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Le manucure - Christos Chryssopoulos

traduction Anne-Laure Brisac

jeudi 28 février 2013 par penvins

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Et je n’ai pas eu le temps de parler du dernier acte ignoble.

écrira Philippos avant que nous en soit dévoilée la nature. Christos Chryssopoulos nous entraine ainsi de page en page laissant apparaîtrele secret petit à petit, emmenant le lecteur sur des pistes apparemment sans issue, que l’on pourrait presque croire inutiles, et qui pourtant font sens comme fait sens cette aventure avec Ilona. On remarquera que pendant tout le temps de cette liaison avec les « Mains de marbre » ainsi que Philippos, le manucure, l’appelle, celle qui est désignée tantôt sous le pronom « Elle », tantôt sous le nom la Dame des Silences, disparaît pour ne reparaitre que lors de la rupture, ce qui ne sera pas le cas avec Pavel. L’explication de la rupture est sans doute dans le journal de Philippos : Comment peut-on assassiner une beauté si pure avec des bijoux qui n’ont rien à faire là ? Les mains de la maîtresse comme il l’appelait parfois ont perdu leurs puretés, elles le dégoutent, celle qui avait un temps pris la place de la Dame des Silences a profané le symbole.

L’attachement à la mère, mais également la culpabilité de l’avoir amputée d’une part d’elle-même sont au coeur de ce roman, dont on évitera de dire le dénouement.

Mais Chritos Chryssopoulos ne manque pas de souligner à quel point cette culpabilité sera féconde. Philippos s’engage, un temps, dans une relation d’où l’oralité a été exclue, une relation où la langue ne peut-être faite de verbiage mais doit au contraire s’inventer en dépassant le symbole des mots, passer par la gestuelle des mains et par l’écriture qui impose la distance. Au passage l’auteur a cette profession de foi :

Et quand on écrit, on met au jour des pensées qu’autrement on aurait du mal à exprimer ; l’écriture rend plus libre, même si l’on s’en défend, même si ce n’est pas le but qu’on poursuit, on va plus loin dans la confidence et les mots se modifient car ceux que l’on couche sur le papier ne sont jamais les mêmes que ceux qu’on laisse échapper dans les airs.

C’est bien de l’exclusion de cette oralité, puisque Philippos a une relation avec Pavel qui est sourd-muet, que naît la nécessité d’écrire - ici triviale mais on peut évidemment y voir un contenu métaphorique.

Pourtant cette relation s’achèvera, elle deviendra impossible en raison de l’ignoble secret. Philippos refuse de dire, ou plutôt est incapable de dire, à son amant ce que fut la maison de son enfance, non seulement il est un être enfermé sur lui-même qui jamais ne laissait aux autres l’occasion de se mêler de ses affaires mais le secret qu’il garde en lui est si fort qu’il ne peut pas même le révéler à celui qui a pris la place de la Dame des Silences : Il se posta face à elle, mais en réalité c’est Pavel qu’il voyait à sa place.

Chacun pourra interpréter à sa façon la dernière page du roman, mais si Pavel d’une certaine manière rejoint la Dame des Silences il est aussi dit que l’on ne peut savoir ce qu’il est devenu, comme si c’était Elle qui restait la plus forte.

J’ai relu avec étonnement ce court roman que j’avais lu il y a quelques mois et je me suis aperçu qu’il en disait bien plus qu’il n’y paraît à la première lecture et qu’il posait admirablement la question de l’indicible et du rôle de la littérature.



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