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Icône 2
mardi 19 mars 2013 par Jean-Paul Vialard

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ICÔNE 2

ICÔNE 2

 

(Photographie de Marc Lagrange).

 

Une douleur est qui ne saurait se dire. Dans la naissance. Reflux de la parole.  Comment quitter et s'esseuler dans la trame ouvrante du jour ? La nuit est là, à peine déclive alors que s'allume déjà l'à-peine insistance du jour. Les territoires du songe retiennent l'apparition. Douce inclination des limbes à confondre, recueillir ce qui, encore, pourrait l'être. Toujours le pas est à franchir dans son ambiguïté native. Demeurer ou bien hisser vers le nouveau, la pointe du désir ? De l'envie nomade ?

 Le seuil est toujours une épreuve. Lame tranchante de la décision. N'y aurait-il pas mieux à faire que de surgir dans le dévoilement ? Exister, sortir du néant. Mais où donc l'absurde ? Dans l'immobile, l'avancée ? Et pourtant le seuil ne pourrait retenir longtemps. Tout passage est une souffrance en même temps qu'une révélation. Le regard est au passé, dans l'équation du doute. S'il fallait seulement rétrocéder, pousser l'huis sur l'inconséquence à venir. Sous les pieds, dans l'aventureuse marche esquissée surgit la trame de l'inconnaissance.

  Que sera le jour ? De quelle épiphanie sera-t-il la révélation ? Sera-t-il seulement désocclusion ?  Ou bien obscurité, refuge dans ce qui toujours se dissimule faute de pouvoir se dire ? Certes, il y a des repères à partir desquels élaborer du sens, établir des hypothèses. Mais que pourraient nous dire les volutes de fer forgé de la porte, le véhicule à l'arrêt, les autres sur l'aire de stationnement, les arbres anonymes fichés dans le sol, si ce n'est nous conduire à l'orée d'une histoire vraisemblable, tout au plus à la lisière d'une anecdote, donc à la simple fantaisie ? Jamais nous ne comprendrons l'image dans son infinie polysémie. A cette fin, il nous faudrait disposer de la totalité de l'étant et  le déployer selon ses esquisses plurielles. A savoir une tâche proprement surhumaine.

  Mais laissons-nous aller au jeu du surgissement des réalités premières, des significations immédiates. Bientôt se fera jour la simple narration nous conduisant, inévitablement, de l'Amante à l'Aimé. Mais quel drame se joue donc en filigrane dans le regard  que le passé retient en-deçà de lui-même ? Quelle aventure singulière surgit de cette indécision ? Vers quelles collines existentielles nous conduit donc le taxi sans visage ? Nous sommes comme abandonnés, livrés à une sourde mutité. Rien ne se révélera à nous au-delà de ces quelques conjectures bien vite évanouies. Il n'y aurait donc rien à dire, aucun événement à faire surgir.

  La résolution de l'énigme semble ailleurs. Peut-être la simplicité de l'image, sa rigueur esthétique, son traitement  en noir et blanc, nous invitent-ils à plus d'essentialité. Ici, l'anecdote n'a pas de lieu où s'accomplir. Il n'y a pas la couleur, sa profusion à partir de laquelle édifier quelque événement rassurant dont notre naturelle paresse se satisferait. Le propos de l'image semble entièrement contenu dans cette dialectique du lumineux et du sombre. Dans cette nécessité de nous confronter à une vérité ultime. Aucune fuite, aucune dérobade possible.

  Esseulés, il ne nous reste plus que la perspective de notre propre condition existentielle, mortelle. Image-fouet, image-couperet nous installant dans l'attente du claquement, de la césure. De l'incision de notre corps distrait selon une ligne méridienne, manière de raphé anatomique, symbolique, scindant notre progression selon deux territoires distincts bien que complémentaires. Nous ne sommes rassemblés, unis, soudés autour de notre axe humain qu'à entretenir une cruelle illusion. La concrétion que nous dressons fièrement dans l'espace est, à tout moment, menacée de séparation. La schize est là qui guette dans l'ombre. Se produit-elle et alors gisent à terre les fragments épars que, pourtant, nous feignions de croire inaltérables, éternels.

  Sans doute, le "sentiment tragique de la vie" le portons-nous au creux même de notre être, mais dissimulé, mais replié sur lui-même selon une spirale secrète dont le décèlement n'a lieu qu'une fois et au-delà duquel nous ne pouvons plus témoigner. De l'obscur néant dont nous sommes issus, nous nous mettons soudain à rayonner de multiple manière, assumant notre sursis dans l'existence à la mesure de la flamme que nous entretenons au-devant de nous. En attente de ténèbres, à nouveau. Ainsi s'inscrit en nous cette finitude par laquelle nous existons et nous donnons sens au monde.  Pareils à des instantanés en noir et blanc nous ne nous révélons dans l'être qu'à demeurer dans la grise incertitude, manière de passage d'une condition à l'autre.

  Mais revenons à l'image. La Passante, nommons-là ainsi, n'est-elle pas simplement venue nous dire le lieu de notre coupure proche, de notre séparation de l'Autre, de nous-mêmes ? Toujours, dans les révélations métaphysiques, le regard se porte dans l'au-delà du passé, puis, dans celui du futur. Le présent n'existant qu'à assurer cette tremblante réalité, laquelle ne devient vérité que dès lors que le pas est franchi, nous emportant bien au-delà de l'image dans l'incontournable contrée des évidences absolues. 








 

                                                                                 

 

 

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