Je crois moi non plus, Jean-Michel di Falco, Frédéric Beigbeder aux éditions Calmann -Lévy

Dialogue entre un évêque et un mécréant

vendredi 12 novembre 2004 par Catherine Nohales

Frédéric Beigbeder m’a toujours horripilée par sa présence remuante et narcissique dans les médias et dans la littérature. Je n’ai pas du tout été convaincue par son roman 99 francs. Alors pourquoi lire cet entretien entre deux personnalités aussi dissemblables, aux antipodes l’une de l’autre ?

L’un est un ex-pubard provocateur qui a commis des livres tandis que l’autre est un homme de Dieu que l’on voyait beaucoup à la télévision. Normal, il était chargé par son ministère des relations avec les médias.

Frédéric Beigbeder et Jean-Michel di Falco se connaissent de très longue date puisque l’un fut le professeur de l’autre à l’école Bossuet à Paris. Donc, il existe des points communs envers et contre tout.

Et puis il est vrai qu’associer l’idée de Dieu à Beigbeder, on n’y songerait pas tant ça nous paraît antinomique.

Le titre d’ailleurs dit bien cette relation improbable, surprenante. Il exprime toutes les difficultés d’un homme ultra-contemporain à saisir l’idée de Dieu, à la comprendre. Cependant, cette idée le turlupine, ne le laisse pas de marbre. Je vais et je viens, tel semble être le mouvement permanent de Beigbeder.

C’est donc un échange fructueux, plaisant et gentiment provocateur qui s’instaure entre les deux hommes. Le directeur de Flammarion interpelle Jean-Michel di Falco sur des sujets récurrents et qui sont au coeur de l’actualité, au coeur de chaque individu, qu’il soit croyant ou non.

Pourquoi ce Dieu, qui a signé un pacte d’Alliance avec l’humanité, accepte-t-il que des hommes, des femmes, des vieillards, des enfants se fassent tuer en Son Nom ? tuent en Son Nom ?
Ce qui nous intéresse, là, devant cette question lancinante, permanente, c’est la réponse d’un homme qui a la foi. Cependant, Beigbeder ne se contente pas d’une réponse. Il conteste, argumente, provoque aussi. Et je me suis surprise à penser qu’il jouait, de manière bien anodine il est vrai, le rôle du Tentateur. Mais Beigbeder ne serait pas Beigbeder s’il ne provoquait pas, surtout un homme d’Eglise. C’est un désir irrépressible, chez lui, qui ne nuit pas, toutefois, à la qualité de cet échange.

L’écrivain (allez ! on va employer le terme d’"écrivain" même si ça froisse sa modestie...) n’occulte aucun sujet : les guerres de religion qui perdurent et qui sont plus que jamais d’actualité, le célibat des prêtres et, de ce fait, leur sexualité, la pédophilie ( et là, Jean-Michel di Falco ne se dérobe pas, lui qui a été accusé de pédophilie, accusation qui a "éteint quelque chose en lui") la liturgie désincarnée des messes, les hypocrites qui font semblant et qui sont des catholiques intégristes, l’islam et le voile etc.

Questions qui peuvent paraître naïves de prime abord. Or, elles reviennent constamment.

L’évêque répond avec ses convictions d’homme de Dieu. Il ne se cache pas, ce me semble, derrière la langue de bois. Il ne nie rien, ne refuse pas d’aborder tel ou tel sujet. Il a en face de lui un interlocuteur qui ne le permettrait pas. Jean-Michel di Falco reste stoïque devant les propos quelquefois grivois de Beigbeder. Il cède rarement à la provocation. L’écrivain se livre également : ses doutes sur le monde dans lequel il vit, sa toute nouvelle paternité qui le conduit à réfléchir sur ses excès d’autrefois. Sincères ou pas, ses contritions, là n’est pas le problème. Beigbeder, c’est chacun d’entre nous. Il pose les questions que l’on s’est tous posé, que l’on continue de se poser.

Alors, infructueux, cet échange ? L’objectif était-il de convertir un mécréant ? Certes pas. Juste une rencontre entre deux hommes dissemblables mais qui partagent des doutes, des aspirations. Sur quoi peuvent-ils se rejoindre ? Sur beaucoup de sujets, n’en déplaise à Beigbeder. Et que dit celui -ci à la fin du livre ?

" Ces échanges ont forcé ma réflexion et aujourd’hui
il m’arrive de douter...Oui, il m’arrive de douter sur l’inexistence de Dieu."



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