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Occultation mémorielle, désintégration sociale et évasion

Quand la société camerounaise régresse à l’état de nature sous la plume de sa diaspora

mardi 15 septembre 2020 par Rodrigue Marcel Ateufack Dongmo

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Résumé :
Le regard que la diaspora littéraire camerounaise de l’Occident porte sur sa société d’origine est très peu reluisant. Le présent article en fait le constat en décrivant l’esthétique du tragique qui caractérise sa textualisation de la société camerounaise. A partir d’un corpus romanesque d’écrivains-migrants (ou ex migrants) qui a un ancrage sociopolitique camerounais et dans une perspective postcoloniale qui emprunte à la sémiotique littéraire, cette réflexion établit un lien de corrélation entre les notions d’occultation mémorielle, de désintégration sociale et d’évasion, trois grands traits au fondement colonial qui caractérisent la société camerounaise telle que représentée par cette diaspora. Il s’ensuit que derrière l’esthétique du tragique caractéristique de cette littérature, il y a une invitation idéologique de la société camerounaise à sortir de la bibliothèque coloniale en réhabilitant sa mémoire nationaliste/indépendantiste jusqu’ici occultée par sa mémoire colonialiste, ce qui fait des nationalistes de ce pays morts pour une nation libre et souveraine les modèles d’une personnalité de base camerounaise qu’il convient de bâtir pour une société nouvelle et prospère.

Rodrigue Marcel Ateufack Dongmo

Introduction

La société camerounaise est aujourd’hui confrontée à une grave crise du vivre-ensemble dont les formes d’expressions sont multiples : revendications sécessionnistes et guerre civile, terrorisme, replis identitaires sous fond de tribalisme, égocentrisme endémique se déclinant sous formes de népotisme, de corruption généralisée et de détournements massifs des fonds publics par ceux qui ont la charge d’en assurer la redistribution sociale…Cette crise trouve en Europe l’un de ses terrains d’expression les plus favoris, notamment en ce qui concerne la contestation et la dénonciation de sa gestion à l’interne, à tel enseigne que la diaspora camerounaise d’Europe est aujourd’hui perçue comme un boulet au pied de l’autorité camerounaise. A l’heure où un réel dialogue inclusif s’impose comme condition sine qua non de paix au Cameroun, revisiter la littérature diasporique camerounaise peut être d’un intérêt certain dans la compréhension des rapports de la diaspora camerounaise vis-à-vis de sa société d’origine. En effet, s’il faut « penser tout texte, tout système discursif, comme objet social (…) » (R. Robin et al, cités par D. Maingueneau : 1993, 14), s’il est admis depuis la décadence du structuralisme que « l’œuvre [littéraire] se constitue en reconstituant son contexte de création » (Ibid.), alors il parait intéressant de voir comment la littérature diasporique camerounaise textualise la société camerounaise, notamment parce qu’elle est produite par une diaspora connue, sur le plan politique, pour ses dissensions avec le mode de gestion de cette société.
La littérature diasporique africaine prend trois grandes orientations sous la plume d’Odile Cazenave (Odile cazenave, 2003) : Une « littérature du détachement [1], une « littérature d’immigration [2] » et une « littérature du déracinement ». Le corpus [3] de cette étude correspond davantage à la troisième catégorie qui se caractérise par une double focalisation sur les Africains de France et ceux du continent, notamment en ce qui concerne leurs rapports réciproques, témoignant ainsi d’un engagement politique [4] et socioculturel. Il s’agit particulièrement d’analyser la littérature produite par la diaspora camerounaise en Occident, avec l’éventualité que celle-ci nous livre une perception diasporique de la société camerounaise, d’où l’interrogation suivante : comment la société camerounaise est-elle représentée par sa diaspora occidentale ? Au-delà de la mise en évidence du mode sous lequel ces œuvres textualisent la société camerounaise, cette interrogation induit un questionnement sur les fondements idéologiques de ce mode de textualisation. A partir d’un corpus romanesque d’écrivains-migrants (ou ex migrants) qui a un ancrage sociopolitique camerounais, cette réflexion se propose, dans une perspective postcoloniale qui emprunte à la sémiotique littéraire, d’établir une corrélation entre les notions d’occultation mémorielle, de désintégration sociale et d’évasion, trois grands traits au fondement colonial, caractéristiques de la société camerounaise que représente cette littérature. L’étude s’opère en quatre temps : Elle part du constat d’une écriture essentiellement tragique de la société camerounaise par sa diaspora. Elle procède par la suite à une analyse de la scénographie énonciative de ces œuvres pour mettre en évidence l’imaginaire social et le système de socialisation camerounais. Elle examine dans un troisième temps l’inconfort sociopolitique et économique du Cameroun qui se dégage de ces œuvres, en tant que celui-ci découle d’un système de socialisation amputé de sa mémoire héroïque/indépendantiste. Elle questionne en guise de conclusion l’enjeu idéologique que pourrait receler l’esthétique du tragique qui caractérise la représentation de la société camerounaise par sa diaspora.

1. Une écriture tragique de la société camerounaise

L’écriture de la société camerounaise par sa diaspora brille par une esthétique du tragique qui confère à l’objet représenté une image exclusive du chaos et de la ruine. En effet, une analyse sémiotique des données textuelles donne à découvrir la société camerounaise comme une caverne au sens de Platon et comme un état de nature au sens de Thomas Hobbes. Dans le premier cas de figure, on découvrira un monde où les nationaux sont si captifs de l’obscurantisme que cela confère une envergure prométhéenne à la figure du migrant de retour au pays natal. Dans le second cas de figure, on a affaire à un monde où la rupture du contrat social est consommée, générant une atmosphère de conflit, un « État de guerre de chacun contre chacun » où « l’homme est un loup pour l’homme ».

