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Indignez-vous - S. Hessel
vendredi 31 décembre 2010 par Xavier Lainé

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Indignez-vous !

A propos du petit livre de Stéphane Hessel, aux éditions Indigènes

C'est un petit livre qui ne paie pas de mine, mais écrit par un grand jeune homme de quatre-vingt-treize printemps.

Je dis printemps, car c'est la saison de la jeunesse et de l'espérance.

La sienne, elle a basculé dans le courant du vingtième siècle, avec la guerre et l’oppression nazie, dans un pays que les nantis de l’époque enfonçaient dans la collaboration avec l’ennemi, la compromission, la délation, livrant juifs, tziganes, communistes et résistants de toutes opinions à la solution finale concoctée à Berlin.

Lui, né à Berlin d’un père juif et d’une mère peintre et écrivaine, déjà, avec d’autres, justes parmi les justes, se leva, indigné, et fit ce que sa conscience lui dictait.

Arrêté en 1944, il a connu l’enfer des camps de concentration, après celui de la torture. Menacé de pendaison, il ne doit sa vie qu'à l'échange d'identité avec un Français mort du typhus, dans le camp de Buchenwald.

Il n’a jamais cessé depuis. Participant à la rédaction de la déclaration universelle des droits de l’homme. Il est ensuite ambassadeur de France auprès des Nations Unies.

Il prend la défense des Palestiniens de Gaza, des Rom menacés d'expulsion après le discours de la honte, prononcé par Nicolas Sarkozy pendant l'été 2010. On le trouve aux côtés des sans-papiers, poursuivi devant la justice de ce pays qui ne sait plus ce qu’il fait pour avoir pris leur défense. Il est encore aux côtés des sans domicile fixe.

Il est donc de tous les combats, de toutes les résistances joyeuses et pacifiques, de toutes les insurrections dictées par la conscience.

Il écrit, de la poésie d’abord, « Indignez-vous » ensuite, petite plaquette, publiée par les éditions Indigènes.

Mon libraire préféré n’en avait que quelques exemplaires. J’en achetais un, le lisais, et le rangeais dans ma bibliothèque. Non que le texte n’ait pas soulevé mon enthousiasme, mais je n’imaginais pas qu’il puisse avoir plus d’audience qu’auprès d’une poignée de convaincu, artistes d’une vie méprisés dans un monde qui ne connaît plus que le chiffre.

A la surprise générale, les ventes décollent. Il faut rapidement organiser des réimpressions, sans que cesse le mouvement. Plus de cinq cent mille ouvrages vendus !

Alors, je suis revenu sur ma lecture, intrigué d’une telle envolée. Je me suis interrogé : qu’est-ce qui fait qu’un tel ouvrage, aussi brutalement, rencontre une telle quantité de lecteurs, sans même le soutien médiatique dont quantité d’autres peuvent se prévaloir ?

Ce livre est la preuve, s’il en fallait une, que ce qui manque, en ces derniers jours de la décennie d’un vingt et unième siècle bien mal embringué, ce sont des paroles d’humanité, de compréhension et d’indignation.

« Nous, vétérans des mouvements de la résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l’héritage de la Résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! », écrit-il.

Passant en revue les désespérances du siècle passé, il les met en regard des espérances déçues du début de celui-ci.

Son texte prend appui sur la non-violence et l’insurrection nécessaire des consciences, une fois l’indignation et ses motifs identifiés.

Voilà un texte qui peut rejoindre les grandes odes fondatrices de l’humanité moderne, aux côtés de Martin Luther King, Gandhi ou Mandela.

Un texte fondamental à qui croit encore qu'il serait suicidaire de nous maintenir dans l'indifférence orchestrée par des médias désormais aux ordres des grandes oligarchies financières qui tyrannisent le monde, sacrifient des foules sur l'autel cynique de leurs profits immenses, pendant que la grande majorité de l'humanité crève au-dessous du seuil de pauvreté. Or, c'est cette réalité-là qui, maintenant, crève les yeux de tous, par-delà ce que les médias peuvent en dire. C'est ce monde-là qu'au fond de nous-mêmes nous réprouvons tous, sans toujours savoir comment formuler notre réprobation.

Stéphane Hessel, très simplement vient nous donner la force de dire, par-delà ce qui nous différencie, ce qui au plus profond nous réunit, comme au temps où une poignée d'individus, dans la clandestinité, a pu construire ce qui est devenu par la suite le programme du Conseil National de la Résistance : notre capacité d’indignation, notre devoir de refuser l’inacceptable.

« Aux jeunes, je dis : regardez autour de vous, vous y trouverez les thèmes qui justifient votre indignation […]. Vous trouverez des situations concrètes qui vous amènent à donner cours à une action citoyenne forte. Cherchez et vous trouverez ! »

C’est par cette capacité d’indignation que les résistances peuvent être établies, pacifiques et joyeuses pour faire autre chose de ce XXIème siècle qui entre dans sa deuxième décennie.

Avec Stéphane Hessel, nous pourrons alors dire, avec toute la fraternité nécessaire : « Créer, c’est résister. Résister, c’est créer. »

Xavier Lainé

Manosque, 31 décembre 2010







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Messages

  • Bonjour, je ne crois pas qu’il faut faire des commentaires supplémentaires quant au livre de Stéphane Hessel qui bénéficie à présent d’une audience inespérée. En revanche, je voudrais redire à quel point cet homme est magnifique : les gens de la région sud, cet automne, ont pu l’entendre et le questionner pendant deux jours à la Méjanes d’Aix-en Provence.

    On parle souvent de sa mère qui est l’Helen, ou bien la Jeanne Moreau de "Jules et Jim". Par contre, je crois qu’on ne parle pas assez de son père qui s’appelait Franz Hessel et qui fut un proche ami de Walter Benjamin. J’ai essayé d’évoquer sa tranjectoire sur le lien qui suit

    cordialement, A.P

    Stephan Hessel / Walter Benjamin : Camp des Milles, Marseille et Sanary, derniers jours en France

    • Merci infiniment de cet éclairage sur la vie de Stéphane Hessel.
      Je m’empresse de partager le lien vers la biographie de son père, publiée sur votre site, dans tous mes réseaux.
      Entièrement d’accord avec vous sur l’inutilité de tout commentaire supplémentaire au petit livre de Stéphane Hessel. Je n’avais, en le lisant pas l’idée d’en faire. C’est le succès qu’il a rencontré qui m’a invité à réfléchir aux raisons de ce succès, plus qu’au livre lui-même.
      Sans doute, nos contemporains sont désormais las de la banalité où l’état de la France les enferme. Ils ont besoin de rêve et d’imprévu. Pour y accéder, il faut commencer, peut-être, par l’indignation.
      Cordialement.

  • Après le grand succès d’ HESSEL, la sortie d’un petit livre, aux mêmes éditions Eet cette fois-ci d’une inconnue : LA PRISON RUINÉE par BRIGITTE BRAMI : 40 pages pour 2 euros 85.
    Sylvie Crossman : Brigitte Brami, 46 ans, a passé cinq mois à la maison d’ arrêt des femmes à Fleury-Mérogis. Elle en rapporte ce petit chef d ouvre de pensée et d’ écriture, à contre-courant de tout ce qui s écrit et se dit sur la prison aujourd’ hui, où la littérature retrouve sa force de vérité et d’ engagement.

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