s’aiment ignorent les obstacles et les séparations. Cette Amitié idéale ne résiderait-elle donc qu’en des contrées si lointaines, comme le Monomatapa de l’Afrique du Sud, qu’on les croit imaginaires ?

Le dernier roman de Philippe Grimbert se situe en des contrées de l’amitié plus familières, et néanmoins inquiétantes. Le récit met en scène Loup, le narrateur, et Mando, qui se sont connus dès la plus tendre enfance au Parc Monceau : « Rien n’aurait dû les séparer croix de bois croix de fer, à la vie à la mort ». Seulement dès le premier paragraphe, le narrateur déchire le voile de cette amitié idéale en nous annonçant la rupture à venir. Le ton est donné et le lecteur prévenu : la « mauvaise rencontre » guette, celle qui mettra un point final à cette amitié. Qu’est-ce donc que cette « mauvaise rencontre » ? Peut-être tout simplement celle qui met la Mort sur notre chemin. Parties de cache-cache et de « Loup y es-tu ? » se transforment au moment de l’adolescence en « Colloque sentimental » à la mode de Verlaine pour visiter les fantômes célèbres du Père-Lachaise. De tombes en caveaux, de l’hôpital à la morgue, l’Ange de la Mort va jeter son ombre sur cette amitié trop idéale qui bascule dans une dimension plus inquiétante : la trahison première de Loup va le transformer en Judas définitif, non seulement avec Mando, mais avec des femmes qui ont beaucoup compté pour lui. La mécanique des mauvaises rencontres est dès lors enclenchée jusqu’à la trahison finale. La vie ne serait-elle que compromis et séparations ? Et si cette amitié idéale n’était qu’un mensonge, un fantasme de gémellité pour faire de l’autre un semblable, rendant impossible tout écart, même minime, de l’autre à soi ? La survie serait au prix de cet écart. Et d’une bonne rencontre, celle du docteur Lacan que le narrateur trouvera sur son chemin, rebaptisé par Mando le « Professeur Psychopompe » : c’est l’épithète qu’Homère appliqua à Hermès, guidant les âmes des prétendants jusqu’aux enfers. Lacan, nouvel Hermès guidant ses malades vers leurs fantômes intérieurs, ou « passeur », attirant à Vincennes une jeunesse en attente d’un discours nouveau, ou encore séducteur dans ses improbables costumes aux poils hérissés. C’est à Lacan que Philippe Grimbert a emprunté son titre : la « mauvaise rencontre », celle qui précipite dans la psychose.
Ceux qui ont aimé Un Secret (Grasset, 2004) trouveront dans La mauvaise Rencontre une mélodie familière : cette obsédante présence des fantômes, auxquels Philippe Grimbert dédie son nouveau roman, comme il dédiait le précédent à Tania, Maxime et Simon. Le narrateur d’Un Secret tombait par hasard sur le cimetière des chiens de Pierre Laval et décidait d’écrire un livre-tombeau dédié à Simon, son frère disparu dans les camps d’extermination. A la fin du roman, il se rendait au Père Lachaise sur la tombe de sa mère, tandis que son père s’envolait en fumée. Les psychanalystes ne se débarrassent pas facilement de leurs propres fantômes qui continuent de murmurer des histoires à leurs oreilles attentives. Même en dehors des cimetières, car le bruissement des suaires et le cliquetis des chaînes parviennent jusque dans leur cabinet. C’est d’ailleurs pourquoi ils sont « psychopompes », comme Hermès le passeur d’âmes : ils savent accueillir la mort au creux de soi. Et les divans sont parfois profonds comme des tombeaux……

Mariane Perruche



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