1.1. Un Cameroun digne de la caverne

Dans un genre romanesque relevant du polar et qui campe un contexte de dictature féroce, Mongo Beti dépeint un univers où Trop de soleil tue l’amour (TSTA). Symbole de la tropicalité du Cameroun, le soleil dont les vertus sont multiples peut devenir problématique lorsqu’il est excessif, notamment en entraînant la sècheresse avec des conséquences désastreuses sur les récoles et sur l’économie qui, à leur tour, engendrent la misère. Précédé de l’adverbe « trop », le soleil est donc ici symbolique de la misère sociale que décrit cette œuvre. La sècheresse qui en découle n’est donc pas celle des terres et des récoltes, mais celle des cœurs et des esprits, avec de graves conséquences sur les rapports humains. Le narrateur de ce roman fait ainsi observer que « là où le peuple a été trop longtemps tenu à l’écart des lumières du droit, le vice devient la norme, le tortueux la règle, l’arbitraire la vertu » (TSTA, 74). Par extension donc, « trop de soleil » apparaît aussi comme l’expression d’une peine sociale inhérente à un système de gouvernance qui ne place pas l’intérêt général au centre de ses préoccupations et qui prospère sur l’ignorance de ses administrés en ce qui concerne les fondamentaux juridiques de toute société humaine, avec pour conséquence l’effritement, du fait des frustrations répétitives, des liens d’amour et de fraternité nécessaires à la construction d’une entité sociale digne de ce nom. Dans cet univers romanesque inspiré du Cameroun, le gouvernant, « moyennant rétribution », agit de concert avec des firmes étrangères pour spolier les propriétés foncières des communautés villageoises (TSTA, 24). On y a atteint « un tel degré » de violence qu’on n’imagine plus personne pour y mettre fin (TSTA, 68) car « les réalités quotidiennes [y ont] pour nom les horreurs de l’insécurité et de l’anarchie » (TSTA, 67), tandis que la police et la magistrature supposées veiller à l’ordre public sont présentées comme des institutions « aussi corrompues et perverties l’une que l’autre, plus criminelles que les criminels qu’elles [sont] chargées de pourchasser et de punir » (TSTA, 67). Il s’agit d’un univers où l’amour a visiblement cédé place à la haine et à ses corollaires que sont la violence et la criminalité institutionnalisées, ce qui rend la vie d’autant plus insupportable dans cette ex-colonie française que Zam, le personnage principal, n’imagine pas y vivre sans sa dose quotidienne de Jazz : « C’est terrible : dans ce pays maudit, privé de ma dose, tu ne peux pas imaginer ma souffrance… » (TSTA, 10).
Même si l’intrigue est tissée autour d’un couple qui devrait normalement faire triompher l’amour dans cette atmosphère de haine et de violence entretenue par une dictature non éclairée, il s’agit d’un couple atypique dont les membres basculent eux-mêmes très souvent dans la haine mutuelle : « Un jour bras dessus, bras dessous. Le lendemain [ils] se regarde[nt] en chiens de faïence » (TSTA, 138). Dans ce pays ce pays, « l’éclairage public s’allume le jour, mais s’éteint la nuit venue », l’eau et l’électricité manquent au cœur même de la capitale (TSTA, 11). Le personnage de Zam, récemment revenu de l’étranger, en déduit que « pour qui arrive de l’extérieur, tout le monde ici marche un peu sur la tête » (TSTA, 11). Engagé en tant que journaliste d’investigation dans le dévoilement et la dénonciation des pratiques mafieuses des gouvernants vis-à-vis du peuple, Zam devient une cible à abattre (TSTA, 24). Selon le pitre qui est un personnage de l’œuvre, le donquichottisme de ce journaliste et celui de ses semblables revenus de l’étranger sont une source d’espoir :
(…) Les exilés sont de retour. Et rien ne sera plus jamais comme avant. En vérité, en vérité, je vous le dis : c’est une ère nouvelle qui s’ouvre (…). Ils vont prendre les choses en main : vos politiciens ne nous ont-ils pas assez enfoncés dans la merde à force de pédaler dans la choucroute de leur incompétence ! Voici enfin des hommes pétris d’expérience, car ils ont vécu à l’étranger, ils ont vu là-bas ce que faire la politique veut dire (25-26).

Mais le retour des migrants ne contrarie pas que les gouvernants. Elle n’est non plus très rassurante pour une portion de la société confortablement assise dans le statu quo :
Il faut dire que, si, après une longue période de dictature, des exilés (…) reviennent en masses au pays, ce n’est pas rassurant pour le pouvoir ; mais contrairement à ce que l’on pourrait croire a priori, ça n’est pas tellement plus rassurant non plus pour l’ensemble de la société en place, trop façonnée par le temps et les habitudes, trop résignée à ce qu’on appelle la force des choses… (73).

La dysphorie de la société d’origine vis-à-vis de la figure du migrant s’illustre par la cyclicité des évènements tragiques qui accablent le personnage central de l’œuvre et qui crée un rapprochement entre lui et Sisyphe, symbole quasi universel de la tragédie humaine : c’est d’abord son appartement qui est cambriolé et sa collection de musiques jazz volée ; c’est ensuite le corps sans vie d’un parfait inconnu qui est retrouvé dans son appartement sans qu’il n’en comprenne ni le sens ni les fondements ; cette étrange situation n’est pas encore élucidée quand une bombe explose dans une maison où il a trouvé refuge, après quoi il se retrouve traqué par de parfaits inconnus. Survient alors la disparition d’Élisabeth, sa compagne ; puis son kidnapping par un parfait inconnu qui se présente comme le fils qu’il aurait abandonné dans sa jeunesse. Ces cycles de tragédie ne trouvent aucun dénouement à la fin de l’œuvre, confortant ainsi le rapprochement avec le mythe de Sisyphe. L’anonymat des bourreaux de ce protagoniste tranche cependant avec le mythe de Sisyphe dont le bourreau, le dieu Hadès, est parfaitement connu. Par ailleurs, si le crime de Sisyphe fut la trahison des dieux dont il confia les secrets aux humains, celui de Zam, c’est d’avoir entrepris de faire la lumière sur des pratiques mafieuses par lesquelles le système néocolonial paupérise la population camerounaise. L’œuvre se donne ainsi à lire comme une réécriture du mythe de Sisyphe, et l’auteur suggère cette lecture dans l’épilogue de son œuvre lorsqu’il fait tenir les propos suivants à son Sisyphe :
Mais non, il faut repartir, comme Sisyphe arc-bouté à son rocher, gagner Elig-Amougou. Que puis-je faire d’autre que me plier à la lubie du forcené ? C’est comme la mort dans notre mythologie traditionnelle. Ce n’est pas parce que l’on a rendu l’âme qu’on est vraiment mort. On entame au contraire un long périple au cours duquel on traverse une forêt ténébreuse, pour émerger dans une clairière ensoleillée, puis c’est une autre forêt ténébreuse et une autre clairière encore, et ainsi de suite. (TSTA, 238)

