Des fleurs pour Algernon, édition augmentée - Daniel Keyes
samedi 25 janvier 2020 par Jean-François Ponge

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J’ai Lu, 2012, 542 pp., traduction de Georges H. Gallet et Henry-Luc Planchat

Science sans conscience n’est que ruine de l’âme, ce vieil adage hérité de François Rabelais, a inspiré nombre d’écrivains, notamment ce précurseur de la science-fiction qu’a été Mary Shelley avec son "Frankenstein ou le Prométhée moderne". On a souvent taxé les scientifiques d’apprentis sorciers, lorsqu’une découverte, riche d’applications, est lancée sans prendre en compte les risques qu’elle peut faire courir à l’humanité ou à la nature. Pressés de connaître la gloire, certains savants n’hésitent pas à s’engager sur ces chemins de hasard, tout en arguant de leur parfaite bonne foi. Tel est le thème abordé dans ce roman datant des années 1960 et largement popularisé par le petit et le grand écran, puis à Broadway. Dans une université américaine la chirurgie du cerveau a permis de mettre au point un traitement visant à développer les facultés intellectuelles. Une souris, surnommée Algernon, a d’abord été traitée, devenant capable de se diriger sans erreur dans un labyrinthe en trois dimensions, d’une complexité sans cesse croissante. C’est au tour de Charlie Gordon, un handicapé mental (on disait un "attardé") de trente-six ans, de se faire opérer. Il a été sélectionné car il avait depuis toujours eu l’envie de "devenir intelligent". Les progrès sont spectaculaires, Charlie devenant en quelques semaines un "génie" scientifique mondialement connu, mais seront vite suivis d’une chute tout aussi spectaculaire, à la manière d’un "mauvais trip". L’intérêt du livre, au-delà des sentiments que l’on éprouve pour le héros involontaire de cette navrante épopée pseudo-scientifique, tient à l’analyse des rapports humains qui s’instaurent entre "normaux" et "handicapés" et au mince fil auquel tient le fait d’être accepté ou rejeté par la société. Un discours profondément humaniste, malgré une fin prévisible, très pessimiste en ce qui concerne les bienfaits de la science. L’édition augmentée est agrémentée d’un texte où l’auteur, quarante ans après, rassemble ses notes et ses souvenirs consacrés à la genèse de l’œuvre et à son destin artistique. Un parcours du combattant, avec un succès tardif mais durable, et des détails intéressants sur la façon dont l’artiste incorpore des éléments de sa propre vie à une fiction. En finale, la nouvelle originale d’où a été tiré le roman, qui fait bien pâle figure à côté de celui-ci.


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