Innocents (The Dreamers)

de Bernardo Bertolucci

mardi 16 décembre 2003 par Bigcat

Ce film qui divise la critique ne semble pas faire courir les foules, en dépit de son accroche racoleuse (« Mai 68 façon 69 »). Bertolucci, qui accumule les échecs depuis quinze ans, cherche à renouer avec le triptyque sexe, cinéphilie et politique qui a fait sa gloire.

Lorsqu’on aime le 7ème art, il est difficile de ne pas être ému par les scènes initiales à la Cinémathèque, qui mêlent images d’archives et reconstitution et jouent sur la nostalgie de la Nouvelle Vague, grâce notamment à la présence de Jean-Pierre Léaud. Rapidement, le récit nous conduit dans un immense appartement haussmannien (meublé et décoré dans un registre « bobo » avant la lettre), et, après une scène de repas où apparaît Robin Renucci en poète germanopratin, anglophone et friqué (!), évolue vers un huis-clos claustrophobique et sexuel, qui évoque évidemment « Le dernier tango à Paris », en plus ludique et plus infantile. Heureusement, la fluidité de la mise en scène permet d’avaler les couleuvres du scénario.

Voyeur (ou carrément vieux cochon ?) Bertolucci déshabille complaisamment ses jeunes acteurs et fait un peu le trottoir. Face à Michael Pitt, bel ange blond qui incarne l’ingénuité américaine, le très intense Louis Garrel (sosie de son père, le cinéaste Philippe Garrel) et la sublissime Eva Green (qui ne ressemble pas du tout à sa mère, Marlène Jobert), sont tous deux étonnants en jumeaux à la relation tantôt fusionnelle (et même quasi-incestueuse), tantôt perverse, qui se lancent perpétuellement des défis et entraînent leur nouvel ami dans une forme de triolisme pour le moins ambigu.

Derrière ses aspects régressifs et son côté pipi-caca-vomi qui peut rebuter les âmes sensibles, le film jouit d’une grande richesse thématique et s’avère symboliquement assez fort. Cependant, le propos général est pour le moins confus. Bertolucci semble dénoncer la superficialité des révolutionnaires de salon mais, sur fond de charge de CRS, il clôt le récit sur la chanson de Piaf « Je ne regrette rien ». Un final qui laisse pantois...

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