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en réponse à Caplife

7 juin 2005, 20:06, par Monsieur Mélancolie

Je ne veux pas vous cacher l’agrément que m’a procuré votre intervention. J’avais, pour ma part, posé la mienne avec l’âme triste du naufragé qui, sans y croire, lance à l’eau, dans une bouteille joufflue, un message où sous la latitude et la longitude figure une brève formule née d’un ardent désir de survie (une chose du genre : « SOS, soyez sympa, venez me chercher fissa, cette île est bourrée de crabes rouges, merci »). Mais je n’espérais pas que l’on vienne mettre fin à ma solitude. Merci donc.

Je vous donne raison sur toute la ligne, jusqu’à votre façon de voir les éditeurs (formidable), même si j’imagine que l’on peut en trouver, parfois, dont le travail paraît exempt de reproche, en partie ou en totalité : Maurice Nadeau, José Corti, Gerard Berreby (Allia) et Jean-François Manier (Cheyne) ne me semblent pas trahir la pensée libre au profit de la calculette. Vous le voyez : je conserve malgré tout une petite part d’ingénuité, ceci afin d’amuser mes amis.

C’est sûr, de même qu’il est difficile d’écrire quelque chose qui vaille la peine d’être parcouru autrement qu’en diagonale, il est également bien difficile d’être un lecteur. Si certains, bibliophiles frénétiques, historiens du savoir convenable, esthètes mondains et microcosmiques pour qui les mots sincérité et profondeur sont du chinois, si ceux-ci donc affirment que la lecture s’apparente à une entrée en religion, je soutiens plutôt qu’il me faut, le livre en main et les lunettes sur le nez, me forger mon propre goût et, à cette fin, cultiver l’irrévérence, l’ingratitude, la mauvaise foi, la curiosité, toutes choses condamnées par les cultes. Je dois aussi lutter contre les banalités colportées par les sots qui voudraient par exemple que le roman fût l’unique forme aboutie de la littérature, ou que Simenon écrivît des romans de gare.

Oui, mais d’abord, il me faut trouver la librairie qui me va. Pas besoin d’une grande surface culturelle en stock tendu, non. Au contraire. Mieux vaut une petite échoppe surchargée d’ouvrages, parmi lesquels je repère de suite quelques écrivains que j’estime. C’est un signe. Pour peu que le commerçant paraisse un tantinet chaleureux, alors c’est là, j’en suis sûr. Ceci fait, je feuillette, cherche la surprise. La fraternité. Les cris des enragés ou la paix des âmes nobles. La création pure. Le passé. L’innovation. Je prend selon l’humeur, après qu’une seule phrase, parfois, m’eût fait pressentir une rencontre importante. Quant aux prescripteurs de toutes sortes, s’il en survient : je les mords.

La littérature est multiple, je le maintiens. Elle se contrefiche des règlements usuels. Populaire, pas populaire, confidentielle, ça lui est égal. La littérature s’en bat l’œil, de tout ça. Lorsqu’elle paraît s’étioler, elle change de ton et de forme. Elle tire la langue aux marchands. Vous l’attendiez ici ? La voici qui déboule par là, fait une petite révérence, et montre son cul au monsieur.

Voir en ligne : La revue des eaux claires

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