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Le Voyage au bout de la nuit - L-F Céline
vendredi 8 janvier 2010 par Tarrou

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Quel livre ! Unique !

Je préfère pas m’imaginer la tête des " biens pensants " qui sont tombés sur ce livre en 1932 !. Raides !. Tétanisés !…La langue pendante et les yeux hors des orbites !…

" Le Voyage ", c’est tout !… Sublime !. C’est Louis Ferdinand !…
Que des murs, dans un monde d’horreurs, de méchancetés, fourberies, menteries, lâchetés, vomissures, raclures et des pires encore !… Et notre Ferdinand qui navigue, tant bien que mal, plutôt mal que bien ! Pour la première et dernière fois (à ma connaissance) Louis Ferdinand se fait appeler Bardamu. C’est lui le héros de toute cette aventure !… Lui, Ferdinand Bardamu, pauvre cloche, chair à canon de quatrième classe, perdant à la loterie de la vie déjà avant que d’être né !.

À la guerre, " la grande " comme on dit, qu’était encore plus horrible que la suivante pour le couillon troupier, Ferdinand ne donne pas " l’ombre de la queue d’un " quant à ses chances de garder sa peau. Autour de lui ce sont que des chairs qui volent et des hurlements qui atteignent les mamans depuis la Somme jusqu’à Marseille !… S’ils en pleurent pas, les hommes, c’est que le temps manque et s’ils cavalent pas, fusil aux orties, c’est que les galonnés sont là, prêts à fusiller…. Ils en manquent de la chair à canon, n’en ont jamais assez !.

" On ne pouvait pas éviter tout. Depuis ce temps-là, je sais ce que doivent éprouver les lapins en garenne.", qu’il nous dit Ferdinand ! Il pense qu’à tenter de se débiner, mais très risqué, ou de se faire faire prisonnier, moins risqué. Il y pensait juste, qu’il tombe, dans un village paumé, sur son mauvais ange, Léon Robinson. La même idée qu’il avait celui-là, mais l’occasion est manquée. Et l’horreur continue, même qu’il est nommé caporal, notre Ferdinand. Son moral est tellement haut qu’il nous dit, tout sec : " Invoquer sa postérité, c’est faire un discours aux asticots. ". Voyez comme il a le moral, notre Ferdinand. La Patrie et haut les cœurs, baïonnette au canon, une pensée pour les cons qu’il se dit !…

Enfin, le voilà blessé et retour à Paris !. Là il rencontre une jeune Américaine, engagée volontaire dans la Croix-Rouge avec qui il pourra longtemps et bien, très bien, " jouer au derrière " comme il appelle ça. Mais ça peut pas durer… Un soir, dans un restaurant avec elle, Ferdinand est pris d’hallucinations… Il voit plus que des ennemis aux tables d’en face, et lui de se lever et de faire mine de tirer sur tout le monde, avec le bruit des rafales et tout !… Au fou ! Qu’ils crient tous. Mais rien n’arrête Ferdinand !. Infirmiers et hôpital, direct chez les fous ! Là, s’agit pas de se faire prendre comme simulateur, sinon peloton vite fait ou retour boucherie, premières lignes, trépas garantis !… Ah ! Comme il va nous le raconter son hôpital, avec beau docteur, belles infirmières, discours patriotiques et tout et tout.

Ce ne sont pas les visites de sa mère qui lui relèveront le moral, ni ses discours. Pour elle, les pauvres (elle et lui, entre autres), " Ils avaient dû faire des sottises, sans s’en rendre compte, bien sûr, mais tout de même ils étaient coupables et c’était déjà bien gentil qu’on leur donne ainsi, en souffrant, l’occasion d’expier leurs indignités… C’était une " intouchable " ma mère. "

Ferdinand sort de l’hôpital et nous le retrouvons naviguant sur un vieux rafiot vers l’Afrique, pour laquelle il s’était engagé. On n’y meurt pas aussi sûrement, aussi vite, mais c’est pas beaucoup mieux quand même !…D’ailleurs, qu’attendre de l’homme ?. Cette bête méchante et stupide ?. " Quand la haine des hommes ne comporte aucun risque, leur bêtise est vite convaincue, les motifs viennent tout seuls. " Au fin bout du fond de la " civilisation " Ferdinand retrouvera Léon Robinson, mais qui l’abandonnera aussi sec. Lui aussi mettra les bouts et prendra un bateau espagnol pour fuir.

Un matin, face à lui, New York !… Pas couchée, ouverte, comme nos villes à nous, non : " . celle-là, l’Américaine, elle ne se pâmait pas, non, elle se tenait bien raide, là, pas baisante du tout, raide à faire peur. ". Il y entrera et connaîtra les rues grouillantes de gens courant partout et nulle part, mais pressés. Il y crève de faim, verra les w.c. publics (à se tordre de rire), les hôtels minables, vue et son sur métro aérien. Il retrouvera son infirmière de la Croix-Rouge qui lui donnera quelques dollars et, surtout, toutes ces belles Américaines qui font qu’il peut pas ne pas penser " au derrière ", Ferdinand.

Une tentative comme ouvrier chez Ford puis il rencontre Molly. Une brave putain qui l’aimera et lui donnera du bel argent de son dur labeur pour qu’il puisse mieux vivre. A peine s’il se retrouvait pas mac, notre Ferdinand ! Une fois de plus il tombera sur Léon Robinson… Un grand passage du livre, l’Amérique !.

