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Le moi intime du Piano - la quête d’une identité musicale Pierre Tran, éditions Van de Velde – 2009
vendredi 17 décembre 2010 par Yveline Ciazynski

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J’ai extrait ces quelques lignes qui à elles seules représentent la synthèse du moi intime du piano de Pierre Tran. Peut-être devrions nous ouvrir notre réflexion à cette idée de “moi intime”, peut-être l’élever à la valeur du concept au risque de lui faire perdre son essence, c’est une question ouverte….ou bien au contraire la soustraire à cette tentation, et en conserver la fragilité, en conserver l’éclat, l’éclat de cette pépite d’or que les enfants cherchent dans la rivière, fonction symbolique d’un enseignement de la vie, hors du carcan scolaire, hors de l’enseignement des conservatoires nationaux.

“Le piano en tant qu’élément physique pour ne pas dire biologique, est une preuve manifeste de la techné, selon l’acceptation moderne du mot. Il est le résultat d’un savoir-faire exceptionnel : on ne sait plus très bien où se situe la frontière entre l’art et l’artisanat. Le piano est un corps vivant…
L’homme est le dernier élément de cette composition musicale, de loin le plus difficile à cerner car le plus mouvant et le plus contradictoire…L’homme moderne est un être entièrement conditionné. Il est marqué par une idiosyncrasie dont les racines remontent jusqu’à la nuit des temps. Il est surtout strictement agencé selon son milieu et ses origines, familiales, sociales, culturelles et religieuses ; Il agit et réagit selon des normes inconsciemment intériorisées de puis l’enfance ; En un mot, il n’est pas lui même.
Seule une éducation libre peut mener l’homme vers la liberté intérieure. Il me paraît évident que la manifestation d’un homme idéal est dans l’ordre du possible terrestre. …
l’esprit de cet être que j’ appelle de toutes mes forces est alors en symbiose directe avec le monde éthéré des notes. Son corps se fond à l’unisson du piano dans un langage corporel qui n’appartient à personne d’autre. Son cœur est le réceptacle du feu sacré de la musique. Il est le ciment de la praxis pianistique.”

Cependant le ciment de la praxis qui est ici largement inspiré par la sagesse de Krisnamurti, et son séjour de dix ans à Auroville, ne doit pas masquer une autre question majeure du livre : celle évoquée par le sous-titre : la quête d’une identité musicale, quête qui devient travail de mémoire à la recherche d’un sens à la disparition de son maître Thibaut Sanrame, né en argentine et lié à l’école de Vicenzo Scaramuzza…dont l’énigme de la mort reste entière.

Pierre Tran au-delà du sens de sa filiation musicale, travaille à la reconnaissance de cette école de piano, à son identité propre, sa recherche d’une technique pianistique liée à la production d’un toucher unique donnant un son non percussif, mais aérien, rebondissant dans un sur légato. Pierre Tran dans sa propre recherche sur le poids indirect grâce au travail du coude, se situe dans cette lignée de l’école argentine de Scaramuzza, sans cependant s’enfermer dans la répétition du maître, mais en perpétuant la même passion pour la recherche pianistique.

La rencontre avec ce livre émouvant est un enseignement humain autant que pianistique. J’avoue avoir l’immense chance de pouvoir dialoguer avec ce professeur d’exception, et d’avoir pu à travers des séjours à Lovagny où il réside, m’imprégner de son approche esthétique du son et de son idéal de recherche au service du piano, un pédagogue d’exception me rappelant l’humanisme de Yo Yo Ma.

Yveline Ciazynski

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