En présentant l’ex-migrant de retour en terre camerounaise comme un Donquichotte incompris dans un univers où il manque de lumière au propre comme au figuré, l’auteur lui attribue également une dimension messianique ou prométhéenne à tout le moins, ce qui confère parallèlement un caractère caverneux à la société camerounaise, un caractère que les évènements de l’intrigue attestent à suffisance.
Dans un genre romanesque qui relève d’une « autobiographie animale » selon la terminologie d’Yves Clavaron (2018, 207), Nganang conforte, à travers Temps de chien [5] (TC), le sentiment d’un contexte sociopolitique camerounais tragique et digne de la caverne. « C’est une Afrique poubelle [qu’il] donne à découvrir à travers la misère des « sous-quartiers » de Yaoundé, notamment celui de Madagascar. Significativement, le politique, symbolisé par la maison de Parti, jouxte « la plus grande poubelle de Madagascar » » (Yves Clavaron : Ibid., 228). À cette disqualification du politique par sa mise à la poubelle symbolique, s’ajoute celle de l’intellectuel incarné par la figure de l’écrivain-philosophe, le Corbeau. L’habillement favori de ce dernier en couleur noire, qui lui vaut d’ailleurs le surnom de « l’homme en noir-noir », est l’expression traditionnelle d’un hommage à une personne qui vient de décéder, notamment dans la culture d’origine de l’auteur dont ce personnage apparaît comme le double fictionnel. Dans le cas d’espèce, le défunt n’est pas un humain mais l’essence humaine qu’est la liberté de penser et de s’exprimer selon l’aphorisme cartésien « je pense donc je suis ». Qui plus est, celui qui exprime la perte ici est un philosophe/écrivain, c’est-à-dire l’incarnation même de la pensée et de l’expression. Cette perte de la pensée/expression se matérialise par l’incarcération de cette figure de la liberté de pensée/expression, et symbolise le musellement du grand peuple pour lequel celui-ci pense et parle [6] — un peuple qui reste d’ailleurs muet face son incarcération. Ces deux disqualifications, celle de l’écrivain-philosophe muselé d’une part et celle du politique jeté à la poubelle d’autre part, sont l’expression métaphoriques d’une société sans lumière ou confrontée à « trop de soleil [7] » , une société qui vit dans l’obscurantisme en somme. Dans cet univers comme dans celui de Beti, la violence politique et la misère sociale sont le lot quotidien des populations, et le degré de déshumanisation de la société est tel que le chien narrateur Mboujack cherche l’Homme en vain. À cet effet, le point de vue animalesque par lequel l’auteur choisit de scruter la société camerounaise est visiblement adopté pour les besoins de la cause, pour mettre en vedette une certaine animalité qui gangrène cette société où l’État règne par la force plutôt que par le consensus social, engendrant de ce fait des mouvements d’humeur à répétition qu’il réprime par la violence :
Ça avait été les étudiants et certains fonctionnaires. C’était maintenant les sauveteurs qui entraient dans la danse. Ils refusaient de se faire manger par la Communauté [urbaine]. Et puis les taximen refusèrent une fois de plus de travailler, pour protester contre les rackets légaux de la police. Le jour où ils firent la grève, toutes les rues de Yaoundé restèrent vides. Parfois un hélicoptère traversait le ciel [...]. Des hommes se cachaient dans les boutiques. [...] Ils disaient que l’hélicoptère portait des gaz lacrymogènes (270-271).

Patrice Nganang et Mongo Beti sont rejoints dans cette peinture tragique du Cameroun par Gaston-Paul Effa qui dépeint l’apocalypse à travers son roman Voici Le dernier jour du Monde (VDJM). Bakassi derrière lequel on peut aisément reconnaître le Cameroun et l’Afrique francophone par extension passe pour une société complètement en lambeaux où les misères matérielles et morales ont atteint des proportions insoupçonnables. Ici, le migrant perd sa dimension prométhéenne identifiée chez Beti pour arborer celle du nomade et de l’apatride confronté à une impossible intégration dans un Cameroun plongé dans le chaos absolu et dans l’agonie, d’où d’ailleurs le titre du roman. Dictature, luxure, criminalité, tricherie, gourmandise, obsession du pouvoir… sont à leur paroxysme. L’élite dirigeante se livre aux vices les plus abjects pour consolider son pouvoir. C’est d’ailleurs le cas du premier d’entre eux, le chef de l’État, qui a conçu une « fosse aux lions » (VDJM, 44) pour mettre hors d’état de nuire tout opposant politique qui se met entre son pouvoir et lui. C’est aussi le cas du « directeur de la télévision nationale, un richissime quinquagénaire nommé Anaconda depuis qu’il avait offert à une fille [de dix-sept ans] un collier qui, la nuit, se transformait en serpent pour lui faire l’amour » (VDJM, 19-20). L’infamie de l’université Hampâté Bâ qui forme cette élite n’a d’égal que la qualité de ses produits. Ici, on rédige des Thèses entières sur Proust et d’autres grandes figures de la littérature française sans avoir à lire leurs œuvres (VDJM, 31). Nommé Doyen dans cette université, Fabien qui revient de l’étranger voit toutes ses volontés de réformes se heurter à une opposition farouche de ses collègues confortablement assis dans le statu quo, dans un environnement insalubre, corrompu et déstructuré (VDJM, 32). Soupçonné d’une simple allusion au handicap du chef de l’État lors d’une de ses allocutions à l’adresse de ses collègues enseignants, Fabien est démis de ses fonctions, puis traqué jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Le narrateur de Trop de soleil tue l’amour note une obstination des intellectuels camerounais « à singer les mœurs vulgaires des dirigeants de la dictature au lieu de montrer au peuple l’exemple d’une existence noble et productive » (VDJM, 67). De fait, la clochardisation de l’élite intellectuelle amène celle-ci à s’inscrire dans un rapport incestueux avec le pouvoir politique à qui il fait allégeance pour espérer une promotion. Il ne peut dès lors plus illuminer la société de son savoir et retrouve la masse dans ses travers. Aussi le narrateur leur colle-t-il des étiquettes essentiellement dévalorisantes : « une engeance stérile », « des farceurs », « des imposteurs », « des clowns » que le politique tient en laisse par la bouffe et l’argent (VDJM, 200). L’image désolante de l’intellectuel muselé ou dévoyé d’une part, et celle du politique prédateur et avide de pouvoir d’autre part, sont corroborées par Temps de chien (TC) et rendent compte du déficit de lumière qui caractérise l’ensemble de la société. En effet, face à une élite politique et intellectuelle défaillante, la population est frappée d’un tel degré de misère mentale et matérielle, d’un tel degré de malheur et de désespoir qu’elle s’abandonne à toutes sortes de déviances, à la violence et à la luxure en particulier, c’est-à-dire à son état de nature.

