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Essai sur la bêtise, de Michel Adam

Le dernier moraliste

dimanche 7 septembre 2008 par Sébastien Robert

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Le dernier moraliste
Michel Adam, disparu en 2007, fut l’héritier d’une longue tradition philosophique, représentée au siècle dernier par Bachelard, Gouhier, Lavelle, Moreau et Jankélévitch. Tous furent ses professeurs, et la pensée de Michel Adam témoigne de l’influence de ces philosophes par sa rigueur et sa subtilité. Métaphysicien mais surtout moraliste, Adam sait mieux que quiconque produire de fines analyses psychomorales.

Le spiritualisme réflexif de Michel Adam se déploie autour d’un questionnement sur les conduites humaines négatives : le péché, la colomnie, la méchanceté et la sottise, ont été ses sujets de prédilection. Mais ce sont ses analyses sur la bêtise qui feront de nouveau la joie des lecteurs, avec cette nouvelle édition de son "Essai sur la bêtise", publié pour la première fois en 1975 aux Presses Universitaires de France. Cette nouvelle édition est augmentée de deux articles sur la bêtise et la méchanceté ainsi que sur la sottise et l’imagination.

"L’activité de l’esprit ne connaît ni mesure ni limite". Telle est la première phrase de l’avant-propos de 2004. Le ton est donné, et il s’agit de montrer qu’une analyse de la bêtise, ne peut se concevoir qu’en opposition à une conception dynamique et vivante de l’esprit. La bêtise se caractérise dans ses grands traits par une "balourdise", un engourdissement de la réflexion : une passivité. L’autosatisfaction semble être, pour Adam, une des marques premières de la bêtise, symbole d’un "esprit qui ne veut pas souffler". Au contraire, "l’esprit doit être léger devant le réel, et laisser pénétrer ce qui peut l’instruire. La véritable intelligence ne s’arrête pas au jugement qu’autrui nous impose ; il faut plus de légèreté que cela. De la même façon, un jugement abrupt marque un esprit limité." Contrairement à ce relachement de l’esprit, la raison se caractérise par une capacité critique, et un pouvoir de médiateté, telle que Lalande, dans "La raison et les normes" (1948), pouvait la définir.

Ainsi, c’est à partir de cette distance entre le réel et le moi, que la vie morale et possible. En bon rationaliste, dans la lignée des analyses morales de Rauh et de Le Senne, Adam montrera, notamment dans "Morale à contretemps" (1998), que la morale prend naissance et se fortifie dans et par l’expérience de la contradiction.

Cet admirable "Essai sur la bêtise", loin d’être une simple critique facile ou un plaidoyer pour la raison, dégage les implications psychologiques, sociales, métaphysiques et morales d’une prétendue balourdise que les têtes vides ou pleines peuvent également partager.

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Messages

  • Le spiritualisme réflexif:I’expression est heureuse,mais hélas je ne vois pas du tout ce qu’elle veut dire.Pouvez-vous éclairer ma lanterne ?

    • Je vais peut-être rapidement éclairer votre lanterne : le spiritualisme est une grande famille mais ses membres s’entendent au moins sur un point fondamental : il y a de l’esprit, et ce dernier prime sur la matière en tant qu’il la spiritualise pour la comprendre : il lui donne une signification, une valeur. Dans cette famille on reconnaît d’abord les spiritualistes idéalistes pour qui, le réel se conquiert par l’idée : Kant mais surtout Hegel, pour qui la conscience de soi n’est qu’un moment dans l’Histoire de l’Esprit.
      Et je distingue des premiers les spiritualistes réflexifs, pour qui la conscience n’est pas un moment de l’Esprit mais bien le seul point d’ancrage. Aimé Forest est celui qui d’après moi a le mieux défini cette tradition réflexive de Descartes à Nabert (et au-delà) : "la réflexion est une attitude que nous opposons à la spontanéité de la vie ; elle suppose en effet une forme de loisir et de détachement, un oubli des intérêts immédiats, et de ce que l’on a nommé "l’urgence vitale". La vie ne cherche pas toujours à se connaître elle-même ; la réflexion est un effort pour revenir à soi et se posséder." (Consentement et création, 1943,p.96)
      Il n’est pas étonnant d’ailleurs, de voir Lavelle réintroduire après Bergson, la nécessité de l’analyse, que l’auteur de Matière et mémoire refusait. Le spiritualisme réflexif ou intellectualiste, comme on voudra, n’est ni plus ni moins que le produit du cartésianisme et d’un attachement au moi, que je revendique aussi, pour ma part.

  • "Ce qu’il y a de plus facile et de plus usuel, c’est de juger ; ce qu’il y a de plus malaisé et de plus rare, c’est de bien juger." (H.F. Amiel)
    Il y a des personnes pour qui la bêtise chez les autres est un bon sujet de livre, mais quand on écrit des critiques dans des périodiques de renom comme par exemple la Revue Philosophique, il vaut mieux faire attention à ne pas dire de bêtises...

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