Paru aux Editions Astérion
jeudi 24 juillet 2025 par Françoise Urban-Menninger©e-litterature.net
Pris d’une fringale d’écriture, Philippe Liverneaux, chirurgien et professeur des universités, explore tous les genres littéraires. Après Le manuscrit perdu de Pierre Loti (Do Bentzinger), plusieurs ouvrages ayant trait au milieu médical, puis une pièce de théâtre La Défec.tion (Les Impliqués), il nous revient avec un roman d’une rare causticité et d’une drôlerie surpassant toutes les thérapies proclamées salvatrices par le rire.
Ab, un kinésithérapeute, quinquagénaire, même s’il vient d’hériter d’un vieil oncle, a le moral dans les chaussettes. Sa vie sentimentale est au point mort depuis son divorce, l’atmosphère du service dans lequel il travaille à l’hôpital est pour le moins délétère...
Pour redonner un sens à sa vie, il se met en tête d’écrire un bestseller qui lui permettrait de décrocher, pourquoi pas, le prix Goncourt !
Cette obsession, fil rouge du roman, conduit notre héros à vivre des aventures abracadabrantesques menées de bout en bout sur un rythme d’enfer qui ne peut que tenir le lecteur en haleine. "Le syndrome de la page blanche" pousse Ab à trouver des solutions qui vont faire basculer le livre dans des intrigues dignes d’un roman d’espionnage. Les personnages, sortis de l’imaginaire de l’auteur
nous semblent tout à la fois excentriques et décapants, pourtant ils ne nous sont pas moins familiers car Philippe Liverneaux a le pouvoir de nous offrir un miroir réfléchissant dont les traits grossissants renvoient à nos petits travers.
Le salon du livre où Ab présente le sien est un morceau d’anthologie, la description qui suit est hilarante car criante de vérité : " A ses pieds se trouvait un caddie qu’il utilisait pour transporter tout son attirail. Il avait même pensé à emporter des recharges pour son stylo à dédicace, une petite boîte remplie de pièces pour rendre la monnaie et un paquet de cartes de visites."
D’autres séquences tout aussi loufoques nous narrent la rencontre d’Ab et de son Fétiche glané aux Emmaüs, censé lui porter bonheur et l’adouber dans son rôle d’écrivain à succès. On lit " Le fétiche avait plus de pouvoir que le génie de la lampe d’Aladin." Ab est convaincu qu’il lui fait croiser à dessein une animatrice en atelier d’écriture...
Mais comme chacun le sait, le diable se cache dans les détails et c’est bien dans les détails que l’on apprécie ce roman épicé où pointe parfois un zeste d’érotisme pas piqué des hannetons. Le déroulé de l’atelier d’écriture mené par Alicia en est un exemple particulièrement cocasse, l’animatrice propose aux participants de rédiger un texte contenant trois mots tirés au hasard dans un livre signé par Houellebecq. A partir des mots "cul", "bite" et "sein", les apprentis écrivains vont occulter l’aspect "obscène" de ce vocabulaire pour produire des écrits en conformité avec la " morale". Voici la phrase composée par Farida :" Lorsqu’il accosta dans le petit port de l’île de Sein, il dut placer son yacht cul contre le quai tant les plaisanciers étaient mal positionnés. Par chance, une bitte d’amarrage libre lui permit de fixer le cordage."
Nul doute que Philippe Liverneaux a réussi avec ce roman ce que son héros a tenté de réaliser, à savoir, nous concocter un véritable petit chef d’œuvre où l’autodérision, les quiproquos, les rebondissements en cascades, loin d’en faire un livre quelconque le propulsent dans la catégorie des meilleurs livres de l’été à savourer sans modération !
Françoise Urban-Menninger
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