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A propos de Jacques Lacan, Le sinthome
mercredi 14 septembre 2005 par Calciolari

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Jacques Lacan
Le sinthome, Le séminaire livre XXIII, 1975-1976.

Lire Le sinthome trente ans après le séminaire du même nom, tenu par Jacques Lacan en 1975-76, aujourd’hui c’est possible dans le texte établi par Jacques-Alain Miller. Certes, pour les chercheurs les textes des séminaires ont toujours été disponibles dans des éditions pirates. Mais l’édition publique offre l’occasion d’une lecture publique et d’ouvrir le débat au-delà des cercles restreints, qui d’ailleurs néanmoins dans leurs représentations du symptôme constituent un nœud.

En lisant Sigmund Freud et puis pour enseigner sa leçon, Jacques Lacan introduit des nouveaux éléments linguistiques qui tient compte de sa pratique clinique. Tels sont l’imaginaire, le symbolique, le réel. Ces termes non freudiens constituent l’occasion de l’attaque contre Lacan mené par l’association psychanalytique orthodoxe. L’excommunication de Lacan se fait juste après le commencement du séminaire « Les noms du père » du 1962-1963. Lacan ne tiendra plus ce séminaire, bien qu’il sera toujours question de noms du père. Par voie de logique ironique, il arrivera à tenir « Les non-dupes errent ». Et aussi pour la façon d’introduire le symptôme, le séminaire Le sinthome aurait pu avoir pour titre Le Nom-du-Père : « Le père est un symptôme » (19).

Le nœud borroméen, formalisé à trois ronds dans le séminaire de l’année précédente, « R.S.I. », se transforme en nœud borroméen à quatre ronds, sans appel : « Il n’y a aucune réduction radicale du quatrième terme » (41).
Le nœud pour Lacan pose le lien entre les trois registres de l’expérience. Et à partir du refoulement originaire en Freud, la Urverdrängung, et donc aussi par le complexe d’ Œdipe, le quatrième rond vient d’être une autre « bague au doigt » de Lacan : « Poser le lien énigmatique de l’imaginaire, du symbolique et du réel implique ou suppose l’ex-sistence du symptôme » (19). Et la supposition trouve vite la place de la certitude :« Le complexe d’Œdipe est comme tel un symptôme. C’est en tant que le Nom-du-père est aussi le Père du Nom que tout se soutient, ce qui ne rend pas moins nécessaire le symptôme » (22).

« Tout se soutient », telle est la généalogie, où un signifiant représente un sujet par un autre signifiant. Le sujet, c’est-à-dire l’humanisation de dieu, se fait représenter par un signifiant auprès d’un autre signifiant. Les signifiants seraient les délégués supérieurs ou inférieurs du sujet (selon que les signifiants en question soient retenus comme inclus ou exclus, comme normaux ou anormaux...) Et les dieux majeurs ou inférieurs des signifiants sont faits à image et ressemblance du sujet. Tout comme le Lacan de Miller est fait à son image.
Or le signifiant n’est pas institutionnel, donc ni supérieur ni inférieur : la relation ne s’applique pas aux signifiants. Les signifiants ne sont pas généalogiques. Les signifiants procèdent de la relation comme ouverture originaire.

Dans Le sinthome, c’est le quatrième rond qui va tenir de façon borroméenne les autres ronds qui ne sont plus un nœud borroméen, mais trois ronds dites libres. L’exemplum va être celui de James Joyce. Mais Joyce et le nœud borroméen servent à Lacan pour former les psychanalystes. La topologie du nœud borroméen est une fiction didactique de Lacan. Et dans ce sens, Jacques-Alain Miller a raison de l’appelé « un rêve de Lacan ». Il ne faut pas chercher du côté de la topologie (sans exclure de la lire) : « L’abord mathématique du nœud dans la topologie est insuffisante » (42). C’est le cas de parler de topologie lacanienne, où de nodologie lacanienne, comme a fait Alain Cochet.

Si selon Lacan : « Nous avons que ça, l’équivoque, comme arme contre le sinthome » (17), nous essayons également de dire de façon claire les aboutissements de notre lecture de Lacan. D’ailleurs, il y a une clarté dans le texte de Lacan, comme dans le texte de Freud, toujours relevée comme obscurité par le principe de raison suffisante.
Le texte des séminaires de Lacan est celui d’une autre façon d’écrire que celle des Écrits. Et pour ce qui est de l’écrit, il y a justement à lire les textes de Lacan écrits et publiés de son vivant.

Les évangiles sortent de l’oralité de Jésus, qui n’a point laissé une lettre, dans une époque où Aristote avait déjà laissé des écrits considérables. Pourquoi cet exemple ? Prenons-nous Lacan pour le troisième Adam ? Pour l’église lacanienne, oui. Lorsque Lacan fait son retour à Freud, c’est l’église freudienne qui l’attaque. Et nous pourrions dire que seulement le pope du lacanisme pourrait écrire comme le fait Jacques-Alain Miller que Le Sinthome est le séminaire où le « pouvoir d’illecture » dont se targuait Lacan est porté à son comble (243).

