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Interview de Badia Hadj Nasser
vendredi 16 avril 2010 par Nadia Bouziane

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Le Maroc raconté par une femme. Des nouvelles qui permettent de proposer une autre image du Maroc, éloignée des paramètres habituels de la littérature arabe. Les Hédonistes nous emmènent vers des lieux de confrontation entre le maintien des valeurs ancestrales et l’ouverture à un mode de vie nouveau, des lieux où peuvent coexister le passé et le futur. Badia Hadj Nasser nous donne à réfléchir sur le duel permanent entre la tradition et la modernité. —4em de couverture

Badia Hadj Nasser, auteur du célèbre roman Le voile mis à nu, vient de publier un recueil de nouvelles intitulé « Les hédonistes ». En cette occasion, la romancière a accepté de répondre à nos questions.

- Pourquoi avez-vous donné comme titre à votre recueil de nouvelles « Les hédonistes » ?

- Badia Hadj Nasser : Carpe diem, cueille le jour
Dans le recueil de nouvelles "Les hédonistes" , il s’agit d’un hédonisme à minima. Un hédonisme d’ascèse.

- Pourquoi un recueil de nouvelles et pas un roman ?

- Badia Hadj Nasser : Une nouvelle est une histoire courte. La chute d’une nouvelle est plus brutale que le dénouement dans un roman. La nouvelle est une narration ramassée.

- Est-ce-que vous pensez qu’on peut s’exprimer sur différents sujets dans des nouvelles comme vous faites mieux que dans un roman ?

- Badia Hadj Nasser : Dans « Les hédonistes » il y a 12 histoires de femmes qui vivent dans des lieux différents. Ces lieux sont en France ou au Maroc dans des villes : Avignon, Gennevilliers, Paris, Casablanca, Marrakech, Rabat, Tanger.

- « Je me révolte, donc nous sommes. » Albert Camus, L’homme révolté, 1951.
« L’indépendance fut toujours mon désir et la dépendance ma destinée ». Alfred de Vigny, Dieppe, 1825.
Pourquoi le choix de ces deux phrases, est-ce pour donner un avant-goût de vos nouvelles ?

- Badia Hadj Nasser : J’ai intitulé ces 12 histoires de femmes : « Les hédonistes » dans la mesure où chacune de ces femmes tente de rechercher les plaisirs de l’existence malgré tout. J’ai tenté d’imaginer comment chacune d’elles pouvait faire face à des difficultés parfois intimes, parfois des difficultés sur lesquelles elles n’ont pas directement prise et qui les dépassent parce qu’elles sont hélas le lot de toutes.

- Dans vos nouvelles, vous avez campé des personnages de femmes qui ont un dénominateur commun : la révolte et le désir d’apprendre. Est-ce une façon pour vous de dire que la femme marocaine n’a jamais été soumise ?

- Badia Hadj Nasser : Pour chacune de ces femmes, elles se prénomment : Kenza, Zohra, Warda, Rania, Fatiha, … cette recherche des plaisirs de l’existence malgré tout varie. Elle varie selon la personnalité de chacune, selon l’éducation, l’époque et la société dans laquelle elles vivent. Rania et Warda sont universitaires, l’une à Rabat, l’autre à Paris. Kenza et Zohra, sont de Tanger. L’une d’origine modeste, l’autre grande bourgeoise. Yemna est de Gennevilliers, milieu ouvrier.
Dans la recherche des plaisirs de l’existence malgré tout certaines d’entre ces femmes doivent parfois se contenter d’éviter le déplaisir et même la douleur quand elles doivent faire face à des relations très conflictuelles dans les nouvelles : Tango, 14 juillet, Les amants d’Avignon.

- « Non voilées, elles le seront un jour à travers nous, leurs filles ». Y-a-t-il une part autobiographique dans vos nouvelles ?

- Badia Hadj Nasser : On peut se référer à la phrase célèbre de Gustave Flaubert quand il s’écrie : « Madame Bovary c’est moi ».

Les personnages ne sont pas seulement le fruit de nos observations. Ils reflètent un moi intime. Nous mettons dans nos œuvres nos propres inquiétudes, nos manières de penser.

