Carnets du jour et de la nuit, Jean-Claude Walter

Instantanés en prose poétique, parus aux éditions Arfuyen

mardi 14 septembre 2010 par Françoise Urban-Menninger

Cet ouvrage aux tonalités graves, parfois drôles mais toujours éminemment poétiques égrène la petite musique qui fait et défait la trame de toute vie comme semble nous le rappeler le patchwork de couleurs d’Erwin Heyn qui éclaire la couverture et nous invite à partager les impressions de l’auteur.

Le fil rouge de ces "carnets du jour et de la nuit" est bien évidemment l’écriture car ce sont les mots qui font naître le poète au monde comme nous l’annonçait Guillevic dans "Terraqué". Et c’est par l’écriture que le poète est, tout simplement, :"Je me dis qu’il faut que j’écrive maintenant, avant que le temps ne me dévore ou que mes mots glissent dans la trappe du silence".

Autrement dit et pour parodier Descartes :"J’écris, donc je suis". Etre au monde, écrire c’est sauver de l’oubli et de "la trappe du silence" des fragments d’éternité.

C’est ainsi que Jean-Claude Walter nous octroie des moments emplis de clarté avec ses courts récits qui confinent à de purs instants de grâce dans "Un bonheur" ou dans "Enfances". Dans "Un bonheur", le temps paraît suspendu dans un entre-deux par la magie de quelques mots qui renvoient aux images lumineuses de l’enfance :"la brillance des confitures dans leurs verres biseautés", "le jaune du beurre qui rime avec les boutons d’or"...On songe aux kaléidoscopes et aux morceaux de verre colorés qui ravissent l’oeil et séduisent la part belle de notre enfance enfouie au fond de nous-mêmes.

Parfois l’auteur fait chanter un vocable à son oreille tel le mot "freux" qui désigne des oiseaux du XIIe ou XIII e siècle et dont il veut garder le mystère. Sous sa plume la couleur rose fait signe à la cathédrale de Strasbourg que l’auteur convoque entre ses pages telle une figure familière. Ne souhaite-t-il pas "construire une cathédrale de mots" ?
Les mots les plus simples désignant les objets les plus humbles sont fêtés et prennent rang parmi les plus nobles :"Le lavabo me rappelle l’intimité que je savourais dans le ventre de ma mère".

Avec Jean-Claude Walter, les mots sortent du dictionnaire de notre inconscient collectif, l’auteur leur redonne le poids qu’ils ont perdu dans une société où l’image et les médias de toutes sortes régissent le monde. Les mots avec Jean-Claude Walter reprennent vie sur la page blanche car ils sont nourris du sang même du poète, de son imaginaire et de ses émotions en quête de cette recherche éperdue et jamais assouvie du "mot juste".

Et pourtant, l’auteur nous parle de cette "errance" dont nous sommes tributaires : "on erre comme comme des farfadets en quête d’une once d’éternité". Jean-Claude Walter évoque avec nostalgie et parfois désespoir les visages aimés des disparus "Le pays de l’enfance et des rêves évanouis"... Tout est toujours à recommencer...L’écriture n’échappe pas à ce retour sur soi car "écrire, c’est vivre à l’envers".

Dans ce livre magnifique où l’on perçoit la douleur dans le travail de l’écriture semblable à celui de la femme qui enfante, on côtoie avec bonheur les plus hautes cimes. Car derrière le doute, le désespoir, les mots teintés d’humour noir qui jouent à saute-mouton sur le fil de la mort, il y a la grâce qui transparaît "tel un silence enchanteur dans le concert du monde".

Ainsi, on se laisse guider par "la grâce ailée du magnolia" ou surprendre par "les mots disséminés à l’entour comme cailloux blancs" qui "s’illuminent et nous font signe"..."C’est, ça écrire", nous confie l’auteur et l’on comprend dès lors qu’il a scellé sa vie à celle de cette écriture qui marche dans ses pas et l’accompagne pour "partir en dedans de soi pour s’y perdre encore une fois".

Françoise Urban-Menninger



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