1.2. Le Cameroun à l’état de nature

Au regard de tout ce qui précède, pas étonnant que Max Lobe conclut par Loin de Douala (LD). Ici, c’est la métaphore de l’impossibilité de pratiquer le football qui souligne la régression de la société camerounaise à l’état de nature. En effet, une société humaine se distingue précisément de l’état de nature qui la précède par l’adhésion de ses membres à un contrat social commun qui, en préservant les intérêts de chacun, favorise l’épanouissement de tous. Seule l’adhésion à ce contrat social permet que la concurrence ne tourne point à la confrontation et qu’une saine atmosphère soit maintenue dans la compétition de l’ascension sociale. La vie en société est donc, en tout point, comparable à un match de football où la bataille pour la victoire se fait dans le fair-play et le strict respect des règles du jeu. Or, le roman raconte précisément l’histoire d’un jeune camerounais (Roger) qui se voit obligé de quitter son pays à la recherche d’un contexte qui lui permettrait de donner corps à ce rêve de footballeur de haut niveau qu’il caresse depuis sa tendre enfance, par admiration pour son idole Roger Milla [8] . « Le [Cameroun] n’est pas fait pour lui » (LD, 172), regrette le narrateur. Cette impossibilité pour Roger de pratiquer le football dans son pays apparaît dès lors comme l’expression symbolique d’une société où le contrat social est rompu, une société qui n’en est plus une en somme, notamment parce qu’en toile de fond, les fléaux de la société camerounaise identifiés plus haut reviennent. La confrontation permanente des géniteurs de Roger rend tout aussi compte d’une société instable car la paix sociale se construit d’abord dans les familles. L’œuvre se lit finalement comme le témoignage d’un jeune qui aspire à quitter un Cameroun marqué par la dictature, dépourvu d’amour, inondé de haine et de violence, un Cameroun qui passe par un temps de chien comparable à l’Apocalypse.
En effet, Loin de Douala, qui pourrait aussi bien se lire loin du Cameroun [9], ne nous offre pas un visage du Cameroun plus reluisant que celui précédemment observé chez Beti, Effa et Nganang. L’isotopie de la misère et du désastre domine le récit. On y découvre une société camerounaise complètement en lambeaux où le paradoxe est la chose la mieux partagée : ici on voyage sans la moindre mesure de sécurité avec des agences de voyage qui portent pourtant le nom de « security voyage » (LD, 43). Avec un paillage routier qui fait d’énormes entrées financières, la « Nationale numéro III », la route la plus fréquentée du pays, manque cruellement d’entretien au point de compter parmi « les routes les plus meurtrières au monde » (LD, 45). La presse est muselée et les journalistes incarcérés. Les fanatiques religieux n’hésitent pas à massacrer les innocents (LD, 109-110) pour exprimer leur fidélité à un Allah qui prône pourtant la tolérance, l’amour et la miséricorde. Dans ce pays rongé par la misère et la corruption, « bien saluer » un agent public c’est le corrompre (LD, 119), et la promotion de ce dernier passe par sa capacité à soudoyer ses supérieurs hiérarchiques et non par ses états de service. Les policiers sont aussi redoutables que les brigands, prêts à dépouiller le citoyen qui sollicite leurs services (LD, 68). « Le malheur des uns [faisant] le bonheur des autres, les gens [ici] se fichent de se faire de l’argent sur le chagrin d’autrui » (LD, 56). L’état du bureau de l’inspectrice Fouda, « un grand désordre » (LD, 70), est symptomatique du degré de pourriture de ce corps de métier qui est censé veiller sur la sécurité des citoyens et de leurs biens, mais qui ne se mobilise avec dévouement que pour les privilégiés, notamment le président de la République et ses proches : « Est-ce qu’il est le fils de notre Papa-président ? » (LD, 72), rétorque l’inspectrice Fouda pour signifier son indisponibilité à secourir une famille qui s’inquiète de la disparition d’un de ses membres. D’ailleurs, comme on peut le noter dans TSTA, « il est formellement interdit à un policier de faire une enquête, au risque de mettre en cause un grand » (TSTA, 180). L’élévation sociale d’un individu lui confèrerait ainsi le droit de commettre impunément des crimes. C’est le propre de l’état de nature, où règne le la loi de la jungle. Comme dans VDJM, l’université dans LD est un espace totalement insalubre où les salles de gymnastique tiennent lieu de salles de cours (LD, 61). On y découvre un pays d’autant plus désuni qu’il est coupé en deux parties : au nord une partie du peuple vit dans le chaos de la guerre et du terrorisme tandis qu’au sud une autre vit dans l’indifférence voire le mépris total de cette situation : « (…) des nordistes mourraient tous les jours dans des attaques de Boko Haram, et ce, dans l’indifférence générale des gens du Sud » (LD, 65).
Conçu sous la forme d’un hypermédia [10], VDJM médiatise lui aussi, à travers une certaine prégnance d’indices de mythes religieux et gréco-latins négativement marqués : « purgatoire », « pluie diluvienne », « Enfer », « diabolique », « Cyclope », « Ulysse », « Caverneux », « Sisyphe », « cyclope », « Ulysse », « caverneux », « Sisyphe »…, l’idée d’une société camerounaise qui régresse à l’état de nature sous le poids d’une paupérisation orchestrée par une synergie de forces endogène et exogène. Ces indices renforcent la portée informationnelle d’une intrigue qui se nourrit de crimes, de guerre civile, de terrorisme et de toutes sortes d’obscénités. Si dans TC et dans VDJM les misères sociales engendrent respectivement des soulèvements populaires et une guerre civile, dans LD qui est plus récent on découvre une population apathique, désarmée de sa capacité de révolte. Face à elle, un pouvoir politique au fonctionnement gabegique. « Le paradis, c’est le pa-palais de notre Papa-président à Etoudi » (LD, 128), déclare un personnage. En soulignant le caractère paradisiaque du palais présidentiel dans cet univers de misère, ce personnage dont l’anonymat confère un caractère populaire à son propos permet de saisir le contraste qui existe entre la misère populaire et le confort de la classe dirigeante. Et le personnage de Bébète de corroborer dans TSTA : « C’est bizarre d’être riche dans ce pays quand on n’est pas du gouvernement ou du Parti » (TSTA, 51-52). Seuls les quelques individus qui composent la classe dirigeante auraient donc droit au bonheur du confort matériel. Or, comme le souligne Andrée Chedid, « le bonheur individuel se doit de produire des retombées collectives, faute de quoi, la société n’est qu’un rêve de prédateur [11] ». C’est donc la jungle : les plus forts, ceux qui appartiennent au pouvoir s’engraissent sur le dos des plus faibles. L’affixe « Papa » antéposé au nom président traduit l’adulation et le culte de la personnalité dont jouit l’autorité suprême de ce pays. Il rend parallèlement compte du degré de conditionnement mental d’un peuple à qui on a appris à accepter sa condition comme allant de soi. Le personnage de Simon parle d’ailleurs d’un véritable « lavage de cerveau des populations » (LD, 146). « Ici c’est le Cameroun de Papa Biya » (LD, 65), déclare un personnage. Derrière cet énoncé aux allures de patriotisme et d’affection pour le Président de la République, il y a surtout un aveu d’impuissance et de résignation face aux anomalies qui gangrènent la société. En fait, la clochardisation de la population permet parallèlement à la classe dirigeante d’annihiler sa capacité de réflexion et de mobilisation, puis de se faire déifier lorsque de temps à autre elle lui apporte quelques subsides (LD, 146).