- Avec le personnage de Larbi, vous évoquez un phénomène important au Maroc et au Maghreb, celui du rapport à la langue française. Quels rapports entretiennent vos personnages avec le français et l’espagnol ?

- Badia Hadj Nasser : Le plus intime qui soit. Larbi est tangérois. Sa rencontre avec la langue espagnole a été une rencontre d’amour. Au sortir de l’adolescence, Larbi a trouvé grâce à la langue de Don Quichotte une dimension émotionnelle qui l’a marqué.
C’est une richesse pour Tanger cette promiscuité avec l’hispanité. Larbi au Chili, au Mexique sera chez lui, sans compter le voisin d’en face : l’Espagne. Le lien langue est très important. Il nous permet actuellement au Maroc cette magnifique ouverture vers nos pays frères d’Afrique.

- Agla est un hommage au père. En lisant cette nouvelle on a l’impression que vous parlez d’un amoureux. Quels sont vos rapports avec votre père ?

- Badia Hadj Nasser : Amour filial.

- Llala Chmouss est une nouvelle où vous parlez de l’homme aux trois épouses, deux traditionnelles et la troisième moderne et cultivée. D’après vous peut-on allier harmonieusement tradition et modernité ?

- Badia Hadj Nasser : Dans l’histoire que vit Rania (la nouvelle est intitulée Lala Chmouss, qui est le prénom de la première épouse) il s’agit de la polygamie à laquelle les trois coépouses doivent faire face.
Actuellement la société marocaine vit des changements très importants. J’ai voulu offrir une image de la société marocaine sans les stéréotypes

- Réseaux de connivence est une nouvelle audacieuse puisque vous parlez de l’amour interdit entre une musulmane et un juif. Pourquoi votre couple n’a pas eu d’enfants ?

- Badia Hadj Nasser : C’est une histoire d’amours enfantines, d’émois d’adolescence et d’une vieillesse sereine à deux.

- Tanger, rue de Londres, elle ou la femme dans cette nouvelle parle de psychanalyse, raconte des histoires, parle un peu comme la conteuse des mille et une nuits, évoque l’acte d’écriture, ne serait-elle pas Badia Hadj Nasser, la féministe qui refuse qu’on voit seulement dans la femme « la cuisinière », et non pas « la femme de sciences » ?

- Badia Hadj Nasser : La contestation peut passer par l’absurde. L’absurde c’est enfoncer des portes ouvertes. La minceur apparente du thème : les personnages conversent. . Ils se battent à coup de mots. Ils évitent ainsi peut-être le pire. Les propos sont burlesques et donnent.une impression d’étrangeté par la présence simultanée du conscient et de l’inconscient. La parole voudrait dire et elle ne parvient pas. Le surréel est là dans le bavardage.
Le langage est un énorme lapsus. Le langage est le lieu d’une méprise permanente. Il y a chez ce couple l’impossibilité de dire et l’impossibilité de se taire. Deux êtres qui se connaissent et qui ont du mal à se rencontrer. La rencontre se fait par la dispute.
Le réel auquel ils sont confrontés a comme qualité d’être réel. Qu’est ce qui existe en-dehors de notre subjectivité ? Nous ne comprenons pas les mêmes choses les uns et les autres du réel. ? Tant que le langage est présent, il fait office de législateur.

- Certaines de vos nouvelles rappellent des films comme Lalla Hobi ou Marrok. Quels sont vos rapports avec le cinéma ? n’avez-vous jamais pensé à écrire des scénarios ?.

- Badia Hadj Nasser : Le cinéma m’a beaucoup influencé. « Les hédonistes » adaptés au cinéma pourquoi pas si cela intéresse un cinéaste. ?

- Sur la couverture des Hédonistes nous avons l’image d’une femme en costume traditionnel qui rappelle les peintures de feu Chaibia Talal. Qui a choisit cette image, vous ou l’éditeur ? et pourquoi ?

- Badia Hadj Nasser : Je voue à Chaibia Talal une immense admiration.

- Badia Hadj Nasser, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions.

- Badia Hadj Nasser : Merci à vous. Je souhaite à tous mes lecteurs de trouver du plaisir à lire « Les hédonistes ».



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