Théorie de la déroute, Bertrand Leclair
2000 par penvins

Bertrand Leclair

éditions Verticales.

Si vous ne savez plus quoi lire, si vous croyez que la littérature n'existe plus, lisez ce livre, vous allez en reprendre pour 10 ans.

Bertrand Leclair tente une approche de la littérature qui va vous réconcilier à la fois avec le livre et avec le réel. Mais attention il vous aura prévenu, la réalité n'est pas le réel et c'est bien le rêve et avec lui la littérature qui peut vous conduire au réel.

"C'est justement en ce qu'il dé-réalise le monde, c'est à dire, en ce qu'il défaufile la trame des représentations, [...] que le rêve est l'un des accès au réel, à la matière, à l'être... " parce qu'  "il existe autant de mondes vécus qu'il existe d'individus,..."

Le projet est donc après la déroute de la théorie, de cette époque où la littérature aura été très présente au plan collectif mais si peu active, de dire une théorie de la déroute, de la nécessité de ce qui écarte du chemin tracé : le scandale, skandalon, pierre d'achoppement, pavé mal équarri, celui-là même qui ouvrit les portes de l'écriture au narrateur de la Recherche.

Bertrand Leclair oppose la littérature à la communication et rappelle que la communication à l'image de ces théories de pacotilles dont les entreprises sont friandes sous l'appellation "développement personnel" - toujours non loin des sectes - où l'on vous explique que "refaire le chemin menant à l'épanouissement au bout de vingt siècles de culture occidentale serait trop long, et que mieux vaut [...] adopter une recette qui a fait ses preuves [...] Prendre les raccourcis, renoncer aux détours." Ce faisant il s'agit surtout de déresponsabiliser l'individu.

Aujourd'hui dans un monde où tout est mise en scène, la théorie qui n'est pas autre chose que la mise en scène des idées est devenue impossible alors plus que jamais il faut "retrouver sous ses décombres le principe qui [la ] générait" "provoquer à travers soi la mise en branle de la langue au sein du spectacle général qui prétend la figer..."

Livre fait de réflexions successives où l'auteur revenant sur Sartre et l'engagement pour lesquels "La littérature se réduit [...] à un acte politique conduisant à proposer quelque chose à un public réduit à une forme de passivité", rappelle que Pavese distinguait l'écrivain en quête de réel de l'homme de lettres qui "touché par le fort et trouble pouvoir de séduction d'une terre jusqu'alors inconnue, y retourne et s'y attarde, il y construit sa maisonnette, plante son verger et y fait ses confitures." la question n'étant pas de valeur mais de qualité car aborder les oeuvres des uns et des autres de la même façon n'a pas de sens.

Admirable leçon de lecture et de littérature à laquelle je ne résiste pas d'ajouter la formidable bibliographie que l'on retrouvera au fil des pages.

Penvins
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