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Désordre du jour - Henri Droguet
jeudi 17 novembre 2016 par Jean-Paul Gavard-Perret

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Dans un mélange élégant de vocabulaire précieux et populaire entre ´ mandales »et « litharges » Henri Droguet taloche le bleu de ciel (breton bien sûr). Parfois certains artistes du même tonneau accompagnent le poète : entre autres et surtout Loïc Le Groumellec. Les gravures de l’artiste sont en corrélation avec une oeuvre qui élimine la paramnésie, cette illusion de déjà-vu ou du déjà vécu en proposant d’autres évidences créées par le langage là où

"les défunts décongelés incinérés

argoniers et gueureaux

baquets de silence

délestent extirpent avancent"

Le tout pour une « grouillante randonnée ». La vie y remue encore.

Il faut donc que Droguet se rassure : son oeuvre ne cesse de « changer le vide » (derniers mots du livre). Le poète rend sensible cette évidence par ses souvenirs du présent qui à travers les mots dédoublent en permanence la perception. Tout reste en mouvement : dans l’océan, sur le ciel et sur la terre. Ce qui s’éboule le poète le rehausse, le scande selon divers liens jamais forcés et où le « je » disparaît au profit de mots « démangeurs ». Ils décapent les apparences afin que tout fermente, dérange l’ordre du monde.

L’intervention poétique crée un visible engrossé d’actualisations possibles en un dispositif de transport d’images optiques au milieu des « mérinos pisseurs tondeurs des landes « . Certes la fin n’est jamais loin mais elle justifie les moyens que Droguet utilise pour l’éloigner dans le cristal « présentiel » (Deleuze) de textes où il neige bleu avant que la nappe immaculée devienne sale.

La poésie reste mouvement du temps, elle prolonge son cycle en concrétisant le monde selon des déplacements de l’évidence sans tomber toutefois dans la virtualité. Le réel n’est plus seulement temporel mais aussi spatial en une reconnaissance attentive. Elle prolonge la vie et ses "clapots" en des lieux de réminiscences qui rallient le passé au présent.

Jaillit une reconnaissance attentive et inédite là même où le désir est entravé par ce fameux passage non du temps mais de l’être comme si la
reconnaissance temporelle échouait à se maintenir distinctement. Mais en même temps elle est entraînée dans une suite de métamorphoses et d’impressions à la fois inhérentes aux lieux mais tout autant détachées de leur contexte. Ces deux possibilités se concrétisent simultanément, dans le « désordre » là où « la stupeur désormais nous attend ». Restent pourtant ces possibles que le livre ouvre. Ils sont de bons secours même si les "futurs contingents" chers à Leibniz resteront lettre morte.

Ce désordre offre donc des bifurcations. Elles permettent de continuer la promenade existentielle et deviennent la somme de toutes les expériences visuelles et affectives des cheminements suivis par le poète. Elles totalisent ses transports mentaux au sein d’une nature qu’il saisit au plus près. Le cumul des affects provoqués par sa perception réintégrée, la vie dans un circuit qui se moque de la perte d’énergie que la vieillesse apporte.

Chaque poème remet en jeu une forme de transport interne face aux ´ vagues lippes grises / que nul couteau n’aura jamais tranchées ». Le livre inscrit les déplacements d’existence qui incluent une réédition du futur que l’écriture repousse. Si bien que le poème se densifie de ces bifurcations qui, à terme, constituent une évocation fantôme et réelle, rêvée et vraie. En de tels paysages le temps se fractionne mais il conserve le passé mais le fait passer au présent face au futur douteux sinon que s’y s’enfournera toute chair en terre.

En attendant le jour paraît. Il faut s’en émerveiller et apprécier tout ce qu’il donne. Droguet nous aide par sa fantaisie et sa profondeur à l’habiter en un processus d’autonomisation croissante de la poésie. Elle invente une suspension du monde objectif au sein pourtant d’une saisie physique dont les mots deviennent les interfaces de singularité pour ramener à la rétine des images inédites.



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