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L’extase et le Sacré - Claire Marie Gosselin
jeudi 5 avril 2012 par Jean-Paul Gavard-Perret

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Un jour Claire Marie Gosselin a découvert qu’il existait un état mystique aussi difficile à atteindre qu’à concevoir sauf à en éprouver la Révélation Physique. L’artiste l’a connue et a atteint un état que Musil nomme « autre état, demi-sommeil magique ». Mais cette définition ne suffit pas car cet état reste distinct autant de la rêverie, du songe que de l’hallucination. Il ouvre - et Claire Marie Gosselin le prouve - sur un au-delà de la perception et à un état de réceptivité particulière et apaisante aux images. Ces dernières ne se réduisent pas – tant s’en faut – à de simples images pieuses ou votives. Elles se structurent dans l’œuvre de l’artiste de manière dynamique.

L’inspiration visionnaire de la créatrice – et c’est là sa grande originalité – se dégage des symboles des traditions et des légendes bibliques, antiques ou orientales. Elle passe selon un schéma de l’initiation orphique de l’épreuve à la régénération et de la régénération à l’illumination. La créatrice ne se contente donc pas de reproduire des rituels iconographiques déjà connus. Sa mystique particulière embrasse le devenir pictural et existentiel selon des voies particulières. La présence est vécue à travers la féminité corporelle. Et après avoir couru le risque de perdre jusqu’à sa vie dans son « actionnisme » et ses performances, Claire Marie Gosselin a pu se retrouver à travers la beauté qui prend pour elle une forme de salut.

L’œuvre de la Québécoise est un combat, une lutte depuis toujours pour ce qu’il advient. Son travail porte devant l’étonnement du Mystère. Ni celui de la terre, ni celui du ciel : celui de l’entre. Il vient de la nuit et du jour, du moment où nous avons commencé à balbutier et dans ce que nous avons pour la première fois entendu du silence. Il y a le souvenir de cette première présence dont le moindre trait chez l’artiste est un fragment. Pendant de longues années Claire Marie Gosselin a été rongée par le doute. Sa rigueur l’a sauvée. La dimension spirituelle de sa recherche aussi. Comme son besoin d’ordre et d’équilibre. D’harmonie aussi et d’un rapport permanent avec le fondamental. Il donne sens à la vie comme à l’œuvre. Pour la créatrice on ne peut toucher à la profondeur sans toucher à la vérité.

Elle atteint un espace premier par les formes de spatialité du « paysage ». Soyons clairs toutefois : non pas celui d’une géographie pittoresque mais celui où nous sommes perdus. Nous y errons tant que ne se découvre pas le lieu sacré d’un absolu d’ici. Il est défini par l’horizon de l’œuvre propre à mettre fin à l’errance existentielle. En ce sens la peinture de Claire Marie Gosselin devient le lieu « sacré » où s’accomplissent ses parcours, ses gestes rituels qui des « performances, installation et vidéos » à caractère quasi mystique passa à un autre espace de médiation, à un autre lieu de motricité signifiante.

Pendant plusieurs années l’artiste a exploré son corps comme « objet de mutation bizarre » et a invité le spectateur dans un univers où le sacré s’exprimait par le corps... Dans sa pratique de l’art action, son corps devient objet du peindre. Symbolisé, il devenait une image au-delà de l’image, une image cherchant le sens de la Présence, " De pierre et d’eau" était une performance et installation où à travers l’histoire de Lazare, le corps métamorphosé devenait par analogie le symbole de la " pierre vivante ", image par excellence de la survivance. Dans " Inside-Out : ou l’étoffe même du corps " l’œuvre à travers le regard d’Emmanuel Levinas posait une interrogation sur la relation à l’Autre et à la mort... Dans " Poussière, tu retourneras à la terre " toute la question du corps animal et de sa dissemblance à l’image de Dieu était mise en scène... Depuis l’artiste a choisi d’autres médias plus classiques : en particulier la photographie et la peinture d’une facture exceptionnelle.

Néanmoins la créatrice donne forme au sacré en refusant de succomber aux symboles et aux modes d’expressions fantastiques car ce serait là passer à côté du sujet ! Son sacré est tout autre. Témoigner de son épiphanie demande une ascèse mais aussi une sensorialité car s’il possède un temps (ou une atemporalité) et une existence propre, la peinture peut lui donner un lieu profane certes mais sensible. En ce sens, contre un effet bassement prosélyte, contre un effet de culte, la peinture devient un haut temps de la métamorphose solennelle pénétrée par la chaleur de vie.

Claire Marie Gosselin sort de ses mains quelque chose de réel. Son œuvre possède une sorte d’objectivité requérante par la subjectivité sidérante dont elle fait preuve. Mais plutôt que d’objectivité ou de subjectivité parlons de réalité qui implique un accès vers l’inaccessible. Pour cela l’œuvre fixe la solennité de la nature. Il y a ce qui est immuable en face de ce qui change. Mais l’important est ce qui se passe au milieu, à la jonction dans une confrontation extatique. Surgissent des roulis d’une autre existence qui brille jusque dans des tableaux de nuit.

A la suite d’Yves Klein elle recherche la présence de la sensibilité picturale à l’état " matière première". Comme lui, elle croit à cette possibilité de construire un concept objectif sur la subjectivité des croyances et sur l’engagement du corps dans le processus de réflexion et de création. Ce travail est le fruit de quarante ans de lectures des Écritures. En effet, les textes l’accompagnent depuis l’âge de douze ans. Au fil du temps elle a développé et acquis la certitude que l’expérience religieuse rejoint l’expérience métaphysique et esthétique, par ce qu’elles ont en commun, c’est-à-dire le pouvoir de changer et de transformer la pensée.

Pour l’artiste de Laval il existe dans toute image l’hypothèse d’un tout qu’elle délivre par son émulsion plastique. Celle-ci offre non seulement une variation chromatique mais un recommencement par des lignes et des volumes. L’acuité de la peinture se montre dans l’action réciproque des pans de diverses couleurs. Ils deviennent les tenseurs de l’espace pictural au sein d’un travail qui demande parfois des semaines de travail afin d’atteindre une diaphanéité particulière. Elle permet de franchir la frontière du réel, de changer de corps, de lieu, de temps.

Et voici ce qui touche à notre plaisir, à notre jouissance et, en conséquence, à nos possibilités d’angoisse puisque nos certitudes se voient interpellées. Une telle œuvre ne donne pas simplement à voir, elle contient le regard. La créatrice invite à franchir le seuil d’un lieu qui n’est plus à l’extérieur mais dedans. Sa peinture renverse donc la problématique habituelle de la frontalité. À l’étrangeté explosive se substitue une intériorité. Elle permet à l’inconscient qui habituellement ne connaît pas la traversée des frontières d’être mis en connexion avec ce qui le dérange. Le décor chavire. Il n’existe plus de place pour le « cliché ». Se touche une clameur intérieure et mutante dont la peinture renvoie l’écho.

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