Feuilles - Abdeljelil Ataffi
dimanche 22 décembre 2019 par Abdelaziz Ben Arfa

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L’ambiance d’une époque révolue, dans ‘’Feuilles’’, d’ Abdeljelil Ataffi

INTRODUCTION

Abdljelil Attafi, originaire d’Ain Draham, est une plume qui a tardé à naître. Il vient de rédiger un texte, peu mince, qui porte le titre ‘’Feuilles ‘’. Dans ce texte, l’auteur ressuscite une époque, celle probablement des années soixante. Il peint une fresque de cette période de son enfance. Il brosse les portraits de certains personnages féminins et masculins. Il narre des anecdotes. Il retrace les cadres des petits tableaux bien animés par son éloquent pinceau. Il use d’un style humoristique, qui rappelle celui des’’ lettres de mon moulin’’, d’Alphonse Daudet, celui du ‘’Fils du pauvre’’, de Mouloud Feraoun et même celui de ‘’Sido et les Vrilles de la Vigne’’, de Colette.
C’est un plaisir que l’on se donne à lire ces ‘’Feuilles’’ pour soulager un peu nos peines modernistes :
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- 1- L’aspect thématique

‘’Feuilles’’, de Abdeljelil Attafi tentent de cerner les contours et de rendre la couleur locale qui caractérisent la région d’Aïn Draham, cette ville de Kroumirie, sise au nord ouest de la Tunisie, près de Tabarka, à quelques kilomètres de la frontière algérienne. L’auteur entame la narration par décrire deux faits saillants : l’accès de l’Algérie à l’indépendance en 1962. C’est une date qui coïncide avec son entrée à l’école primaire. Il ne rapporte pas les faits selon la démarche méthodique, objective et neutre d’un historien, mais selon le style d’un écrivain qui sait porter son regard d’enfant sur un trait caractéristique qui retient ses yeux, et prêter l’écoute à l’anecdote qui anime le récit et lui donne un sens. Par exemple, pour peindre la joie qu’éprouvaient algériens et tunisiens, le jour de fête de l’indépendance, il souligne trois aspects : la photo du leader politique, de BEN BELLAH, qui était brandie dans toutes les places, le départ de certains tunisiens aux villes algériennes proches, pour prendre part à la fête organisée par les algériens. Il décrit le rapport de fraternité qui s’établissait entre certaines familles tunisiennes et celles réfugiées algériennes.
En décrivant le contexte historique de cette époque des années soixante, l’auteur montre les souffrances qu’avaient enduré certaines familles parce que leurs fils avaient été soldats sur certains fronts, soit dans la guerre d’Indochine, soit dans la guerre des années quarante. Il narre ces faits avec un talent d’écrivain : il ne retient de l’ensemble de l’histoire douloureuse que l’aspect anecdotique et humoristique mais si chargé de connotation et de signification : il décrit la conduite amusante qu’adopte le personnage surnommé ‘’Drabo’’ ; il peint le comportement d’une veuve qui avait perdu son époux.
Cette époque était remarquable, aussi, par ses traditions, soit mondaines, soit religieuses : il décrit minutieusement le déroulement d’un mariage de noces, selon le rite traditionnel d’antan ; de même, il peint un ensemble de tableaux qui rendent bien compte du déroulement d’une fête religieuse qui s’organise en l’honneur d’un Saint bienfaiteur nommé ‘’Abdallah le chamelier’’. Il rapporte comment il a vécu lui-même ces faits auxquels il avait pris part. Il campe les portraits aussi bien des hommes que des femmes.
Cette époque, était, aussi, celle de l’accès de la Tunisie à l’indépendance : l’auteur suggère, alors, les choix politiques auxquels avait opté la Tunisie. Mais, il n’évoque pas ces options en termes théoriques d’un sociologue, il choisit, plutôt, une anecdote bien représentative qui illustre bien son talent d’écrivain : des filles lyciennes, qu’il cite leurs prénoms, se donnèrent rendez-vous, en un endroit de la ville. Elles adoptèrent un comportement qui provoqua des réactions négatives chez les messieurs pères, de la ville, et chez les cheiks religieux. Ce jour-ci, elles décidèrent de porter des pantalons dans les quels se moulaient bien leurs cuisses et leurs jambes : ce que la tradition ne le tolérait pas …
Il rapporte, aussi, son expérience d’élève dans l’école coranique. Sans condamner, ni faire l’éloge, il choisit de suggérer : des mois étaient passés à l’école coranique, sans que sa mémoire d’enfant ne retienne une seule sourate. À l’égard de ce qui s’était produit, il décrit la réaction négative, démoralisante pour lui, de son père : celui-ci observa un mutisme réprobateur, dans un premier temps. Ensuite, il traita en termes dépréciatifs son fils devant le public des hommes. Sa mère pensa que son fils l’avait déçue. L’image qu’elle portait sur sa pupille s’était altérée. En filigrane, l’on pourrait considérer que ce fait rapporté sous forme anecdotique par l’auteur condamne le genre d’éducation que recevait l’enfant soit dans sa famille, soit dans l’école.
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- 2- L’aspect stylistique

Le style d’Abdeljelil Attafi, l’on vient de le décrire, est celui d’un écrivain. Ce n’est ni le style journalistique, prosaïque, qui se contente d’informer ou de rapporter une actualité brûlante, ni celui d’un sociologue qui découpe un fragment de la réalité sociale pour l’analyser en lui appliquant des concepts et en le traitant en termes théoriques et abstraits. Il n’est pas, non plus, le style neutre, froid, objectif d’un historien qui narre et explique méthodiquement, en compulsant des documents et en situant les faits.
Le style d’écriture d’Abdeljelil Attafi retient le détail concret, suggestif et significatif, sans trop détailler à la manière de Balzac et de Zola. Le regard qu’oriente ce style est un regard qui ne juge pas : il se contente d’observer pour le plaisir de narrer ou de décrire ce qui est original, voire ce qui est humoristique. Ce qui est visé, c’est trouver le lexique, construire les phrases, brosser les portraits, peindre des tableaux qui rendent compte d’une ambiance qui avait régné à une période de l’enfance et qui avait caractérise aussi l’aspect local d’une région. C’est une époque qui est révolue, et ce sont des traditions qui sont disparues : mais celles-ci étaient pleinement et joyeusement vécues. C’est donc, une écriture de la nostalgie. Ce qui domine, en regroupant ces traits concrets, et en typifiant ces personnages traditionnels, c’est bel et bien, l’anecdotique. C’est tout l’art du descriptif et du narratif auquel nous convie la lecture des ‘’Fueilles’’, de Abdeljelil Attafi
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CONCLUSION

Ces ‘’Feuilles’’ témoignent d’une époque : les gens de la région, en lisant ces textes, s’y retrouvent. Ils diront : ces bien celle-ci, ce qu’était Ain Draham, la ville d’antan. Mais, ce qui rend savoureux ces textes ce n’est pas tant l’aspect témoignage qu’elles comportent que le style anecdotique, narratif et descriptif dominant qui rend la lecture appétissante.
C’est un texte mince, de lecture aisée, il n’ambitionne pas rivaliser avec les récits performants qui narrent des conflits sanglants et douloureux, qui retracent de bout en bout les biographies des actants, qui dramatisent longuement des faits et des scènes, qui typifient des personnages fictifs créés par une imagination fertile et débordante. Mais, c’est un texte prometteur. Il révèle le talent d’un écrivain qui commence bien sa carrière et que tout l’avenir est devant lui : s’ouvrant largement avec ses horizons réjouissants.

Abdelaziz BEN ARFA


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