1.3. Une scénographie francodoxe

Sous la plume de sa diaspora, la société camerounaise apparait, comme nous venons de le voir, sur le mode du tragique et de l’inconfort. Cette situation n’est pas sans rapport avec sa personnalité de base engluée dans un système francodoxe [12] . C’est en tout cas ce que nous suggèrent les œuvres de par leur configuration spatio-temporelle obéissant à un modèle centre/périphérie consécutif à un imaginaire social francodoxe : TSTA campent une société camerounaise qui demeure le pré carré de l’ex puissance coloniale française, notamment en ce qui concerne son système monétaire et l’exploitation de ses ressources naturelles, ce qui rend compte d’une absence de souveraineté politique et économique. TC, VDJM et LD représentent quant à elles une société camerounaise où la France — Europe de façon générale — est la destination fantasmée par la jeunesse, où les comportements sociaux semblent dictés par un imaginaire social franco-centré [13], ce qui témoigne d’une absence de souveraineté culturelle. A travers les institutions familiale et scolaire comme à travers les modèles sociaux camerounais, elles construisent une personnalité de base camerounaise francodoxe, c’est-à-dire une personnalité de la société camerounaise structurée par un référentiel francocentrée. Celle-ci rend l’individu camerounais d’autant plus inapte à faire société qu’elle se caractérise par des logiques colonialistes telles que l’extraversion, la prédation, l’individualisme, l’égoïsme, l’incivisme, la supercherie... L’imaginaire francodoxe qui caractérise ces univers littéraires africains pérennise ainsi le modèle géopolitique franco-africain du type centre/périphérie datant de l’époque coloniale, ce par quoi les œuvres donnent un fondement colonial à la tragédie de la société camerounaise. Il s’ensuit que, sur le plan scénographique, ces œuvres se constituent en constituant un contexte de création francodoxe qui est une pérennisation de l’ordre colonial à une époque postcoloniale suivant un procédé de création qui est celui de la déterritorialisation. Marqué du sceau de la colonisation, le temps post-colonial devient un simple appendice du temps colonial, puis un déterminant essentiel de l’espace diégétique dont il explique le caractère dysphorique et la tendance à l’évasion du personnel romanesque. Nous obtenons l’équation suivante :

2. Quête d’évasion ou réaction à un environnement social dysphorique

Les œuvres mettent en scène des protagonistes victimes de l’oppression du pouvoir dans l’exercice de leur liberté d’expression. C’est le cas du personnage de Zam dans TSTA, de Fabien dans VDJM et de le Corbeau dans TC. En effet, l’imaginaire et la personnalité francodoxes que nos auteurs attribuent à la société camerounaise instaurent le règne de l’individualisme et le principe de la jungle qui, d’une part, confèrent aux tenants du pouvoir un sentiment de légitimité à user de la force et non du consensus populaire pour se maintenir au pouvoir et qui, d’autre part, suppose une incapacité de la masse, trop préoccupée par des intérêts égocentriques ou égoïstes, à se mobiliser de façon unanime pour se défaire du pouvoir qui l’oppresse. Cet usage de la force prend principalement la forme d’une violation des droits de l’homme à travers l’obstruction des libertés fondamentales. Le fait qu’il soit « formellement interdit à un policier de faire une enquête, au risque de mettre en cause un [un homme du pouvoir] » (TSTA, 180), montre bien que c’est la loi de la jungle qui prime. Nous avons identifié plus haut d’autres facteurs qui concourent à cette lecture de l’univers camerounais que représentent les œuvres. En présentant également l’espace sociétal camerounais comme un pré carré français, les œuvres renforcent cette impression de jungle par l’atmosphère d’impérialisme qu’elles créent.
Tout ceci indique une certaine rupture du pacte social fondé sur les valeurs de liberté, de justice, d’égalité et de souveraineté. Il s’agit d’une désintégration sociale par une sorte de régression à l’état de nature qui engendre cet inconfort économique et cette instabilité sociopolitique que les œuvres donnent également à découvrir en plongeant leurs lecteurs dans une atmosphère inouïe de misère et de guerre civile. Il y a donc une violation constante du contrat social qui constitue le socle de toute société humaine, avec des conséquences sociopolitique et économique qui conduisent à un « enkystement de pans entiers de la société et [à] l’irrépressible désir, chez des centaines de millions de personnes, de vivre partout ailleurs dans le monde plutôt que chez eux — volonté générale de fuite, de défection et de désertion (…) » (Mbembe : 2010, 21). En effet, s’il y a une conséquence inéluctable du caractère conflictogène et dysphorique de ce contexte francodoxe que décrivent les œuvres, c’est bien ce désir immodéré d’évasion mentale et physique que suscite l’environnement social camerounais.

2.1. Refuge dans la fiction ou quête de paradis artificiels

« L’enkystement de pans entiers de la société » consiste en un refuge dans des paradis artificiels. En effet, on note une certaine quête des paradis artificiels se traduisant par une addiction à des comportements hédonistes qui prennent plusieurs déclinaisons dans les œuvres : Dans LD comme dans VDJM, il y a une abondance des termes à caractère érotique (« gros plantain [14] » « baisé », « pimentière [15] » etc.) ainsi qu’une fréquente peinture des scènes obscènes par des narrateurs homodiégétiques — issu d’une famille instable et d’un quartier malfamé pour le premier, confronté à une crise identitaire et à une impossible intégration pour le second. Avec Jacques Chevrier (2006 : 199) on parlerait d’une « scénographie de l’obscène proclamant l’épiphanie du sexe, l’écriture dans sa volonté de dire ce qui est généralement tu (ou réservé à des genres spécialisés) ». Cette écriture du tabou confère à l’art narratif une dimension carnavalesque [16] qui laisse entrevoir chez ces narrateurs un désir pressant de se défouler d’un certain malaise psychique. Le besoin d’évasion mentale se matérialise également par la tendance à l’alcoolisme qui se matérialise par l’isotopie de l’alcool dans les univers romanesques de TC, de TSTA, de LD et de Confidences (Conf) : personnages en état d’ébriété, omniprésence des débits de boisson et aveux d’une dépendance à l’alcool. Dans un contexte social fortement tourmenté, le protagoniste de Conf se réjouit « que Castel Beer [soit] là pour [leur] verser un peu de bonheur dans le cœur » (125).
Dans le même registre du besoin d’évasion on peut citer une certaine sérimanie [17] identifiable dans ces propos d’un personnage de Conf : « Ah mon frère, je ne sais pas ce que nous deviendrons lorsque cette série va cesser de passer à la télévision. Nous serons foutus je te jure » (Conf, 125). On pourrait également parler de mélomanie avec Zam, ce protagoniste de TSTA qui ne s’imagine pas vivre au Cameroun sans sa dose quotidienne de Jazz [18] . La graphomanie [19], à travers l’isotopie de l’écriture incarnée par la figure du personnage-écrivain dans VDJM et dans TC, constitue une autre forme de psychotrope face à l’inconfort qu’offre la société camerounaise. La littérature serait en effet « le dernier refuge, sur terre, de tous ceux qui ne savent pas où se fourrer » (Désérable : 2017, 28). C’est ainsi que, cherchant son salut dans l’écriture devenue son souffle de vie, le narrateur écrivain de VDJM se distingue des candidats à l’émigration en ces termes : « Comme moi qui revenais au pays chercher matière à mon roman, ceux-là pensaient trouver leur salut [en partant] » (198). « J’acceptai d’écrire, (…) comme si cette tâche littéraire eût été un dérivatif de mon propre tourment… » (53). Dans VDJM, c’est surtout le Khat, une espèce de drogue, qui comble le mieux le désir d’évasion des Camerounais. Fabien explique qu’elle « fut probablement introduite à Bakassi pour juguler la révolte des ouvriers de la mine de diamants contre leurs patrons, véritables esclavagistes » (VDJM, 70).
Tous ces modes d’isolement dans la fiction renseignent sur la dure réalité de la société camerounaise. De nombreux chercheurs considérent que le plaisir est l’essence de toute action humaine [20] et qu’à ce titre rien ne procure plus de plaisir que la réussite ou le sentiment de réussite, puisque toute action humaine est motivée par un désir de réussite. Eu égard à la nature dysphorique du contexte francodoxe caractéristique de la société camerounaise, il va sans dire que ce contexte ne favorise pas la la réussite sociale, s’érigeant dès lors en une instance d’interdiction des plaisirs [21] et donc de la vie, puisqu’en étant l’essence de l’action qui mène au succès le plaisir devient l’essence même de la vie humaine [22]. La quête d’évasion par le refuge dans des paradis artifitiels relève donc en dernier ressort d’une tentative de survie par le moyen de la fiction dans un environnement social dont l’inconfort tend à priver les citoyens de la vie.

