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La Chair - Serge Rivron
mercredi 8 février 2017 par penvins

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Dans ce roman de Serge Rivron, le héros, Michel est celui qui refuse de croire au mystère de la chair, celui qui, tel Lucifer, n’admet pas le mystère de l’incarnation. Sa naissance défie les lois humaines, son prénom, choisi par sa mère, celui de l’ange qui terrasse Lucifer, le destinait à accepter l’invraisemblable, sa naissance hors normes, à prendre pour tel ce qu’elle lui dit de sa naissance et par déduction de son improbable conception, mais Michel appartient à son siècle, il a rayé le mystère de son vocabulaire. Et Marie – sa mère -

sait bien qu’il est plus supportable aux hommes d’inventer aux choses des explications tangibles et d’y croire, fussent-elles infamantes, que de contempler quotidiennement un mystère et de s’y résigner.

Transparaît dans ce roman la nostalgie du temps de la foi, Rivron insiste sur les années soixante – comme s’il y avait là – c’est l’année de sa naissance et de celle de son héros – un point de rupture entre l’ancienne génération celle de Marie et la sienne celle de Michel ou plus simplement entre l’enfant et l’adulte qu’il est devenu : elle cherche l’enfant qui, il y a si peu de jours, pouvait croire au Ciel .

Tout ce qu’elle lui a raconté jusqu’à présent sur son père, il le met en doute, pire il en refuse la réalité.

Le narrateur, quant à lui, s’il admet qu’il s’agit d’un mystère, jamais ne tente de l’élucider, Michel est né très au-delà du terme normal, il n’y aura pas d’explication. Marie aura donné naissance à un enfant dont le père est improbable, il faut l’admettre. L’auteur se démarque ainsi de son héros et donne raison à la génération de Marie pour laquelle il est naturel de contempler quotidiennement le mystère. Nostalgie de l’enfance.
Mystère incarné, mais aussi mystère de l’incarnation, le roman de Serge Rivron puise sa force dans une écriture délibérément pornographique jusqu’à l’écœurement que Michel peut en éprouver : Il avait regardé les 14 ans de sa fille avec en lui l’horreur de ce qu’il était devenu, [...] Quête de femme en femme, même si, hormis Sybille et la fille du peep-show elles ne sont finalement que deux Claire et Carole et pourrait-on dire, compte tenu de leur gémellité, une seule. La pornographie n’étant sans doute qu’un cache-sexe ! Une violence de l’écriture pour ne pas avoir à avouer le désir incestueux qui finalement sous-tend cette intrigue de part en part. Figure du Christ – celui qui s’est incarné - mais plus simplement celle de l’embryon, Michel se décrit en poisson c.à.d. qu’il est celui qui se sent si bien dans le liquide amniotique, raison évidente pour laquelle il ne voulait pas – ne veut pas - en sortir et ne pense plus, une fois adulte, qu’à y retourner.

Au mystère de la gestation de Marie répond le mystère de Stella qui donne naissance dans les bras de Michel à un petit garçon - qui s’appellera Miquel - et de son inexplicable disparition par la fenêtre avec son enfant dans les bras, puis de l’inexplicable réapparition de la valise. Stella a bien prévenu Michel il faut qu’il la croie… comme en écho aux supplications de Marie. La vie ne s’explique pas, le réel est incertain, Stella sera le messager de Marie, Stella donnera à Michel la valise de son père, de ce père improbable et... disparaîtra.

C’est donc autour de l’accouchée qu’elle soit Marie ou qu’elle soit Stella que se nourrit le doute, autour du mystère de l’incarnation, le père du petit Miquel restera lui aussi inconnu : Elle s’est enfuie de chez elle à Figueras, suite à une violente dispute avec son ami. Elle ne veut plus le voir jamais. Le mystère, le seul qui soit, de tout temps, est celui du père. Michel ne peut admettre celui que lui offre Marie et pour battre en brèche l’histoire officielle, celle qui veut que ce soit Serge en dépit de l’incohérence de dates, il lui faut refuser l’innocence de Marie. La tailler en pièces. Et c’est bien ce qui se joue ici.

On aura noté ce qu’il dit de Carole :

Ainsi Carole est pute ou tout comme. Soit. Elle était aussi la sœur de Claire. Il n’en est que plus amoureux finalement.

mais aussi cette confusion qui se produit dans son esprit entre elle et Marie.

-  C’est moi Michel, c’est Carole […] Il a horreur que sa mère le voie nu[…]

Nous dirons que le mythe de la « virginité » de Marie qui prétend contre les apparences que Serge est le père de Michel est sans doute à l’origine de cette réaction pornographique violente, il s’agit de refuser le langage convenu, de s’inscrire en faux contre une langue qui prétend le réel indicible. Mais cela, qui se dit dans le style, se refuse dans le discours, tout au contraire Serge Rivron souligne l’importance de la foi, non pas du dogme, cela lui semble totalement étranger, mais du mystère de la vie : aux explications triviales il oppose l’obéissance que l’on doit au monde. C’est le discours de Marie, cela semble être aussi celui du narrateur quand il reproche au siècle d’avoir rayé le mystère de son vocabulaire.

Voilà la façon dont j’ai lu ce roman qui vous tient en haleine de bout en bout, mais surtout qui ne vous lâche ni après la première lecture ni après les suivantes.



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