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La langue et son espace

20 mars 2005, 08:42, par strap

Voici, donc : LA LANGUE ET SON ESPACE

Essai sur l’emballage et la signalétique dans les “ Eventails “ de Stéphane Mallarmé.

Mallarmé le dit lui même, son écriture a pour but d’ “ avérer qu’on est bien là où on doit être“. Et on peut entendre ici le verbe devoir dans son sens d’incertitude, comme dans “ il doit être là “, c’est-à-dire qu’on n’en sait rien, que ce n’est qu’une événtualité. Ainisi ce trouble qui envahit la présence est un trait typiquement mallarméen.

Donc nous prendrons immédiatement deux exemples qui permettront de se faire une idée de la démarche entreprise.
Tout d’abord, ce quatrain IV :
Simple, tendre, aux prés se mêlant
Ce que tout buissson a de laine
Quand a passé le tropupeau blanc
Semble l’âme de Madeleine.

Notons, tout d’abord, que le système ici employé, comme partout chez Mallarmé, est celui de la rime équivoquée, qui tourne au jeu de mots et au calembour. Et ce système de l’allitération généralisée produit au moins ceci comme effet, à la fois, que le sens des mots s’en trouve altéré, et que nous avons le sentiment, en le lisant, en se le prononçant, de ne plus nous y retrouver, les mots semblant habités réciproquement, par les fantômes, les reflets des uns les autres. Mallarmé poussera cette logique qui, en enfermant toujours plus de rappels sonores dans les mots, produira une intensité d’énergie folle. Il y a bien de l’impensable dans la rime -camembour qui semble se heurter à notre résistance intérieure qui semble refuser ce bousculement.
Mais pourquoi faut-il étudier la façon dont l’espace est articulé dans ce quatrain ? Et comment peut-on parler de signalétique ? Tout d’abord l’espace décrit - une sorte de mignardise, très dix-huitième siècle - se donne comme le reflet de l’âme de cette “ Madeleine “ . Et cette âme ( qui se trouve être contenue, en miroir dans le nom de “ Madeleine “ ), cette âme, donc, va se trouver être pulvérisée, émiettée, dilacérée par le quatrain-éventail.
Ici, le paysage ( l’espace, donc ) est pris dans un processus d’enfermementt. Le “ troupeau blanc “ a laissé ses flocons sur son “ passage “, semblant ainsi construire une limite, qui se dépose sur le “ buisson “ . L’espace se trouve bien ainsi délimité, marqué, balisé, et, on peut le dire, signalisé, même si c’est d’une manière poétique. Le passage du “ troupeau “ est ainsi délimité, et circonscrit, c’est-àdire que sa forme est conservée, à l’horizon du quatrain. Ce qui devient pensable, du même coup, est une régime signalétique grâce auquel l’espace en vient à se soustraire, et à ne plus conserver de l’événement que son contour. Il ne reste que les trace du “ passage “ du “ troupeau “, son souvenir, sa trace-fantôme. Du même coup, c’est tout l’horizon perceptible qui en vient à se boucher, s’encombrer, se baliser, se signaliser. 1 Ainsi on constate que c’est bien le nom de “ Madeleine “ qui vient remplir la rime-calembour, et s’affirme comme le résultat final, la limite du quatrain.
Ainsi toute l’énergie du quatrain est bouclée, verrouillée et enfermée dans le nom de la destinatrice, toutes les sonorités de son nom ( à part l’initial ) se retrouvant dans la rime “ a de laine “. De fait le nom emmagasine, et enferme tout ce qui peut l’être.
Ainsi, l’horizon se trouve bien bouché.

De fait, c’est à pârtir d’“ Hérodiade “ que la poésie de Mallarmé n’a plus eu comme sujet qu’elle-même. Nous allons voir que ce poème, comme les autres est allégorique de luji-même. En effet, le quatrain réalise, concrètement, dans ses mots, ce qu’il raconte. Le récit, c’est que la “ laine “ reste accrochée aux branche du “ buisson “. De fait le buisson-poème garde, suspendus à ses extrémités ( ses rimes ) des lambeaux du nom de “ Madeleine “. De mêm, le verbe “ se mêlant “ est bien, de lui-même, un mélange, dans ses sonorités, du nom de “ Madeleine “ ( rappel des sonorités ( m ), ( è ), et ( l ). Ainsi ce qui en vient à passer, à transhumer à travers le quatrain, ce “ troupeau blanc “, ce sont bien les rappels allitératifs, en tant qu’ils ne font que renvoyer à cette identité, vidée d’elle-même de cette “ Madeleine “.
De cette façon l’âme de “ Madeleine “ est bien aspirée dans un vertige causé par ces mots qui se répondent entre eux. Le nom devient, de lui-même, l’espace entier à l’intérieur duquel le quatrain peut exister, et subsister. Il ne fait qu’en signaler/signaliser l’extrémité. Il est ce par quoi le sujet s’inscrit dans la langue.
Ainsi, le poème qui raconte cette impasse, et ne se donne à imaginer que lui-même, ne fait que s’ériger en une sorte de signal qui indique un territoire ( celui de la fiction ), le borne et en interdit, en fait, l’accès ( en effet, les mots n’ont pas le droit de fusionner, ou alors ce serait la mort du système. )

Le travail de Mallarmé consiste à poser et à ériger des limites, et à remplir totalement l’espace ainsi délimité. On trouve dans “ Chansons bas “ un poème intitulé “ Le cantonnier “.
Ces cailloux tu les nivelles
Et c’est comme troubadour
Un cube aussi de cervelles
Qu’il me faut ouvrir par jour.
Ici, le travail est bien de baliser, de délimiter, de signaliser un chemin qu’il faut ouvrir. Mais le “ cantonnier “ est cantonné à son tas de cailloux, c’est son seul horizon. L’action que se prête le poète, à savoir “ ouvrir “ un cube de cervelles fait disparaître l’intérieur et l’extérieur, dans la mesure où dans chaque morceau il restera toujours quelque chose à ‘intérieur.
Ainsi, comme il est dit dans “ Le coup de dés “ , “ Rien n’aura eu lieu que le lieu. “ Le “ Lieu “ qui n’a pas de lieu, c’est celui de la fiction.2 Mallarmé était déjà postmoderne ! L’expression citée se phagocyte elle-même. Le ‘ Lieu “ est dans l’usurpation de sa propre identité par rapport à lui-même. L’espace en question n’a plus d’extérieur3 . Les poèmes ne sont plus que les rares balises qui indiquent que ce territoire de la fiction sera désormais interdit.

Thank you for attention ! bye !

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