2.2. L’émigration comme moyen de survie

Sous sa forme physique, le besoin d’évasion est si grand dans LD qu’il génère une profession de de passeur œuvrant pour des candidats à l’émigration. Malgré la beauté et la richesse naturelle du pays, « les gens veulent sauf que go (…) même s’il faut mourir en route, même si on va les traiter comme des animaux là-bas » (LD, 146-147). La détermination de Roger à braver toutes sortes d’obstacles pour s’échapper du Cameroun est tout à fait symptomatique d’un pays devenu répulsif pour sa propre jeunesse. Dans VDJM, la jeunesse n’aspire également qu’à une seule chose c’est partir, avec pour destination privilégiée la France et plus généralement l’Occident, ce qui offre l’occasion à André M de se constituer en marchand d’illusion en faisant miroiter des visas moyennant la somme d’ « un million de francs CFA » (VDJM, 84). Qu’il parte pour des raisons d’études ou d’emploi, Valère, Osele, Obama, Fabien sont avant tout en quête de réussite et d’épanouissement. Cette tendance à l’émigration est d’autant plus importante que, outre les défaillances infrastructurelles et économiques dont souffre le Cameroun, l’imaginaire francodoxe et son système de socialisation situent d’emblée le bien-être du citoyen hors des frontières nationales, à travers une représentation idyllique de l’Occident. C’est à ce titre que J. Ndinda (2011) attribue la quête de l’ailleurs dans la littérature africaine de migration au mythe d’un ailleurs paradisiaque.
Si la propension à l’évasion mentale rend compte d’un renoncement des citoyens camerounais à lutter pour leur avenir, le besoin d’évasion physique traduit quant à lui une volonté individuelle de donner sens à sa vie car ici, « il faut partir pour croire en son avenir » (LD, 59). Le fait que cette société retombée à son état de nature grouille de monde prêt à tout pour s’en évader physiquement constitue donc sans doute un signe d’espoir à l’échelle des individus et des familles, mais il est apocalyptique pour la nation. L’image du migrant comme source d’espoir observée chez Beti ne tient que par son retour au bercail.

Conclusion : Bâtir un Cameroun nouveau sur le socle de sa mémoire indépendantiste versus mémoire colonialiste

Fiction et réel s’opposent par définition, mais la fiction permettrait à bien des égards de mieux appréhender le réel. D’ailleurs, la littérature, fiction par définition, n’a jamais été autre chose qu’un prétexte pour parler de la réalité, tant il est vrai qu’on n’écrit pas ex nihilo. Mais il faut reconnaitre que tout regard sur la réalité, même quand il se veut objectif, est soumis à tant d’obstructions inhérentes au sujet regardant qu’il ne peut dévoiler que de façon partielle et partiale la réalité observée. Dès lors, une prise en compte de tous les paramètres qui entrent en compte dans la représentation de la société camerounaise par sa diaspora commande de relativiser l’image tragique qui découle de l’objet représenté. Toutefois, cette peinture macabre ne manque pas de pertinence. Elle révèle quelque chose qui est établie depuis Frantz Fanon [23] et de nombreux autres spécialistes des sociétés africaines anciennement colonisées, c’est la nuisance persistante de la mémoire colonialiste dans la mise en œuvre du pacte social de ces sociétés, suggérant ainsi la nécessité, pour le Cameroun, de renouer avec sa mémoire indépendantiste déchue par le système colonial. Il convient en effet de reconnaitre avec Kum’a Ndumbe III, au sujet de la société camerounaise, que « quand l’extraversion occupe pratiquement tout l’espace dans la transmission du savoir, (…), c’est que le peuple concerné est en danger pour sa survie collective » (Ndumbe III : 2007, 61). Il s’agit donc, pour une neutralisation définitive de l’imaginaire colonial et colonialiste qui structure l’univers social camerounais actuel, de se doter d’un récit national qui restitue à son imaginaire social, à son système de socialisation et par suite logique à son système de gouvernance, les valeurs et les principes fondamentaux du vivre-ensemble.
Les historiens camerounais reconnaissent presque unanimement que la mémoire des nationalistes/indépendantistes de ce pays est passée sous silence depuis son indépendance. Dès lors, la personnalité francodoxe de la société camerounaise, en tant qu’elle est inapte à faire société, donnent à penser qu’en occultant sa mémoire héroïque/indépendantiste, ce pays laissa prospérer sa mémoire colonialiste plutôt défavorable à la construction de son vivre-ensemble. Tout porte à croire, si l’on s’en tient aux œuvres ici analysées, que le capitalisme malsain à travers ses formes d’expression les plus barbares que constituent le colonialisme et le néocolonialisme, a progressivement ruiné le Cameroun de son être social, c’est-à-dire de sa souveraineté, de son sens de la solidarité et du partage, des exigences de justice et de droit l’homme, autant de valeurs qui fermentent le vivre-ensemble entre des communautés différentes et qui conditionnent l’idée même de société.
Une reprogrammation de l’imaginaire camerounais apparait dès lors comme la seule voie du salut. C’est à cette entreprise que la négritude et le panafricanisme se sont manifestement essayés pendant longtemps à l’échelle continental, en tentant de promouvoir une Afrique dont les attributs constitueraient le socle d’une rencontre solidaire avec le reste du monde. Plus récent, l’afropolitanisme supplante ces deux concepts en faisant le constat de leur inaptitude idéologique à répondre aux enjeux africains de l’heure. Il s’agit donc aujourd’hui pour le Cameroun de bâtir son rapport à soi et au reste du monde suivant une perspective afropolitaniste qui consiste à saisir le cosmopolitisme d’un point de vue camerounais et à partir du Cameroun (…), « à investir la voie étroite entre la « clôture identitaire » et la médiation » (Awondo : 2015) : tout en reconnaissant que l’identité africaine est transnationale (pour les expatriés), et transtribale (pour les nationaux), l’afropolitanisme fait de l’Afrique ou de la tribu le point à partir duquel l’Africain devrait bâtir une solidarité universelle avec le reste du monde, ce qui recommande à ce dernier d’éviter l’essentialisation de son africanité ou de sa tribalité. L’afropolitanisme tente ainsi d’inverser la tendance, consécutive à la colonisation, qui fait que l’Africain s’observe et agit presque exclusivement à partir des paradigmes étrangers. Conscient des pesanteurs coloniales qui pèsent encore sur les Africains, Achille Mbembe propose à travers ce concept un changement de paradigme qui fait de l’en-commun (et non plus de la différence comme ce fut le cas de la négritude et du panafricanisme) le facteur à partir duquel définir l’Africain dans ses rapports à soi et à l’altérité. Dans cette nouvelle éthique de soi africain envers son altérité, élaguer ces pesanteurs coloniales et colonialistes commande donc de sortir de la bibliothèque coloniale, avec ses tendances à l’extraversion et à la promotion du principe de la jungle, afin de retrouver les fondamentaux du vivre-ensemble.
Le vivre-ensemble se construit autour d’une mémoire collective. À travers les valeurs et les héros qu’elle charrie et à travers la fierté que renferment ses moments de gloire, la mémoire collective constitue en effet le lieu par excellence du consensus social, ce qui en fait la véritable force unificatrice qui permet à un peuple de faire société. Dans Du Contrat social, Rousseau (2011) définit les principes juridiques sans lesquels une société sombre inéluctablement dans un état de nature, dans un état de non-droit. Mais sans une mémoire collective nourrie entre autres par des modèles sociaux (héros), par les gloires et par les valeurs que génèrent le passé commun de tout peuple, ces principes juridiques passeraient davantage pour des contraintes que pour des normes collectivement consenties : la conformité aux lois de la société s’impose très naturellement à tous lorsque celles-ci émanent d’une expérience collective de ses membres tout en étant en accord avec les valeurs qui découlent de cette expérience commune. La mémoire collective, celle qui est partagées parce que valorisante pour le peuple concerné, apparaît dès lors comme le socle véritable de tout appareil juridique et ce sans quoi il n’est point possible pour un groupe d’humains de faire société. L’afropolitanisme souligne donc avant tout la nécessité d’une réhabilitation de la mémoire héroïque/indépendantiste africaine souvent occultées par sa mémoire colonialiste, car appréhender le monde à partir de l’Afrique c’est se construire une vision du monde à partir des paradigmes et des valeurs définis par des expériences collectives africaines. Dans cette démarche de soi africain vers l’autre, elle insiste sur la nécessité de prendre en compte le caractère foncièrement hybride des réalités africaines et d’ainsi saisir la manifestation du monde qu’il y a derrière ces réalités :
Au demeurant, notre manière d’être au monde, notre façon “d’être-monde”, d’habiter le monde – tout cela s’est toujours effectué sous le signe sinon du métissage culturel, du moins de l’imbrication des mondes, dans une lente et parfois incohérente danse avec des signes que nous n’avons guère eu le loisir de choisir librement, mais que nous sommes parvenus, tant bien que mal, à domestiquer et à mettre à notre service. La conscience de cette imbrication de l’ici et de l’ailleurs, la présence de l’ailleurs dans l’ici et vice-versa, cette relativisation des racines et des appartenances primaires et cette manière d’embrasser, en toute connaissance de cause, l’étrange, l’étranger et le lointain, cette capacité de reconnaître sa face dans le visage de l’étranger et de valoriser les traces du lointain dans le proche, de domestiquer l’in-familier, de travailler avec ce qui a tout l’air des contraires – c’est cette sensibilité culturelle, historique et esthétique qu’indique bien le terme “afropolitanisme. (A. Mbembe, cité par P. Awondo,2015)

