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Sept Fragments - Paul Sanda
mardi 14 février 2012 par Jean-Paul Gavard-Perret

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ELOGE DE LA BANDE DESSINEE
SUITE AU « PACTE BICEPHALE »

Paul Sanda, « Sept Fragments, immanents pour une Alchimie Poétique », Editions Rafael de Surtis, Cordes sur Ciel, 2012.

Paul Sanda continue à expliquer comment les images de l’enfance « ont pu être à l’initiale de tout processus inconscient de transformation et ont ainsi pu servir de déclencheur » à toute son œuvre et d’avènement à son « éclosion spirituelle ». C’est de là en effet qu’est parti tout un travail de lâcher prise. Il a conduit le poète où il est parvenu aujourd’hui. L’artiste fait donc retour sur des images premières : Sylvain et Sylvette, Petzi, Tintin, Kybriz Toulbasar, Mirko le Petit Duc, les héros de la Planète Bouboule et Le Moine façon Hugo Pratt. Plus particulièrement certaines vignettes ou fragments de ces œuvres d’infra-littérature ont ouvert le futur auteur à l’apprentissage de valeurs aussi hautes que l’amour. Mais pas n’importe lequel : « celui qui se donne et ne se reprend pas, celui qui nous échappe, nous dépasse, le simple fils du soleil, de la véritable lumière ».

De telles œuvres ont poussé le poète vers un surréalisme transactionnel qui ne se contente pas des vénérations envers les maîtres historiques de cette école. Petzi et son vélo sans frein fut pour Sanda le modèle de celui qui aura osé l’exploration intérieure au risque même de la folie afin de chercher le grand mystère. Il en va de même pour un Tintin . Ce dernier par son non-origine même ouvre la béance. Sans parents et sans maîtres il se fait lui-même. Ses œuvres premières furent autant de creusets pour celui qui comprit à travers elles que la seule règle de la création consiste à « perdre le fi ». Sanda apprit qu’on ne doit jamais effectuer la poésie que l’on veut mais celle que l’on peut.

Trop d’œuvres sont intelligentes, ignorent l’obscur travail de l’instinct et de la sensibilité. Ce qui ne veut pas dire qu’une maîtrise et une connaissance soient inutiles. Néanmoins le vrai apprentissage s’effectue à travers des œuvres considérées comme mineures mais qui ne le sont pas. Bien au contraire. Elles permettent au créateur de ne jamais tomber dans des poncifs ou des évidences. Elles enseignent comment désapprendre l’intelligence par un long et lent travail « d’imbécillité » sans laquelle l’art et la poésie ne sont rien. Devant le monde inacceptable tout poète se doit de le ré-inventer comme surent le réinventer – presque sans le savoir – Hergé, Claude Dubois, J Lebert, Antonio de Vita. Ils ont senti comme Sanda plus tard qu’ils devaient avancer obscurément vers sinon « La » forme du moins ses exigences et ses possibilités.

Trop d’artistes s’y dérobent. Devant cette tâche immense ils décrochent, trichent, tombent dans la facilité en acceptant des solutions de rechange et dans le goût du temps. Par leur humilité et à l’inverse, les vrais démiurges n’ont pas dérogé à leur tâche. Sans doute parce qu’ils ne cherchaient pas à suivre un certain bon goût et parce que leur ambition n’était pas teintée d’ego. Leurs œuvres n’ont donc jamais capoté dans le pastiche. Contrairement à des créateurs bien en cours, ils n’ont pas quémandé les honneurs et ne se sont pas excités de simulacres. Ils n’ont jamais croupi dans de l’à peu près, des déclinaisons. La démesure, la folie furent à l’œuvre dans leur œuvre loin des exhibitions feintes.
En cela ils ont transformé la sensibilité de Sanda.

Il découvrit chez eux un lyrisme particulier et une sorte de surréalisme visant à exhiber du monstre. A travers eux il a compris que chaque artiste pour devenir assassin de l’art doit se mouiller les mains. Il ne peut éviter la confrontation avec qui il est et ce qu’il peut donner. Et si dans toutes formes d’art les manières de tricher sont nombreuses, de tels créateurs ont torturé des formes pour les sentir exister. Ils ont appris au créateur combien la poésie est indomptable. La piétiner comme on piétinerait un réveille-matin ou un quelconque objet pour le mettre en pièce ne change rien au monde des formes poétiques. Le créateur qui se contente d‘un tel geste faussement iconoclaste se trompe de cible car l’objet reste extérieur à lui.

C’est donc bien plus dans la confrontation avec la règle du jeu que l’artiste conséquent fait appel à des moyens d’attaque. Sans cela l’art comme l’artiste restent inchangés de leur confrontation larvaire. Les auteurs dit mineurs des B.D. citées l’enseigne. Ils ne pouvaient se contenter d’être les révoltés à deux balles qui prétendent se venger d’un monde qu’ils estimaient fermé. Ils sont passés loin des iconoclasties de façade. Mais comme tel ces anarchistes ont été mis sous le boisseau.

Il existe plus d’originalité chez eux que chez des artistes officiels. Ces derniers se révèlent de simples « décorateurs » du temps encensés par les modes. Les premiers ont donné forme à un univers qui était à la fois en eux et hors d’eux. Ce qu’ils ont montré était - et sans savoir pourquoi au juste - le prolongement extérieur visible de leur lutte. En cela ils nous bouleversent et il bouleverse l’ordre établi comme ils ont ébranlé Sanda.

Chaque fois ils remettent tout en question. Lorsque Hansen ou Pratt inclinent une ligne toute l’organisation du monde bascule. Ils donnent en conséquence une nouvelle chance à la vie à l’inverse d’un Damien Hirst ou d’un Jim Dine. L’art des premiers comme la poésie de Sanda sont intéressants parce qu’ils demeurent proches du poids confus de sensations et d’une charge de formes (exubérantes ou proches de l’extinction) mal démêlées, sources d’angoisse et de plaisir. De telles oeuvres connaissent aussi toute la masse de réalité qui pèse sur elles de toute part. Elles restent donc une façon de se confronter au monstre et demeurent chargées de réel. Sanda prouve qu’elles ne sont ni objets, ni reliques. Elles restent - dans leur brutalité loin de toute ambition « artistique » - perméables à la sensibilité comme à l’intelligence. Bref elles perdent la raison. Et c’est là l’essentiel. Il s’agit toujours en poésie comme en art d’échapper par les sens au sens pour le faire dévier. Les « Sept Fragments » resteront comme un des plus vibrants hommages qu’on peut écrire sur des images si souvent oubliées ou vilipendées et qui tendent pourtant comme l’écrit le poète « à une nouvelle immensité »..



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