La Cathédrale d’Olivier Larizza, paru chez Orizons
vendredi 23 avril 2010 par Françoise Urban-Menninger

En 2005 ARTE présente un documentaire sur une cathédrale édifiée à mains nues par un vieil homme à Mejorada del Campo. Aussitôt Olivier Larizza, à la fois fasciné et inspiré, se met à bâtir un texte qui, cinq ans plus tard, est devenu un magnifique ouvrage dont chaque mot ciselé telle une pierre de taille, célèbre un parcours initiatique, une quête de soi qui prend sa source dans la douleur pour s’élever dans la pleine lumière de l’âme.

D’emblée le livre s’ouvre sur l’absence, sur la perte incommensurable d’une mère...Le blanc de la neige se confond avec la couleur des murs de l’hôpital, avec le vide qui emplit de solitude le coeur du fils qui vient d’abréger l’agonie de sa mère et qui décide de fuir, de ne pas même aller à l’enterrement, de ne plus revoir son père...
Son errance l’amène à Madrid où il rencontre par hasard (mais est-ce vraiment le hasard ?) don Fernando Aliaga, un vieil homme marginal, baptisé
le bouffon de Dieu qui, tout seul, édifie une cathédrale avec du matériel de récupération. Illettré, analphabète, l’ermite saura lire à coeur ouvert dans celui du jeune homme. Ce qui rapproche ces deux êtres, c’est la perte de leur mère. Alors que Fernando bâtit une cathédrale extraordinaire, à l’instar des merveilles initiées par le Facteur Cheval ou bien d’autres génies célèbres, méconnus ou oubliés, pour rendre hommage à la mémoire de sa mère, le jeune homme entreprend par le travail de l’écriture de dépasser "son secret" qui le musèle pour renouer avec son père.
Mais pour atteindre cette paix et cette sérénité qui ne sont autres que des variantes du bonheur, il faudra à nos protagonistes franchir plusieurs étapes, voire plusieurs obstacles. L’amour sous la forme d’une jeune femme retrouvée, Nadja, et Gilda, la soeur de Fernando, sont des figures féminines qui confèrent au roman des embellies où gravite l’ombre des visages des mères tant aimées.
Fernando incarne à lui seul le bonheur d’être au monde et de" la joie de faire", on l’entend s’écrier entre les pages : " je me fais advenir" ou encore "comme si je me mettais au monde". Nous avons là, en ce siècle du mal de vivre et en manque de repères, une généreuse leçon de vie qui nous réapprend les données les plus élémentaires et pourtant fondamentales de notre humaine condition. Ainsi, travailler, créer, c’est tout simplement "se sentir à sa place", explique Fernando.
On goûte également aux fruits délectables de deux vertus aujourd’hui considérées comme nocives dans notre société où la lenteur et la patience entrent en totale contradiction avec un univers superficiel où la vitesse et la compétition sont de mise.
Olivier Larizza en quelques chapitres courts, taillés dans le vif de sa sensibilité, nous livre un roman qui se lit d’un seul tenant. Son livre est traversé de clartés poétiques qui nous rappellent celles des rayons relayés par les vitraux des cathédrales, elles viennent comme eux nimber de leur luminescence notre âme et notre esprit.
L’image de la mère disparue, irradie dès les premières lignes :"Ma mère partie bien plus loin que les hirondelles, pour une migration dont on ne retourne jamais..." plane telle une ombre portée sur ce livre qui la prolonge dans chaque page. Et le roman tout entier de devenir un hymne qui l’éternise...
Ce récit splendide finit par opérer comme un baume sur les plaies encore ouvertes après la perte d’un être cher, il nous incite aussi à revenir sur des valeurs aujourd’hui oubliées ou méprisées.
Loin des courants médiatiques et des ouvrages lancés à grand renfort de spots publicitaires, le roman d’Olivier Larizza, et c’est une certitude, érige d’ores et déjà sa flèche de lumière dans notre ciel littéraire encombré de trop de parutions futiles.

Françoise Urban-Menninger



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