Dans l’île de Francis Krembel

Recueil de poèmes publié aux Editions Gros textes par l’association Rions de Soleil

lundi 15 juin 2009 par Françoise Urban-Menninger

Francis Krembel écrit dans un jardin au bord de la Loire. Il y écrit comme il y jardine avec des mots qui cherchent leur racine au fond de l’être :"Ecrire, planté, arbre dans la durée".

Les saisons scandent cette écriture et réveillent les souvenirs d’enfance enfouis dans la mémoire. Les images du père et de la mère sont parfois si précises que le poète finit par croire que "le souvenir devient vivant".
L’auteur n’a pas oublié non plus le dialecte alsacien et "son église de la mémoire dans le Sundgau". "La langue", nous dit-il, "est le vrai pays" et c’est dans le langage encore que le fleuve devient "un brouillon d’écriture en rut".

Le poème chez Francis Krembel fait partie intégrante de sa vie. Il est dans les mots mais il procède également d’un art de vivre :"Quelques gestes nécessaires/quelques gestes venus/ du fin fond de la vieille humanité". Jardiner, vivre au rythme des saisons en rêvant, se mettre au diapason de la nature, accorder ses pensées au cours du fleuve, voilà autant de poèmes en train de s’écrire.

Francis Krembel possède le don de s’émerveiller, nul besoin pour lui de réenchanter le monde car le monde est enchantement :’"Lumière d’octobre,/la vie palpite".

Les textes les plus beaux sont les plus nus, les plus dépouillés et nous parlent des choses les plus simples :"Un voisin tronçonne, élague,/feu de branches et de saison/corbeaux en escadrilles".

L’autodérision n’est jamais loin comme si l’auteur doutait de la légitimité de son aptitude au bonheur :"poète petit bourgeois pâle/ta quiétude n’est-elle pas indécente ?".

Derrière toutes les interrogations, Francis Krembel trouve sa plénitude dans cette beauté du monde avec laquelle il ne fait plus qu’un lorsqu’il l’appréhende et qui devient alors "l’écrin de verdure où l’on réside pour seule patrie".

Le poème devient à son tour un écrin qui tente de préserver ces instants de grâce fugaces.

Mais la fêlure n’est jamais loin, car n’est-il pas paradoxal, voire indécent d’écrire de la poésie dans un monde où "la Chine fusille ses mutins ?".
Francis Krembel d’une certaine manière répond à ces questions, car qu’adviendrait-il de l’équilibre du monde sans ce dernier espace de liberté, sans cette île d’écriture qui a nom poésie ?

"Ecrire l’été c’est bois stocké pour un feu futur dont on est sûr qu’il flambera", écrit-il. Lire "Dans l’île", c’est bois stocké pour brûler notre angoisse et se réchauffer l’âme auprès d’un feu de joie où les flammes sont des mots qui nous éclairent.

Françoise Urban-Menninger

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