Plissé soleil - Catherine Chauleur
samedi 27 décembre 2008 par penvins

Elle s’en va comme sur la pointe des pieds, elle est encore là et pourtant déjà ailleurs, dans son monde à elle, elle entend, elle réagit, mais elle garde sa liberté. Et au fur et à mesure qu’elle s’éloigne du monde qui l’entoure, par la magie de l’écriture nous apprenons à la connaître. Nous nous attachons à elle.

Formidable entreprise de séduction que ce texte écrit par un écrivain de théâtre. Monologue intérieur puisque tout le livre est écrit de ce point de vue, mais qui laisse entendre - par les oreilles d’Emma – ce qui se dit à l’extérieur.

Ainsi, au fil des pages, lentement se construit un personnage un peu fantasque, qui tient à dire sa totale liberté. Résistance jusqu’au bout aux manipulations d’où qu’elles viennent, refus de se laisser enfermer non pas dans la solitude - qui bien sûr est en train de la cerner - mais tout au contraire dans le désir des autres qui la savent désormais à portée de main, veulent lui imposer une conduite normale.

C’est bien contre cette vaste entreprise de normalisation qu’Emma a toujours lutté, entretenant en toutes circonstances un comportement déviant de petite fille qui a besoin de se faire remarquer, d’attirer l’attention sur elle.

Quand je vous dis qu’il s’agit d’une vaste entreprise de séduction !

Plissé soleil c’est la robe de Marilyn qui s’envole au-dessus de la bouche de métro, Emma se prend pour Marilyn, elle est la petite fille qui rêvait d’être Marilyn, elle est le professeur agrégé qui pense que toutes ses élèves la prennent pour Marilyn.

Elle voulait faire du théâtre, contre l’avis de son père, alors elle a décidé d’être belle.

Se dessine ainsi le destin d’une femme qui bien sûr va quitter la scène et qui se souvient de ce qu’elle a été, de son combat pour l’égalité républicaine par exemple, lorsqu’elle interdisait à ses élèves de garder leurs manteaux et imposait la blouse pour les riches comme pour les pauvres. Parce qu’elle a été une enfant mal aimée, qu’elle a vécu la misère de parents nourriciers, elle ne se reconnaît pas dans ce monde bourgeois où elle s’est laissé entraîner, et c’est peut-être là qu’il faut chercher le vrai sens de ce dialogue intérieur qui ramène à la conscience du lecteur ce qu’Emma n’a sans doute pas toujours su dire.

La mort de la fille de Minette aurait été le déclencheur de ce que les autres voient comme une folie. Bien sûr le docteur Marcelin dit qu’elle était déjà folle avant, mais c’est comme si c’était à ce moment-là que cette folie avait vraiment pris corps. Quand elle avait perdu celle dont elle dit Plutôt que de voir mes ahuris de gosses de riches, j’aurais bien aimé la revoir un jour. La pauvrette !!

Parce que cette enfant n’était pas passé du côté des bourgeois, tout comme sa mère, Minette, qui méprise la langue, qui a fait le trottoir, qui fait la femme de ménage, pour tout dire tout comme cette soeur de lait, ce double, qui refuse de se laisser piéger par la bonne société qui n’a pas besoin de ça, elle, qui n’a pas eu de papa ni de maman capables de vous avoir abandonnée et capables de vous dire que vous êtes laide.

Il faut sans doute voir dans ce personnage d’Emma – Emma, ça ne vous dit rien ? - cette ambiguïté d’une femme qui est partagée entre un désir de reconnaissance - de bourgoisie - et un refus d’intégrer la société des gens "bien" qui sont si souvent du côté du pouvoir, même si en principe une agrégée n’épouse pas un avocat comme le dit Emma.

J’ai essayé de lire ce livre au-delà de l’argument qui fait bien sûr penser à la maladie d’Alzheimer, parce que je crois qu’il ne s’agit là que d’une vitrine pour dire autre chose, que comme le dit le médecin à Victor, l’époux infidèle : Cette fuite dans la petite enfance, elle la programme. Elle vous nargue. Il y a un bénéfice secondaire à cette maladie et l’auteur a trouvé là, elle aussi, un moyen de dire quelque chose qui n’a sans doute pas grand-chose à voir avec la maladie de son personnage.



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