Naissance de Dieu
dimanche 11 mars 2007 par Claude Courty

Une interprétation supplémentaire des Ecritures par un agnostique

Folio histoire

Passionnante cette évocation du rôle joué par le peuple juif dans l’invention du Dieu unique telle qu’elle perdure depuis ; ultime perfectionnement du moyen imaginé par l’homme pour calmer ses angoisses existentielles.

Il a fallu aux juifs une certaine dose de vanité pour se croire à ce point élus parmi toutes les espèces peuplant la planète, mais que Dieu leur ait parlé n’a rien de plus probant que de surprenant ; multiples ou uniques, les dieux ont toujours parlé à ceux qui croient en eux, et ils continuent de le faire. Cette vanité, d’ailleurs commune à tous les humains, n’est peut-être pas la seule cause de l’invention d’un Dieu unique. Ont ainsi été évacués les problèmes que n’aurait pas manquer de poser l’avènement d’une cohorte supplémentaire de dieux spécialisés, autre sujet de dispute avec les peuples qui avaient déjà la leur.
Il n’en demeure pas moins que l’invention est de taille et qu’elle exprime le pas considérable qu’a franchi l’humanité dans son questionnement, quels que soient les progrès qu’elle en a tirés et sans que se soit faite pour autant depuis, l’unanimité sur le sujet, bien au contraire.

Cette lecture peut porter à voir le Dieu des juifs comme le produit d’une maturation laborieuse menée au cours du millénaire ayant précédé le christianisme, mais il convient toutefois de relativiser cette Invention. Aussi spirituellement élevée qu’elle soit, et quels que soient les efforts de ceux qui se la sont appropriée par la suite (au demeurant hors contexte), il suffit pour cela de considérer, pour qui n’a pas la foi du charbonnier :
- Qu’elle s’est appliquée à un peuple à une époque donnée, même si les descendants de ce peuple ont eu à coeur de la pérenniser et y sont parvenu envers et contre tout.
- Que Yahvé - qu’il s’appelle ainsi ou Élohim - est le Dieu d’Israël et de nul autre peuple, ce qui ajoute à la vanité déjà évoquée, un égocentrisme national peu compatible avec sa dimension universelle. Cf. Réflexion précédente à propos de l’intérêt particulier du monothéisme en tant que moyen de parvenir à ses fins pour un peuple assoiffé de conquêtes.
- Que le même Yahvé est à ce point le Dieu d’un peuple qu’il est spécialement célébré à l’occasion des victoires temporelles de celui-ci, dans ce qui n’est du reste qu’une préfiguration des Te Deum que l’église catholique (comme d’autres églises portant d’autres noms) dédiera au Dieu du vainqueur (le même que celui du vaincu soit dit en passant) en tout temps et en tout lieu au cours des siècles à suivre.
- L’effort d’explication des grands clercs d’Israël ayant pour but de faire coller la cosmologie à leur religion. Les contradictions (pour ne pas parler de démentis) fondamentales et définitives apportées à la Genèse et à sa cosmogonie par la science, est de ce point de vue sans appel.
- Les manifestations pour le moins contradictoires d’une bonté prétendument infinie (introduite postérieurement au judaïsme d’origine) que l’histoire a rendue toujours plus sujette à suspicion.
- L’élaboration de l’Ecclésiaste, qui peut se concevoir tout simplement comme une subtilité dialectico-théologique ayant simulé, plusieurs siècles après la diffusion des textes les plus anciens, des réponses aux insuffisances et contradictions de ces derniers. Le débat que ne pouvait et ne peut encore que susciter le contenu de l’Ecclésiaste ne renvoie-t-il pas subrepticement le lecteur aux textes d’origine ? Par les questions que soulève le caractère sceptique, défaitiste, empreint d’humilité, voire négatif des questions qu’il pose et des réponses qu’il y apporte, L’Ecclésiaste ne peut effectivement que renvoyer son lecteur « aux sources » (Yahviste, Document sacerdotal, Deutéronome...). Ce lecteur est ainsi habilement conduit à trouver dans les textes les plus anciens, les plus proches de la révélation, les « vraies » réponses ; celles que, la foi aidant, l’invite à trouver son angoisse, inchangée depuis la nuit des temps.



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