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Sidonie - Chantal Magalie Mbazoo-Kassa
samedi 20 juillet 2013 par penvins

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Roman simple, transparent en dépit de ses clefs, d’ailleurs expressément révélées dans la note de l’éditeur, Sidonie peut passer pour une sorte de conte pour enfants devenus grands, une sorte de parabole institutionnelle destinée à faire passer le message de la dangerosité des rapports non protégés. C’est bien sûr une vision franco-française de la littérature, ce roman-là n’est pas un roman pour les bobos du quartier latin.

Tout au contraire il parle de la réalité la plus crue du Gabon, de l’indicible que tout le monde est capable d’entendre pour peu que l’on utilise la langue a laquelle il a été formée et la langue que l’on pratique au Gabon, fut-elle française utilise d’autres codes que ceux des universités parisiennes. C’est sans aucun doute ce qui fait obstacle à la mise en valeur de Sidonie sur la scène de la littérature d’expression française, Sidonie est un roman gabonais et comme tel un roman qui mérite notre lecture attentive.

Le lecteur aura vite fait de comprendre de quoi il s’agit, Sidonie la maîtresse rencontrée dans un bar que ce cadre africain marié et père de deux enfants n’a pas l’habitude de fréquenter, c’est non seulement la tentatrice qui va semer la zizanie dans le couple, c’est surtout le sida qui apporte la mort non seulement du mari mais aussi à plus ou moins brève échéance, celle de sa femme.

Il y a le côté moralisateur qui rend la lecture difficile pour un public qui a depuis longtemps refusé d’entendre la bonne parole lorsqu’il s’aventure sur le terrain romanesque.

Voilà pourquoi la prudence s’impose car Sidonie avance à visage couvert. Elle punit les inconstants. C’est en quelque sorte la main de la justice.
Pour nous le roman c’est tout sauf le lieu du discours bien pensant. Mais c’est oublier que le discours le plus répandu, celui des chasseurs mâles du Gabon – comme celui d’ailleurs des chasseurs européens avant la prise de conscience, tardive, de la gravité de l’épidémie – est de passer sous silence tout ce qui pourrait rappeler que la mort est là, qui rôde. Que si l’amour physique, lui aussi, est enfant de Bohème, cette Bohème-là n’est plus la même depuis plusieurs décennies et qu’il convient d’en tenir compte.

La littérature gabonaise ne peut s’écrire comme s’écrit la littérature d’un pays où - en tout cas un grand nombre le lecteurs - a compris que l’amour s’il reste libre ne peut malgré tout se vivre sans protection et que le sida s’il reste une maladie extrêmement grave et handicapante, ne doit pas être vécu comme une maladie honteuse. C’est ce tabou du sexe, terriblement présent dans la société que décrit Chantal Magalie Mbazoo-Kassa qui par le silence qu’il impose donne à la maladie toutes ses chances pour se répandre comme une trainée de poudre et ravager le pays entier.

Il y a bien entendu, pourquoi le répéter, cette tentation moralisatrice : tu es coupable d’avoir été chercher ailleurs ce que tu pouvais trouver à la maison ! mais il y a aussi la douleur de celle qui est une victime collatérale de cette punition divine et son acceptation. Aucune vraie révolte de la part de l’épouse ! Pire elle s’apprête à partager son « voyage » lorsqu’elle aura fait son devoir de mère et conduit ses enfants à l’âge adulte, lorsqu’elle se sentira libérée de sa promesse de lutter contre Sidonie. Attitude qui explique peut-être, celle des hommes.

Chantal Magalie Mbazoo-Kassa rappelle que l’attitude des hommes est aussi culturelle et que si les femmes n’acceptaient pas de laisser le mensonge perdurer les choses iraient peut-être autrement : Depuis quand y-a-t-il infidélité masculine sans consentement féminin ? [...] C’est comme dire à l’homme : trompe-moi sans me le montrer [...] Il ne s’agit donc pas simplement d’inviter les hommes à la fidélité, il s’agit que la société toute entière commence par se regarder en face et lève les tabous mortifères. Ce qui était autrefois admis et même institutionnalisé, la polygamie, [nos grands-parents] avaient plusieurs épouses donnait à la femme un statut, une force qu’elle a perdu : Nos grands-mères avaient un pouvoir véritable mais discret, que l’on a souvent méconnu. dit un personnage comme si Chantal Magalie Mbazoo-Kassa voulait renvoyer aux femmes sinon la responsabilité de la situation, en tout cas celle de la changer.

Le travail de Chantal Magalie Mbazoo-Kassa pour faire naître la littérature gabonaise et pour donner aux femmes les instruments d’une culture nouvelle dégagée la fois de la tradition et des stéréotypes occidentaux s’est poursuivi notamment avec son étude La femme et ses images dans le roman gabonais. La lecture de Sidonie ouvre la voie à la découverte d’une littérature romanesque en prise avec les problèmes de la réalité gabonaise, une littérature agissante, telle qu’on l’aime.



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