Retour Paris et il fait ses études de médecine. Celles-là finies, il s’installe toubib dans la gaie banlieue parisienne, Rancy…Il y crèvera la dalle, car trop de toubibs, il est pas assez cher, on le croit mauvais, on ne le paie pas… Juste bon pour les avortements clandestins, des belles qui font ça tous les deux ans, et toutes les autres petites cachotteries humaines, pas mieux les unes que les autres. Un détour par Toulouse (la scène de la pâtisserie et la constipation, drôle !) et le voilà de retour à Paris, plus jamais Rancy, mais cinéma Tarapout et figurations sur scène pour survivre. Ha !.Et l’abbé Protiste qui partagera avec Ferdinand les trois mille francs, prix de leur silence pour un meurtre connu d’eux !…Pas triste non plus, celle-là !… Un peu " de derrière " avec une belle polonaise et il est engagé dans un asile de fous. Robinson viendra une fois de plus l’y retrouver, mais ce sera la dernière fois car il se fera assassiner par sa belle, dans les bras de Ferdinand.

Dans " Le Voyage " Louis Ferdinand hurle la souffrance de la guerre, la méchanceté des hommes, l’hypocrisie bourgeoise et le sort ignoble des pauvres. Il dit " En tue-t-on assez des pauvres ? C’est pas sûr. C’est une question ? Peut-être faudrait-il égorger tous ceux qui ne comprennent pas ? Et qu’il en naisse d’autres, des nouveaux pauvres et toujours ainsi jusqu’à ce qu’il en vienne qui saisissent bien la plaisanterie, toute la plaisanterie. Comme on fauche les pelouses, jusqu’au moment où l’herbe est vraiment la bonne, la tendre. "

Dans ce premier livre, Louis Ferdinand ne joue pas encore avec les points d’exclamations trois points, comme il le fera par la suite. Il se limite à tordre un rien la syntaxe pour donner un rythme à sa phrase qui lui plaît davantage, à inventer des mots qui pour lui sonnent mieux, comme " rouspignolles ", " un agonique " et bien d’autres…

A peine son bouquin sorti, que Céline déclenche, bien involontairement, son premier scandale. Toute la presse et les milieux " autorisés " sont fermement convaincus que le Goncourt 1932 c’est lui. Et bien non !. Ce sera un illustre inconnu et lui, il devra se contenter du Renaudot. Il n’empêche : aujourd’hui plus personne ne sait quel est le nom du gagnant de cette année-là, mais tout le monde sait que Louis Ferdinand, avec Proust, est considéré comme le plus grand auteur français du XXe siècle !…
J’ai été long, je sais ! J’ai tenté plus court, mais avec Louis Ferdinand, je peux pas !. Je m’emballe !. Je m’emballe !. Déjà que c’est comme si j’avais rien dit !.



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Messages

  • Comme quoi Céline est encore bien lu de nos jours malgré certaines mauvaises langues !! C’est un réel plaisir de trouver de nouveaux céliniens (qui le lisent pour autre chose que ses idées "politiques"). Bonne continuation.

    Voir en ligne : Céline

  • Bonjour,
    Si vous souhaitiez voir Céline en vertical...

    "Nuit d’Amérique"

    (d’après les chapitres américains du "Voyage au bout de la nuit" de L. F. Céline)

    Théâtre du temps, 9 rue du Morvan, Paris. Métro Voltaire.

    Du 17 au 28 février 2010.
    20h30 / 17h dimanche.

    Synopsis : Bardamu débarque pauvre et fiévreux au pays du travail à la chaîne et du dieu Dollar.

    Version scénique / Mise en scène : Julien Bal
    Avec : Guillaume Paulette (Bardamu)
    Valentina Sanges (Molly)
    Giulio Serafini (Le groom, le joueur de Base Ball qui danse au bordel)
    Julien Ratel (Flora, l’infirmier, Bébert le chanteur)
    Renaud Amalbert (Pierrot le fou)
    David Augerot (Marcel, Robinson, le facteur de Meudon)
    Lumières : Renaud Amalbert
    décor : Lightcorner

    Informations : chromoscompagnie ( at ) yahoo.fr
    01 43 55 10 88

    Notes de mise en scène, extrait :

    ... Pour raconter la coulée de Bardamu aux US, nous refusions d’emblée tout théâtre de narration, du souvenir par la voix, du sommeil. Nous voulions faire de ce texte du désarroi un théâtre de la joie et du nerf. Il fallait alors injecter dans les dialogues certains passages narratifs, faire de ce roman une suite d’échanges, traduire ces chapitres en théâtre. Si toute traduction est une négociation serrée entre l’oeuvre de départ et la langue d’atterrissage, nous avons joué de cet espace trouble qui parfois s’annule, parfois s’étend, entre le Bardamu secret de l’oeuvre et le Bardamu qui sait dire dans l’instant ce qu’il ressent du monde.

    De cet effort est né notre second spectacle Célinien (Après les "Entretiens avec le Professeur Y." en 2007) "Nuit d’Amérique".
    Une troisième version scénique, dans un an, fermera ce cycle "New-York, Detroit, Meudon" par des instants d’ "Un Château l’autre".

    Ici, en cette "Nuit d’Amérique", des figures perturbent le parcours de Bardamu (Molly, Pierrot, Robinson, Marcel et Flora (l’Eglise), Lola, L’infirmier, le groom, le joueur de Base Ball).
    La nuit, les fantômes rendent hommage au "rien du tout de derrière le ciel" et Molly console Bardamu qui fuira un dimanche (un gloomy sunday).
    Nous le retrouvons, le Ferdine, pour finir, à Meudon, en 1950, au lendemain du décès de Madame Bérenge. Et puis voilà. Et puis tant pis...

    Voir en ligne : Nuit d’Amérique

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