C’est dans cette perspective que l’afropolitanisme prône une rencontre de l’Africain avec son altérité débarrassée des « réflexes nativistes » qui favorisent le repli identitaire, les tendances victimaires, le discours de haine et les pulsions génocidaires. À ce titre, elle s’applique aussi bien à l’échelle des mégalopoles occidentales, où l’on retrouve des communautés africaines, qu’à l’échelle des mégalopoles africaines sont des sociétés cosmopolites confrontées à une tendance au repli identitaire de type tribal. À l’échelle internationale, « si l’Afropolitain vit d’abord dans les grandes villes du Global North, il reste attaché à la « culture africaine » à travers un lieu, une histoire ou des activités quelconques sans pour autant essentialiser cette référence géographique » (Selasi, cité par Awondo : 2015). À l’échelle continentale et nationale, le citoyen africain doté d’une culture afropolitaine devrait pouvoir vivre partout à l’intérieur du continent ou du territoire national avec un attachement à sa nation ou à sa tribu sans pour autant essentialiser cette référence géographique et culturelle.
Pour sortir définitivement de l’enfermement colonial qui occulte sa mémoire indépendantiste, ruine son économie et déstabilise sa vie sociopolitique, le Cameroun se doit donc de bâtir une personnalité de base afropolitaine plus apte à faire société, c’est-à-dire moins encline à l’extraversion (ou dépendance), à l’individualisme, à l’égoïsme, à l’incivisme, à la couardise, à la supercherie et à la prédation. Dans cette perspective, le modèle tout trouvé semble celui des martyrs camerounais dont le sacrifice ultime pour la naissance de cette nation inspire les valeurs contraires à celles précédemment énoncées, à savoir les valeurs de don de soi, d’indépendance, de patriotisme, de solidarité et d’héroïsme, tant il vrai qu’il n’existe point de société sans souveraineté, sans volonté de vivre ensemble, sans partage et sans justice. Dans cette construction d’une société adossée sur sa mémoire collective héroïque/indépendantiste, la société camerounaise ne devrait pas perdre de vue que l’héritage culturel colonial fait désormais partie de son patrimoine propre et que le Cameroun est plus que jamais un « espace mondialisé [24] » qui ne peut prospérer que dans le respect de sa diversité et dans le respect des droits et libertés de ses citoyens. En clair, l’enjeu réside dans le choix de la mémoire camerounaise à promouvoir, entre sa mémoire nationaliste d’une part et sa mémoire colonialiste d’autre part. Ainsi parviendrait-on à définir une identité nationale camerounaise et à construire une nation où les phénomènes d’acculturation (expression du désamour de soi) et d’ethnocentrisme ou tribalisme (expression du désamour de l’autre) cèdent le pas à la transculturation et à l’hybridation, où l’extraversion, l’incivisme et l’individualisme sont vaincus par le patriotisme et le sens du partage, et où la gouvernance par la violence, l’arrogance, le mépris et la prédation s’estompe au profit d’une démocratie véritable [25] .

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[1Caractérisé par une absence de focalisation sur l’Afrique et sur les Africains qui traduit un certain désintéressement envers l’Afrique

[2Qui focalise sur la communauté africaine de France, sur les motivations du départ et sur sa condition en France.

