La vieille au buisson de roses - L-E Martin
mercredi 13 octobre 2010 par penvins

Une vieille bigote et un chien errant dans le Poitou de l’auteur, en hommage « à la très chère mémoire de Guite ». Une histoire simple, un peu invraisemblable - surréaliste - à travers laquelle on discerne comme un dernier adieu au pays, là où est né le langage, dans cet espace/temps où la mort se donnait sans qu’on en perçoive la violence. Mort donnée aux chatons que l’on noie et aussi à la volaille que l’on saigne et que l’on plume sous le rosier dont les pétales deviendront des langues de feu. C’est bien dans ce temps où la mort paraissait naturelle, qu’est né le langage. On assiste alors à cette scène étrange de la vieille se relevant du chaos, se lavant aussi nue qu’un enfant que l’on baptise, et s’emmaillotant dans ses langes.

Dans le titre de ce roman l’allusion à La Vierge au buisson de roses est transparente et cependant la vieille apparaît singulièrement différente, vieille bigote, certes, mais en même temps vieille femme de chair et d’os que l’auteur nous décrit comme une vieille fille poitevine attachée à son fourneau et à sa lampe à pétrole. Ce n’est pourtant que dans cette scène, lorsqu’elle se libère de ses excréments, se lave, nue telle un nouveau-né, et se lange, qu’elle parle enfin la vieille langue des anges dans une sorte de douloureux et joyeux accouchement.

La langue initialise une sorte de renaissance, un moyen de s’approprier le monde, d’y entrer, d’échapper à la peur de la parole qui – selon l’auteur - caractérise les hommes. L’appauvrissement de la langue et à l’opposé la recherche d’une langue littéraire, riche de toute la littérature occidentale, étant pour lui le signe et le contrepoison de cette peur des mots. D’où vient que l’on parle au lieu de ne rien dire - demande-t-il ? La réponse est évidemment à chercher dans ce qui s’écrit à travers le romanesque : La langue naît de l’acceptation de cette mort sans violence, de ce trou dans l’eau que l’on fait avec une pierre, elle permet d’échapper à cette « lourdeur qui te plombe », ici de faire renaître ce Poitou d’autrefois, riche de diversité, tout à l’opposé de ce monde uniforme contre lequel l’auteur s’insurge. Une langue pure, une langue d’orfèvre, riche et dense à l’image du tableau qui l’a inspiré et qui est l’âme d’un petit livre tel que l’on a rarement l’occasion d’en lire.

C’est donc du « langage des anges » dont il est question comme si la langue ne pouvait se trouver que dans cette virginité, elle n’éclot d’ailleurs que lorsque la vieille se lave de toutes ses souillures charnelles, la renaissance étant une redécouverte de la pureté, du blanc qu’il soit celui des langes dans lesquels elle se sèche ou des fleurs du magnolia, de cet arbre-cerveau dont l’image s’imposera plus tard au marquis, un cerveau de fleurs blanches qui plonge ses racines dans la terre. Le marquis meurt accroché au rosier, sous une pluie de pétales de roses, langues de feu de Pentecôte.

Le pauvre chien, le bâtard galeux, qui chantait en latin dans la crèche, a perdu son supposé maître ainsi que la vieille femme qui l’avait vu naître à la place de l’enfant Jésus - au grand scandale du curé, l’ironie n’étant pas absente de ce texte poétique ! - on ne peut désormais le rendre à sa famille et s’il n’appartient plus à personne c’est qu’il a sans doute trouvé sa voix. Il nous aura en tout cas enchanté et son histoire, nous l’espérons, donnera à beaucoup de francophones l’envie de la lire et de la relire, tant il est vrai que les seuls livres intéressants sont ceux que l’on n’épuise jamais.



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