Mais la question n’est pas celle de Jean, de Marc, de Mathieu, de Luc. Et néanmoins celle de Pierre et d’autres qui ne sont pas rentrés dans le canon évangélique établi. Les évangélistes sont les archivistes. Comme les autres archivistes qui ont écrit l’Ancien Testament.
Donc, si les Écrits sont dans la mouvance de ce que la Genèse ou le Deutéronome sont pour les évangiles, c’est seulement pour dire qu’il nous reste à lire les uns et les autres, malgré les églises, les chapelles, les sectes, les académies, les congrégations qui voudraient maintenir la maîtrise et le contrôle sur le texte, qui devrait rester invisible, inviolable, intouchable, oui comme la...
Nous remercions Jacques-Alain Miller pour son travail dans l’archive Lacan. Nous lisons aussi l’archive Jacques-Alain Miller. Pas pour peur d’une attaque, puisque nous n’appartenons à aucun groupe ou association. Nous lisons Freud, Lacan, Verdiglione, comme nous lisons Peirce, Cantor, Grothendieck, comme nous lisons Dante, Kafka, Joyce.

Une certaine question que pose Jacques-Alain Miller était aussi posée dans la « secte secrète » de Freud, pour garantir la transmission, c’est-à-dire l’échec : « on ne peut s’empêcher de se demander dans quelle mesure le Séminaire, sous les dehors rassurants d’une exploration rationnelle des propriétés du nœud à des fins psychanalytiques, n’aurait pas été en fait, mais seulement pour certains initiés, le centre spirituel, invisible au vulgaire, que décrit la tradition sous le nom d’Agarttha, qui est le Paradis du présent cycle ésotérique ? » (242). Jacques-Alain Miller est libre de poser cette question et d’y croire, question à laquelle Lacan répond dans le même séminaire : « il n’y a pas d’initiation » (30).

La démarche de Lacan est apparemment labyrinthique, parce qu’il n’y a pas de communication directe, non plus avec les psychanalystes en formation. En fait, elle est très claire, mais elle est la stratégie en acte avec un public qui peut-être n’a pas tort Jacques-Alain Miller à qualifier de « foule à contempler médusés l’homme-énigme ».
C’est très clair l’affirmation de Lacan que l’imaginaire, le symbolique et le réel ont la même consistance, et s’il s’emploie des mois et des années pour le dire, c’est que la difficulté appartient au public.

C’est très clair de dire pour nous qu’il n’y a pas de nom du nom, donc du père du nom. Il n’y a pas de père du père. Et que la fonction du nom est la fonction du père, est la fonction du refoulement. Et donc l’analyse de Jacques Lacan ouvre une piste originaire de l’acte de parole et de sa science, malgré que son discours avec le nom du père revient à croire à la prédestination. C’est bien pour cela que le symptôme est pour Lacan un rond irréductible.
C’est très clair de dire qu’il ne faut pas confondre le symptôme avec son impossible représentation. Mais les généalogies au pouvoir demandent à quel nom, à quel titre disons-nous ça ? Comme ressource nous n’avons que l’équivoque : c’est pour cela qu’il y a un nombre infini de noms du père.

Bien que l’écriture de l’expérience clinique de Jacques Lacan ne soit pas un discours tiré d’un autre discours, comme la plupart de la surestimée philosophie, nous devons lire sa poignée d’axiomes et ses règles déductives, avec l’unique hypothèse qui compte, celle de l’improbable, et donc ni une hypothèse déductive, ni inductive, ni séductive, ni conductive. Charles Sanders Peirce a posé la question, celle d’une hypothèse abductive, même s’il a rêvé d’en saisir la logique, tout en ayant un bout de réel pour répondre, le pragme, qui n’est pas celui du pragmatisme ou du pragmaticisme.

Le texte de Lacan reste à lire. En trente ans de lecture, nous avons la sensation de commencer maintenant à le lire. Il faut dire que nous lisons Lacan aussi avec Lacan. Faut-il expliquer cette formule paradoxale ? Nous ne serions pas en train de lire, par exemple, le texte de Peirce avec tranquillité, sans la leçon de Lacan. Pas de Giancarlo Calciolari sans Jacques Lacan, et nous ne sommes pas lacanien.

Alors, pourquoi sur l’essentiel Lacan a-t-il raison ? Parce que, comme il dit : « Ce qui s’impose du symptôme est la vérité (22) » ? Oui, malgré ce qui s’impose du symptôme soit le symbole et non la vérité. Mais dans le sens que nous pourrions comprendre très bien le texte de Lacan comme fait chaque lacanien, ou nous pourrions aussi écrire une très belle grundlogik comme fait chaque philosophe, et comme a essayé aussi Peirce. Et rester en proie à la représentation du symptôme. Le cas des génies tels que Peirce, Cantor, Gödel, Nash, ou Reich, Tausk et... Freud, Lacan, si nous osons lire leur cancer. Était-il un sinthome ou un symptôme ? Justement, le titre du séminaire. C’est la façon de Lacan de souligner qu’il faut entendre résonner le signifiant ? C’est une provocation pour les sourds, qui comprennent toujours le même sens dans le mot « symptôme ». Et justement, Le sinthome est un livre aussi pour les sourds.



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