Le Sagouin de François Mauriac
mardi 18 avril 2006 par Catherine Nohales

Pour échapper à la haine rance d’une marâtre aigrie, frustrée parce que ses ambitions sociales n’ont pas aboutie, parce qu’elle n’est pas mère, une seule et unique issue : la mort par le suicide, l’ultime recours d’un fils haï car portrait haï d’un mari imbécile profondément détesté.

Paule de Cernès a rêvé bien trop fort lorsqu’elle a connu Galéas de Cernès. Un nom à particule qui l’extirperait de sa condition sociale modeste, bien trop humble pour elle.

" Elle prononça à mi-voix :" La baronne de Cernès. La Baronne Galéas de Cernès. Paule de Cernès..."Comment expliquer une telle fascination pour le milieu aristocratique, une fascination qui l’a conduite directement dans une impasse ? L’auteur se risque à une explication : " La jeune fille avait voulu venger l’enfant sans doute. Et puis ce mariage, c’était une porte, croyait-elle, ouverte sur l’inconnu, un point de départ vers elle ne savait quelle vie. Elle n’ignore plus aujourd’hui que ce qu’on appelle un milieu fermé, l’est à la lettre."

Guillou, dit le Sagouin, et qui donne son titre au roman, incarne cet échec, cette vie ratée. Sa mère n’a pas de mots assez durs pour le stigmatiser, lui reprocher d’être un fils salissant. Il est à ses yeux tout ce qu’elle abhorre, comme elle abhorre son mari.

L’incipit démarre par une série de claques administrées au petit Guillou. Enfant martyr d’un père faible, effacé jusqu’à ne pas exister dans ce roman qui donne à voir une femme terrible. Incipit tragique qui conduit à un dénouement tout aussi tragique, tout aussi inévitable.

C’est un roman pudique, classique tel que l’écriture classique fut définie au XVIIème siècle. C’est un roman d’une grande justesse, d’une grande finesse psychologique.

Ce sont cette pudeur, ce refus permanent d’une complaisance morbide, d’un pathos dégoulinant qui en font la force.

Un roman à l’équilibre parfait.

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