[3Trop de soleil tue l’amour (Mongo Beti, 1999), Temps de Chien (Patrice Nganang, 2001), Voici le dernier jour du monde (Gaston-Paul Effa, 2005), A la vitesse d’un baiser sur la Peau (Gaston-Paul Effa, 2007), Nous, enfant de la tradition (Gaston-Paul Effa, 2008), Je la voulais lointaine (Gaston-Paul Effa, 2012), Loin de Douala (Max Lobe, 2018).

[4Même si le refus à tout engagement est considéré par les théoriciens de cette littérature comme l’un des traits identitaires de ces auteurs.

[5Temps de chien est une expression française qui désigne « un très mauvais temps ».

[6Il est incarcéré pour s’être insurgé contre l’arrestation arbitraire d’un vendeur de cigarette.

[7« Sans lumière » (lumière de l’esprit) et « trop de soleil » (sècheresse des esprits) concourent au même effet social qu’est l’obscurantisme.

[8Un des plus célèbres footballeurs camerounais et africain.

[9Douala est la capitale économique du Cameroun.

[10Un média qui intègre d’autres formes médiatiques en son sein. Dans le cas d’espèce, il s’agit d’un roman, entendu que le roman est un média à part entière.

[12Relatif à la francodoxie, entendez un système de relations franco-africaines fondées sur une reconduction tacite de l’orthodoxie coloniale à une époque post-coloniale. Ce concept est emprunté à François provenzano (Vies et mort de la francophonie, 2011) qui l’utilise pour décrire les mécanismes par lesquels une certaine critique francophone tend à subordonner à la littérature française les autres littératures d’expression française, les littératures africaines en particulier, en en faisant de simples appendices qui témoignent de la vitalité, du prestige et de la toute-puissance de la civilisation française. En effet, s’il y a une chose sur laquelle les historiens s’accordent le mieux au Cameroun, c’est bien l’idée d’une occultation de la mémoire historique de ce pays, notamment en ce qui concerne ses nationalistes qui payèrent de leurs vies l’avènement de la République du Cameroun ; une occultation qui se fait, selon Tièmeni Sigankwé (2018), au profit de la mémoire colonialiste. Ambroise Kom (2000) soutient à cet effet que le Cameroun à l’instar des autres pays francophone d’Afrique n’a jamais songé à questionner son héritage institutionnel colonial, notamment en ce qui concerne son système éducatif, ce qui le maintient de fait dans des logiques colonialistes. Cette observation trouve un écho complémentaire chez Achille Mbembe (2007), Yves Clavaron (2018) et François provenzano (2011) qui notent respectivement que la France ne s’est jamais décolonisée malgré la fin l’empires colonial ; que le monde francophone est le seul domaine post-colonial où la capitale européenne — Paris en l’occurrence — reste prédominante ; et que la France se sert de ce centralisme pour accroître son prestige international et rivaliser avec le monde anglo-saxon. Il découle de tout ce qui précède que le contexte franco-africain qui préside à l’écriture de nos auteurs est un contexte post-colonial francocentré déterminé par la francodoxie.

[13C’est-à-dire un imaginaire social qui a une représentation idéalisée de la France.

[14Pénis dans le langage populaire camerounais.

[15Dans le langage populaire camerounais ce terme est utilisé pour désigner une prostitué.

[16Dans son sens étymologique, le mot carnaval viendrait de l’expression latine carnis levamen qui signifie « soulagement de la chair ». Le carnaval « est une période de licence joyeuse où les règles de la vie normale sont suspendues temporairement, [cédant place à un] monde à l’envers, celui où les tabous et les interdits sont levés, tous les excès permis, [faisant de] la ripaille et [de] la licence des mœurs les éléments fondamentaux de ces réjouissances » (Gil, Martial (2006). « Fonction du carnaval », Association Himeros Arts et Philosophie. [En ligne], URL : <http://philosophacte.pagesperso> , Consulté le 10/2/2020).

[17Addiction aux séries télévisées.

[18Le jazz est, certainement un peu plus que les autres genres musicaux, un psychotrope lorsqu’on remonte à ses origines et aux circonstances de sa création.

[19De l’avis des psychologues, mettre des mots sur sa propre souffrance soulage.

[20« L’homme fuit la souffrance et recherche le plaisir. Tel est le grand moteur de l’action humaine. Pour assouvir son désir de plaisir, l’être humain doit agir et construire ainsi son monde. [Pour] Epicure (…) le plaisir est l’objet, le devoir et le but de tout être raisonnable. Voltaire » (Tonizzo, Jean Marc (2001). « Du plaisir au bonheur », La mécanique universelle. l’humanité évolue vers son ultime perfection. [En ligne], URL : <http://mecaniqueuniverselle.net/bon...> , Consulté le 23/06/16).

[21Au lieu d’en être une instance de régulation.

[22En effet, « On admet d’ordinaire que le plaisir est ce qui touche le plus près à notre nature humaine ; […] On peut croire que si tous les hommes sans exception aspirent au plaisir, c’est qu’ils ont tous tendance à vivre. La vie est une certaine activité, et chaque homme exerce son activité dans le domaine et avec les facultés qui ont pour lui le plus d’attrait : par exemple le musicien exerce son activité, au moyen de l’Ouïe, sur les mélodies, […], et ainsi de suite dans chaque cas. Et le plaisir vient parachever les activités, et par suite la vie à laquelle on aspire. Il est donc normal que les hommes tendent aussi au plaisir, puisque pour chacun d’eux le plaisir achève la vie qui est une chose désirable. Si les hommes ne font pas l’éloge du plaisir, ce n’est pas parce que le plaisir n’est pas un bien, c’est au contraire parce qu’il est un bien au-delà de tous les biens, un bien proprement divin » (Aristote et Eudoxe cités par Manon, Simone (2012). Aristote. Vertu et plaisir, Philo.Log,[En ligne], URL : https://www.philolog.fr/aristote-vertu-et-plaisir (Consulté le 2/6/2020).

[23Fanon, Frantz (1995). Peau noire masques blancs, Paris, Editions du Seuil.

[24Suivant la terminologie de Yves Clavaron (2018), l’espace mondialisé se caractérise par la « séparation et [la] mise en commun, fonctionn[ant] sur des principes postmodernes » (52). « Parcouru par les flux et les diasporas, [il] tend en conséquence à des formes d’hybridation et réhabilite la pensée métisse » (58).

[25Une véritable démocratie suppose, outre le conformisme aux principes démocratiques connus, de limiter au maximum les pouvoirs de l’argent dans le jeu politique. L’actualité mondiale révèle en effet une crise de la démocratie avec, un peu partout dans le monde, y compris dans des pays souvent présentés comme des modèles démocratiques, des révoltes populaires liées au sentiment que les pouvoirs prétendument démocratiques sont au service des riches et des élus qui s’enrichissent indûment au détriment du peuple. Le problème avec la démocratie ou ce qui en tient lieu de nos jours, c’est que les peuples élisent des politiciens qui sont généralement financés et donc tenus par la grande finance. En contexte francophone d’Afrique, les multinationales françaises, à travers la nébuleuse dite françafrique, seraient cette grande finance qui fait et défait les plus hauts dirigeants politiques.

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