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Misère de la prospérité
dimanche 26 février 2006 par Daniel Gerardin

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Pascal BRUCKNER
Pascal BRUCKNER



« Misère de la prospérité »

« La religion marchande et ses ennemis » 

 

 

 

Essayiste et romancier français, Pascal BRUCKNER est né à Paris le 15 décembre 1948. Il est professeur et a enseigné  à l’étranger et à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Il collabore depuis 1987 au « Nouvel Observateur ».

            Il a obtenu le prix Médicis en 1995 pour son essai « La Tentation de l’innocence » et le prix Renaudot en 1997 pour un roman « Les voleurs de beauté ».

            Dans son essai « Misère de la prospérité » ( Ed. Grasset 2002 ), il dénonce les excès du capitalisme et de l’économisme.

 

                                                                       *****

Pascal Bruckner part du constat actuel d’une « débâcle générale des croyances et des idéologies », phénomène lié à l’implosion du bloc soviétique.

            Une seule croyance résiste : l’économie, qui tend à devenir la dernière spiritualité du monde développé, en déployant la ferveur d’un culte, « religion austère prospérant sur la ruine des totalitarismes et qui ambitionne de reconstruire l’intégralité des sociétés humaines, de se hisser au rang de principe général d’action ».

            Après 1989, en effet, le capitalisme arborait  « les traits du vainqueur radieux et prétendait, conjointement avec les Droits de l’homme, de répandre partout ses bienfaits et d’élever la planète à un niveau de civilisation inégalé ».

 

            Cette prétention n’a pas tenu ses promesses : l’économie de marché permet de produire des biens mais sans finalité humaine, sans répartition équitable

des richesses. La prospérité n’est pas égale pour tous et les exclus sont en nombre croissant.

            La Banque mondiale dénombre 600 millions d’individus sans domicile fixe; 20% des six milliards d’habitants sur terre subsistent avec moins d’un dollar par jour; le revenu moyen en Afrique a chuté considérablement depuis 1960. Aux USA, les 2,7 millions d’américains les plus fortunés possèdent autant que les 100 millions les plus pauvres; l’échelle des rémunérations oscille de 1 à 150, alors que l’écart tolérable serait de 1 à 20.

            La prépondérance nouvelle des marchés financiers et d’un capitalisme patrimonial où les actionnaires font la loi au détriment des salariés expliquent la stagnation des revenus  du travail « comme si tous les acquis postérieurs à la seconde guerre mondiale avaient été gommés au profit d’une société plus froide, hostile aux faibles et souriante aux nantis ».

 

            Pascal Bruckner appelle « économisme » cette déviation du capitalisme : « Ce n’est pas du capitalisme qu’il faut sortir, mais de l’économisme. De la glorification, par tous les camps, d’une discipline qui prétend régir la société entière, nous transformer en hamsters laborieux réduits au simple rôle de producteurs, consommateurs ou actionnaires.

             Remettre les activités marchandes à leur place, retrouver la place de ce qui n’est pas marchand : il en va tout simplement du sens de nos  vies ».                                      

 

            Ce capitalisme dur, qui promet néanmoins la prospérité pour tous, se met en danger s’il est incapable de tenir ses promesses. Or l’objectif est avant tout de rentabiliser le capital productif et financier, en se servant trop souvent des ressources humaines comme « variable d’ajustement ».

            En outre, beaucoup de capitalistes ne croient pas au libéralisme et cherchent à se mettre à l’abri de la concurrence : « derrière l’affirmation du libéralisme, se dissimulent de véritables stratégies de corporatisme et de féodalisme appuyées sur le retour à l’Etat ».

            Le gouvernement des entreprises n’a de libéral que le nom; les riches s’abritent derrière le protectionnisme et laissent le risque pour les pauvres.

            L’individualisme actuel nous incite à croire que l’économie peut nous enrichir matériellement et contribuer à notre épanouissement; la foi en l’économisme ( qui gagne les pays d’Asie ) tend à se substituer aux anciennes croyances du communisme ou du socialisme. Mais le jeu s’est perverti car l’économie est devenue une fin en soi et non un moyen.  

            Cette situation conduit à un sentiment d’insécurité générale  et les mouvements contestataires d’anti-mondialisation (« l’esthétique de la révolte ») ne présentent aucune solution radicale, se contentant d’un aménagement du système.

 

                                                                  *****                 

            Emile Zola, dans son roman L’Argent publié en 1891, met en scène le monde la Bourse avec ses héros, ses escrocs et ses victimes. Pour lui, l’argent est « ce fumier sur lequel poussent les fleurs de la civilisation ».. Pascal Bruckner énonce à propos de l’argent :

« Pour  ses adorateurs, l’argent n’est pas seulement un mal qui fait du bien et un bien qui fait du mal; il est aussi une consolation merveilleuse. Tant qu’on s’occupe à le gagner, à le garder, à le gâcher, il absorbe toute l’énergie, se suffit à lui-même, donne un sens parfait à la vie… Il est une force spirituelle, le seul rival de Dieu, capable comme lui d’embrasser la multiplicité du monde dans son unité, de ne mettre aucune borne à son expansion ».

 

                                                                   *****

            Pascal Bruckner expose ses réflexions, dans des chapitres aux intitulés percutants , sur cette nouvelle « religion marchande » : le nouveau messianisme commercial, l’orgie mercantile et ses beautés, la gloutonnerie du Bien, Enfants gâtés, enfants dégoûtés ... 

            Il dénonce le pouvoir pervers de la télévision : « La télévision est porteuse d’une très grande capacité séductrice : elle porte le modèle romain « Du pain et des jeux » sur le plan quotidien. C’est probablement le plus génial vecteur de divertissement que l’humanité ait jamais inventé pour échapper au pur métier de vivre ! ».

 

            Selon lui, une société moderne ne peut être dirigée par la seule approche économique; il n’y a aucun lien de cause à effet entre l’économie de marché et la démocratie; la résolution des problèmes du monde relève  du politique et de la société civile :

            « Les hommes sont des individus qui aiment, qui souffrent et cela ne saurait être rendu par le seul marché économique. L’économie ne peut pas supporter le monde entier. L’économie n’est ni la matrice, ni le principe fondateur de l’humanité ».

            Il convient donc de laisser à l’économie le soin de produire en grande quantité des biens destinés à tous : « Le monde actuel est en dérive, sans boussole. Et le tort est d’avoir voulu confier la boussole au marché . Il faut se soustraire à la mythologie bornée du capitalisme, faire en sorte que l’économie cesse d’être un destin, une fatalité, pour n’être qu’un instrument au service des hommes ».                                                           



D. GERARDIN

 

                             *****



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